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Vous trouverez ci-dessous le discours que j’ai prononcé à l’occasion de la Fête de la Communauté française. Dans celui-ci, j’ai tenu à rendre un hommage aux personnes qui travaillent dans un secteur particulièrement important à Bruxelles, celui de la cohésion sociale.
J’aborde également les tensions communautaires qui ont occupé l’actualité au cours de ces derniers mois. Dans un autre style et loin des discours qui visent à caricaturer l’autre communauté car il est pour moi nécessaire de construire des relations de dialogue durables entre Francophones et Néerlandophones, surtout à Bruxelles.

Mesdames et Messieurs, en vos titres et qualités, chers amis,

Je vous souhaite, au nom des membres du bureau du Parlement francophone bruxellois, à toutes et à tous la bienvenue pour célébrer ensemble à Bruxelles la fête de la Communauté française.

Nous vous avons invités à des titres divers : que vos titres soient officiels ou non, vous faites vivre cette Communauté de langue française à Bruxelles ou ailleurs dans le monde. Et cette fête est donc la vôtre. Il y a parmi vous (honneur à celles et ceux qui viennent de loin) des représentants de pays ou de région quelque part dans le monde et qui nous font l’honneur de leur présence. Je les en remercie. Je voudrais plus particulièrement saluer cette année la présence des ambassadeurs de Bulgarie et de Roumanie. Comme vous le savez, ces deux pays, membres de la Francophonie, rejoindront demain l’Union européenne et un vote est prévu dans ce sens dans notre Assemblée lors de notre première séance de la rentrée. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Il y a également parmi vous des femmes et des hommes qui travaillent quotidiennement dans les secteurs de notre institution : petite enfance, enseignement, culture, formation professionnelle, santé, aide à la jeunesse, aide aux familles, aux personnes handicapées, tourisme… et j’en passe. Cette fête est aussi là pour leur rendre hommage.

Je voudrais cette année m’attarder un peu plus sur les femmes et les hommes qui travaillent dans un secteur particulièrement difficile et important, celui de la cohabitation sociale. On se réjouit souvent dans nos discours officiels du caractère multiculturel de Bruxelles. Capitale internationale par excellence, ville aux 100 nationalités, à la diversité culturelle exceptionnelle, avec ses cuisines aux saveurs du monde entier. L’image est belle, attrayante et réelle. Pourtant, nous ne devons pas nous mentir. Ces diversités, si elles sont bien évidemment source de multiples richesses, sont aussi source de tensions. Parce que nous avons choisi de ne pas nous contenter de vivre chacun isolés dans nos ghettos nous devons apprendre à vivre ensemble, avec nos différences. Nous affichons parfois nos flambeaux sur nos voitures, nos croix autour du cou ou un voile sur les cheveux et parfois une kippa sur la tête. Dans beaucoup de cas, nous ne portons rien. Mais ça ne veut rien dire. Dans nos quartiers, nos écoles, nos rues on retrouve nos langues, nos coutumes, nos traditions. Mais aussi nos replis, nos caricatures, nos exclusions. Dans un milieu où les inégalités sociales sont corrigées mais persistantes. Et dans un monde de communication surabondante où Gaza, Beyrouth, New York ou Jérusalem sont dans la pièce à côté et où il y a peu de place pour l’explication. Dans ce contexte, il est toujours plus facile de construire des barrières que de bâtir des ponts, de souffler sur les braises de la haine que d’allumer un calumet de la paix. C’est dans ce cadre qu’interviennent nos travailleurs sociaux et culturels, nos enseignants, nos artistes et tous ces volontaires du riche tissu associatif que compte Bruxelles. Et eux ne peuvent se contenter d’interdire. Ils n’en ont pas l’autorité et surtout ils savent que ça ne suffirait pas à régler les problèmes de fond. Ils travaillent bien souvent à contre-courant de tendances lourdement ancrées dans la société et avec des moyens souvent très limités à construire des liens d’un mieux vivre ensemble. C’est sans aucun doute grâce à eux que nous avons pu jusqu’à présent éviter à Bruxelles des scènes telles que nous avons vu dans les banlieues françaises. C’est un travail démocratique exceptionnel. En cela, je tiens avec l’ensemble des membres du bureau du Parlement francophone bruxellois à leur rendre hommage et à les remercier.

