Mon discours d’ouverture du colloque « Regards croisés sur les expulsions de logement » organisé, ce 15 janvier, par L’Institut de recherches interdisciplinaires sur Bruxelles (IRIB) des Facultés universitaires Saint-Louis et le Syndicat des locataires :

C’est un grand honneur pour moi d’ouvrir ce colloque consacré aux expulsions de logement, et l’ampleur de l’assistance aujourd’hui présente témoigne à suffisance de l’importance que revêt cette thématique pour vous, professionnels et acteurs de terrain. Croyez bien que, comme membre du gouvernement bruxellois en charge du logement, je fais également mienne cette préoccupation.

La première chose dont il convient de disposer lorsqu’on entreprend de réglementer une question, c’est une photographie, chiffrée et détaillée, du problème en cause. Cet indispensable socle statistique fait défaut en Région bruxelloise. Certes, cette collecte des données n’est pas aussi aisée qu’il y paraît, en raison notamment de la forte hétérogénéité des acteurs et des motifs mêmes conduisant à l‘expulsion.

Il n’empêche, une telle centralisation est bel et bien possible et, à cet égard, l’acteur naturel me semble être les CPAS ou, à tout le moins, leur coupole. Les centres publics d’action sociale, en effet, occupent une place privilégiée en ce qu’ils sont, de par la loi, tenus au courant aussi bien des expulsions décidées en justice pour non respect des obligations locatives que des évictions imposées par les autorités administratives pour contrariété aux normes de qualité. Qu’ils sachent, en tout cas, que la Région bruxelloise est susceptible d’appuyer toute initiative de leur part en ce sens.

À première vue, on peut penser que la problématique des expulsions de logement ne concerne une entité régionale (comme Bruxelles) en termes législatifs qu’à la marge. Certes, la loi dite d’humanisation des expulsions de 1998 relève de l’autorité fédérale, tout comme le mode de fonctionnement des CPAS (via la loi organique de 1976). C’est oublier, cependant, que les pouvoirs régionaux ont compétence pour le logement social et, de manière générale, qu’ils sont habilités à régir la qualité des biens loués, comme déjà dit. On a, là, deux « leviers » très intéressants pour la Région en vue de travailler sur les expulsions. Ceci, sans compter que la législation (fédérale) sur le bail pourrait bien tomber prochainement dans l’escarcelle des régions, si la réforme institutionnelle en cours est adoptée au niveau fédéral.

Concernant, d’abord, le logement social, depuis 2000 un « moratoire hivernal », prohibe les expulsions dans le parc public entre le 1er décembre et le 28 février. Pris, toutefois, sous la forme d’une circulaire ministérielle, ce moratoire ne réunit peut-être pas toutes les garanties de juridicité requises pour un tel outil, même si, dans la pratique, son effectivité est grande ; il conviendra donc de le consolider.

En dehors de cette période, les sociétés de logement agissent certes comme des bailleresses soucieuses de leurs intérêts, en procédant le cas échéant à l’expulsion d’un locataire défaillant, mais les actes qu’elles posent doivent toujours être inspirés par la véritable mission de service public dont elles ont reçu la charge, ainsi d’ailleurs que le rappelle une jurisprudence plus ou moins abondante. On indiquera, à titre d’information, qu’en 2008, on relève 15 expulsions physiques pour le secteur du logement social bruxellois toutes sisp confondues.

Pour ce qui est, ensuite, du contrôle de la qualité des logements mis en location,nous disposons bien de statistiques, exhaustives et totalement fiables qui plus est. Sans trop empiéter sur l’exposé de son directeur, qui prendra place cette après-midi, je peux vous dire que 656 logements ont été interdits à la location depuis l’entrée en vigueur du Code du logement (soit le 1er janvier 2004). Parmi eux, 304 l’ont été de manière immédiate, sans donc que soit laissée au propriétaire la possibilité de faire des travaux, en raison des trop grands dangers pour la santé et l’intégrité physique des occupants. Au total, le taux de relogement des locataires évincés s’élève à 58% et, dans 14% des cas, la procédure de relogement est encore en cours. Ce relogement s’effectue dans pour 40% dans le secteur public, pour 60% dans le secteur privé. Ce taux de relogement me semble très honorable, singulièrement dans la mesure où la DIRL ne possède pas elle-même un parc immobilier où elle pourrait placer les évincés.

Ce n’est pas tout : au profit des ménages expulsés à la suite de l’application des règles régionales de qualité, le Code du logement a aménagé des mesures d’aide au relogement :

- d’une part, un soutien financier, qui comprend aussi bien une aide au déménagement qu’une allocation-loyer, laquelle couvre la différence entre le tiers des revenus nets imposables du ménage et le loyer du nouveau logement (loyer plafonné à 150% de l’ancien barème des agences immobilières sociales). Versée dans la limite des crédits budgétaires, cette allocation est délivrée pendant trois ans (non renouvelables), de manière anticipative et à un rythme trimestriel. Au 1er janvier 2009, 300 ménages au total avaient bénéficié de l’aide au déménagement, et plus de 150 de l’allocation-loyer ; de ces mesures doivent cependant (et logiquement) être déduites d’éventuelles autres aides publiques au déménagement et interventions dans le loyer.

- d’autre part, un droit d’accès prioritaire aux logements publics, il a déjà été modalisé pour le parc social, par l’octroi, très concrètement, de 5 points de priorité, soit le plus haut des taux, et de loin. Au passage, on a concédé un nombre de titres de priorité identique aux personnes expulsées pour insalubrité toujours, mais des oeuvres du bourgmestre, sur la base de la nouvelle loi communale.

Ce type de disposition devrait pouvoir être étendue aux logements des pouvoirs locaux qui repésentent un peu plus de 8000 unités de logement dans la RBC. Le moment, me semble opportun pour les pouvoirs locaux de favoriser explicitement le relogement dans leur parc que l’ordonnance du 19 décembre 2008 impose précisément à chaque commune ainsi qu’à chaque CPAS d’adopter officiellement un règlement d’attribution de ses logements et de le rendre public.

Multiples, ces mesures n’en indiquent pas moins la nécessité de modalités complémentaires. Raison pour laquelle le travail législatif de la présente législature devra permettre d’améliorer la réponse publique en la matière.

Il me coûterait de clore ce trop court exposé introductif sur une note qui ne serait pas habitée par la prospective Il n’y a pas, au final, que les parties au contrat de bail à tirer avantage d’un travail exercé davantage en amont ; la puissance publique y gagne également, dans la mesure où la prévention des évictions se révèle nettement moins onéreuse pour les autorités que la fourniture ex-post de solutions de relogement et ce, dans un rapport de un à quatre environ. À cet égard, il me tarde de prendre connaissance de l’expérience allemande qui sera relatée cet après-midi ; il me revient en effet que la ville de Cologne prend à sa charge, moyennant le respect de certaines conditions (et dans certaines proportions), les arriérés de loyer du locataire. Le tout, naturellement, est de ne pas en arriver à déresponsabiliser ce dernier. Il ne vous aura peut-être pas échappé, dans ce registre, que l’accord de majorité prévoit explicitement à Bruxelles que « l’intervention de la Région dans la couverture d’une assurance contre la perte d’emploi en faveur des locataires sera étudiée ». Puissent les travaux de cette journée d’étude, que je souhaite fructueuse et riche en rencontres, contribuer à alimenter cette réflexion.