http://www.doulkeridis.be/IMG/arton395.jpgEn janvier et février 2007, je prenais l’initiative en tant que Président du Parlement francophone bruxellois de rassembler, avec mon homologue du Conseil de la Vlaamse gemeenschapscommissie, des élèves bruxellois issus des écoles francophones et néerlandophones. Lors du lancement de l’opération, j’étais bien loin d’imaginer que rassembler ces jeunes au Parlement pour discuter de leur avenir, serait récompensé d’un prix. Ce vendredi 24 août, Jean-Luc Vanraes et moi-même avons reçu le Prix Condorcet-Aron décerné par le Centre de recherche et d’études politiques (CREP).

Très honoré et ému, j’avoue être aussi quelque peu gêné de recevoir une récompense pour une démarche qui devrait être naturelle dans ce pays. A un moment où la Belgique traverse une période critique sur le plan communautaire et où il est plus facile pour certains de mettre de l’huile sur le feu communautaire, je vois dans le choix du jury – composé principalement de journalistes et d’académiques – une volonté de récompenser celles et ceux qui préfèrent la voie du dialogue (à noter que la décision du jury est antérieure aux élections de juin 2007).
Durant deux matinées, ces jeunes bruxellois nous ont montré qu’ils partageaient des mêmes envies et désirs : trouver un job à la fin de leur cursus scolaire, maîtriser la langue de l’autre communauté, avoir un logement décent et disposer de transports en commun performants, voilà ce qui les préoccupent vraiment. Dans un climat d’écoute et de respect mutuel, ces jeunes ont formulé des propositions concrètes, à mille lieux des caricatures formulées ces derniers temps par certains responsables politiques.

D’autres personnalités et associations ont reçu un prix à l’occasion de cette soirée. Parmi les lauréats, Tom Barman et Arno ont été récompensés pour les concerts 01-10 contre l’intolérance. Le prix du livre a été décerné à l’économiste Rudy Aernoudt pour son « Wallonie -Flandre, je t’aime moi non plus »…
Une mention spéciale aussi pour l’Atelier théâtral 8 mai de l’Athénée Léonie de Waha (Liège). Le jury a aussi voulu honorer la mémoire de la petite Luna Drowart et Oulematou Niangadou, assasinées lâchement par un tueur anversois.

Fondé en 1993, le centre de recherche et d’études politiques (CREP) est une ASBL qui n’est liée à aucun parti politique. Sa vocation est de contribuer au développement d’une véritable pédagogie de la citoyenneté, de lutter contre l’extrême droite et plus généralement, de réaffirmer notre adhésion à une société démocratique. A ces fins, le CREP assure des interventions tant en milieu scolaire (rencontres avec des étudiants du primaire à l’université, formation continuée des enseignants…) que non scolaire (éducation permanente, ONG, …) par le biais de conférences ouvertes à un large public. Le CREP organise depuis 2002, les « Prix Condorcet-Aron ».Inspirés des prix Québécois de la citoyenneté, les prix Condorcet-Aron pour la démocratie s’adressent à toute personne physique ou morale ou association de fait. Ils sont remis chaque année aux alentours du 26 août, où à défaut à la date la plus proche, en commémoration de la proclamation de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789.

A l’instar des figures qui ont donné leur nom à ces prix, les réalisations primées articulent réflexions et actions. Celles-ci ont pour finalité d’aider à une meilleure compréhension de l’espace public, de susciter une capacité d’investissement et d’analyse critique, de contribuer à la diffusion des principes de liberté, d’égalité, de fraternité et plus généralement de toute valeur humaniste.

Suite à une interview que j’ai donnée, vous trouverez ci-dessous un article de Christian Laporte publié dans la Libre Belgique.

Le modèle bruxellois pour les jeunes (la Libre Belgique – 29 août 2007) – Christian Laporte

 

- Christos Doulkeridis et Jean-Luc Vanraes ont reçu le prix Condorcet.

- A l’honneur : le dialogue interculturel bruxellois à partir de la jeunesse.

- Le président de l’assemblée francophone ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.

Le contraste est saisissant. Et il nous faut bien avouer qu’il est quelque peu rafraîchissant face aux tensions de l’heure : alors que le dialogue entre nos communautés ne cesse de se gripper, le Centre de recherches et d’études politiques a eu la bonne idée de décerner, comme on le lira ci-contre, plusieurs de ses prix à des initiatives qui, tout au contraire, font un maximum pour rapprocher les points de vue dans le respect des identités réciproques.

Le dialogue pour et avec la jeunesse bruxelloise instauré à l’initiative des présidents respectifs du Parlement francophone bruxellois et de la Vlaamse Gemeenschapscommissie, Christos Doulkeridis (Ecolo) et Jean-Luc Vanraes (Open VLD) méritait à coup sûr un coup de pouce. D’autant plus qu’il ne vise pas seulement les communautés linguistiques mais aussi (inter) culturelles…

Très concrètement, des élèves de toutes origines et représentatifs de tous les réseaux, tant de l’enseignement général que technique se sont retrouvés pour une séance plénière au Parlement bruxellois. A l’ordre du jour de ces députés extraordinaires : la vision que l’on a de l’autre communauté, de l’enseignement et du bilinguisme dans les écoles, du sens civique et de la sécurité. Mais les jeunes ont aussi débattu de ce qui leur est plus familier : les enjeux en matière de sports et d’activités culturelles et la question des déplacements pour y participer.

Pour Christos Doulkeridis, la séance n’a pas été inutile car « elle a permis de démarrer une logique de dialogue entre jeunes, de briser un certain nombre de clichés et de mener à une meilleure connaissance de la culture de l’autre communauté linguistique. En octobre 2007, nos deux parlements organiseront également un colloque sur les problèmes communs de l’enseignement bruxellois, notamment l’apprentissage de la langue de l’enseignement pour les élèves dont ce n’est pas la langue maternelle. »

La démarche sera utile : « Il n’est pas rare que des enfants arrivent en première primaire sans maîtriser selon le cas, le français ou le néerlandais. Avec mon homologue néerlandophone, nous avons le désir de multiplier ce type d’initiative qui constitue une première au niveau politique mais qui est déjà inscrite sur le terrain par des acteurs culturels, académiques ou sociaux… »

Une application de plus du modèle bruxellois en quelque sorte. Pour Christos Doulkeridis, ce rapprochement s’imposait : « Nous avions des relations privilégiées avec le Québec, le Maroc, les pays francophones mais pas avec le VGC ! La lacune se devait d’être comblée. L’idée a été acceptée chez nous mais aussi chez nos collègues de la VGC. En fait, nous avons noué des contacts qui devraient aller de soi. Si nous sommes, évidemment, heureux d’avoir reçu le prix Condorcet-Aron, ce n’est pas un baromètre très positif pour la Belgique d’être mis à l’honneur parce qu’on a rapproché les jeunes de nos différentes communautés ! Ce qui passe pour une exception devrait évidemment être une règle… »

Le constat peut paraître amer mais on peut compter sur le président du PFB pour développer largement le concept.

Et ce à l’instar du travail de mémoire qu’il a entrepris depuis quelques années et qui amène des jeunes Bruxellois à Breendonk et à la caserne Dossin mais aussi au cimetière français de Chastre où reposent des soldats musulmans morts pour la France et pour la démocratie en Europe en général.

A partir de ces initiatives, de vrais débats parfois durs pour des raisons de distance culturelle émergent mais cela se fait dans un grand respect mutuel. On est là loin de Val Duchesse…