J’ai dit tout à l’heure que nous avions tous un peu nos replis et nos caricatures. Et dans mes discours précédents, j’ai insisté sur la nécessité en tant que démocrates francophones de construire des relations de dialogue avec les Néerlandophones de notre Région. Je sais, vu de l’extérieur, ça peut sembler bizarre de devoir le dire, mais c’est que la chose ne semble pas toujours évidente. Dans ce sens, je voudrais mettre en avant la très belle initiative prise par deux grandes institutions culturelles présentes à Bruxelles, l’une flamande, l’autre francophone. Je veux parler de « Toernee General » et son succès de foule qui ont rassemblé les publics flamands et francophones au KVS (le Théâtre Royal Flamand) et chez son voisin le Théâtre National de notre Communauté Française. Après les initiatives de BXLBRAVO et des KunstenFestivaldesArts, on voit que le public répond positivement à ces projets de rencontres et de dialogue. Le respect de la diversité rend plus riche nos propres cultures. Message reçu en ce qui concerne notre Parlement. Avec mon homologue néerlandophone du Conseil de la Vlaamse Gemeenschapscommissie, Jean-Luc Vanraes, et avec le soutien de l’ensemble des formations démocratiques de nos deux Assemblées, nous lancerons en janvier prochain des rencontres au Parlement entre des élèves francophones et néerlandophones. Ces moments permettront de démarrer une logique de dialogue entre jeunes en partant de faits d’actualité, de briser un certain nombre de clichés et de mener à une meilleure connaissance de la culture de l’autre communauté linguistique. Malgré la période électorale qui rend encore plus propice ce genre de propos, vous m’excuserez de ne pas profiter de cette tribune pour jeter un peu plus d’huile sur le feu communautaire belge. Je sais que ma stratégie ne sera sans doute pas très payante médiatiquement parlant, mais il faut rester cohérent. La surenchère dans la stigmatisation, la caricature et l’insulte ne conduit jamais à des solutions durables. Il me semble même avoir constaté ces derniers jours l’adhésion d’un Président de parti francophone plutôt sensible sur ces questions rejoindre cette attitude. Je m’en félicite.

Enfin, en tant que Parlement nous avons aussi un rôle à construire la démocratie et à entretenir la mémoire. Cela passe par l’entretien de quelques principes essentiels : l’écoute, la tolérance, le respect de l’autre, de son identité, de son histoire mais aussi le refus des communautarismes. Pour transmettre ces valeurs et pousser nos jeunes à argumenter leurs opinions, notre Parlement organise depuis plusieurs années pour des écoles francophones bruxelloises des visites au Fort de Breendonk et à la Caserne Dossin, d’où sont partis durant la seconde guerre mondiale des milliers de résistants et de juifs vers les camps de la mort. Peu sont revenus de ces camps. Surtout dans la communauté juive. Ces visites sont suivies de débats citoyens au Parlement bruxellois. Je dois vous confesser qu’il est de plus en plus difficile d’organiser ces visites. Certains trouvent que c’est de l’histoire ancienne, d’autres vont même jusqu’à relativiser la réalité, voire même la nier. Il est clair que les tensions au Proche-Orient ne nous aident pas à faire ce travail. Mais ne comptez pas sur nous pour baisser les bras. Bien au contraire tout cela augmente notre conviction à renforcer le travail de mémoire, pas seulement pour nous souvenir qui a été bourreau ou victime mais surtout pour comprendre comment, sous certaines conditions, nous pouvons tous prendre la place de ces victimes ou de ces bourreaux. Ce n’est pas ce qui s’est passé au Rwanda qui démentira cette réflexion.

Depuis cette année, nous invitons aussi ces mêmes jeunes à une commémoration à la nécropole militaire de Chastre où reposent côte à côte des soldats français et des tirailleurs africains ayant combattu, contraints et forcés, pour nos libertés durant la Seconde guerre mondiale. Cet après-midi, nous avons invité 200 jeunes à l’avant première du film Indigènes qui raconte l’histoire de ces militaires de la colonisation en Afrique qu’on envoyait mourir dans les tranchées aux avant-postes durant la deuxième guerre mondiale. On a, durant de longues années, oublié leur histoire. Il a semblé aux membres du bureau de notre Parlement qu’il était également important de leur rendre hommage en présence de nos jeunes.

Pour conclure, en tant que représentant d’un parlement francophone, il me semble important d’avoir une pensée pour les habitants d’un pays francophone qui n’aura pas été souvent à la fête ces dernières années et particulièrement cet été : le Liban. Au-delà des mots de sympathie et sans vouloir entrer dans des considérations géostratégiques, retenons que les victimes sont de toutes façons trop importantes dans chaque camp. Le plus important consiste maintenant à prouver concrètement à ses habitants ce que signifie le concept de communauté francophone internationale. Chacun avec ses moyens. Je suis convaincu que la Commission Communautaire française prendra sa part.

Voilà, Mesdames et Messieurs, les quelques mots que je tenais à vous livrer en vous souhaitant une bonne et joyeuse fête de la Communauté et de la langue française.

En marge : Remise du prix

Depuis plusieurs années, le Parlement francophone bruxellois coopère avec la Fondation Auschwitz pour mener avec des classes des deux dernières années de l’enseignement secondaire supérieur un concours annuel de dissertation. J’aurai le plaisir et l’honneur de remettre tout à l’heure en compagnie des représentants de la fondation Auschwitz le prix du Parlement francophone bruxellois à Monsieur Maxime Gheysens de l’Athénée des Pagodes. La dissertation avait pour thème « l’opinion publique est-elle fabriquée par les médias ou les médias reflètent-ils l’opinion publique ? ».