Dans le cadre de la Présidence belge de l’Union européenne, les 23 et 24 novembre 2010, en tant que Secrétaire d’État au Logement de la Région de Bruxelles-Capitale, j’ai lancé un signal fort à mes collègues européens en proposant un colloque sans précédent d’envergure européenne sur la question du rôle des politiques de logement dans la gestion des contraintes environnementales et climatiques qui pèsent de plus en plus durement sur nos sociétés.

Bruxelles, qui compte déjà quelques projets architecturaux innovants et exemplatifs dans ce secteur, avait pour ambition de se positionner à l’avant-garde de ce débat et d’y jouer un rôle moteur.

Des premières conclusions et intentions émanant de cette rencontre dans le chef de la Région bruxelloise peuvent être tirées.
1/MOBILISATION DES ACTEURS POLITIQUES
Ces jours de conférence ont été organisés dans le cadre de la Présidence belge et dans la foulée de la réunion informelle des Ministres du logement organisée par l’Espagne. Ce colloque a offert un lieu d’échanges et a permis d’approfondir les grandes lignes qui ont été dessinées à Tolède et qui entretienne efficacement la dynamique amorcée. Les actes de ce colloque donneront lieu à une publication. Celle-ci permettra aux responsables politiques de cibler au mieux les questions sur lesquelles devra plancher le Groupe technique que la Belgique a proposé de réunir en 2011. Au cours de ce colloque tenu moins de six mois après la Réunion informelle, des avancées importantes ont été réalisées. La question du logement occupe désormais une place essentielle dans le débat européen. Le logement n’est pas une compétence partagée entre l’UE et les États-Membres et sa gestion relève de la décision exclusive de ces derniers. Dans ce sens, le nouveau Traité sur le fonctionnement de l’UE, en reconnaissant la diversité des situations des États membres, consolide cette autonomie. Le nouveau Traité offre également plus de liberté aux États-Membres pour définir ce qu’est un « Service d’Intérêt Économique Général » (SIEG), au sein de leurs dispositifs et de leurs choix politiques. Les autorités publiques en charge du logement doivent saisir l’assouplissement ainsi offert par le nouveau Traité car cet assouplissement leur permet désormais à leurs missions de base, des objectifs plus larges dont, plus particulièrement: les engagements climatiques, la transition énergétique, et la lutte contre la pauvreté.
2/LE LOGEMENT AU CŒUR DU DEBAT EUROPEEN
Le rôle du logement dans l’espace européen connaît depuis peu des modifications stupéfiantes. Lorsque les composantes du Trio (l’Espagne, la Belgique et la Hongrie) ont commencé leur travaux de consultation et de négociation, en janvier 2009, elles ne pouvaient pas imaginer l’accélération que le débat allait connaître. Notamment le fait que le logement apparaisse de manière très marquée dans des contextes dont auparavant il était absent :
– du contexte des politiques climatiques et énergétiques;
– du contexte de la protection sociale;
– et du contexte des politiques de réhabilitation urbaine.
Pour ce qui concerne les politiques énergétiques et climatiques, la Stratégie que la Commission vient tout récemment – il y a deux semaines – de déposer devant le Conseil et le Parlement comporte des éléments inédits. Ils vont bien plus loin que la seule mention de la rénovation énergétique du logement en tant que levier stratégique de lutte contre le dérèglement climatique.
3/LA VILLE, ACTEUR DE PREMIER PLAN
La Commission rappelle le rôle de tout premier plan que la rénovation énergétique du logement occupe pour réussir la transition énergétique, mais elle établit également (et sans doute pour la première fois), un lien explicite entre les objectifs de la transition énergétique et la dimension urbaine. L’espace réel où la transition va devoir se réaliser est précisé : la ville. La forme de ville qui est convoquée est celle de la ville intelligente, les « Smart Cities » qui sont encore à créer. 80% de la population européenne se concentre désormais dans les villes; et ce sont les viles désormais qui sont les plus grandes consommatrices d’énergie; c’est donc dans les villes aussi qu’il faudra répondre au défi énergétique.
4/LES OBJECTIFS CLIMATIQUES ET POLITIQUES REGIONALES
Les objectifs climatiques quittent enfin la sphère de la seule expertise technique pour rentrer en confrontation avec la réalité sociale et économique de l’Europe telle qu’elle est, et singulièrement de l’Europe des villes. Aujourd’hui, la Stratégie énergétique de l’Europe à l’horizon 2020 a franchi ce pas. En conséquence, la Stratégie invite les Etats-membres à intégrer mieux leurs actions de rénovation énergétique au sein des politiques régionales.
Les responsables politiques en charge du logement, peuvent se réjouir et se féliciter d’avoir contribué à une meilleure compréhension des besoins du secteur et des spécificités du bâti dans les villes. Dans ce contexte, la notion de ville comprend non seulement les centres historiques et leur patrimoine architectural et urbanistique, mais aussi à la manière dont les villes se sont étendues dans l’immédiat après-guerre, à une époque où l’énergie fossile semblait inépuisable et où les effets des dérèglements climatiques n’étaient pas encore connus.
5/DES SOLUTIONS DE RENOVATION ADAPTEEES A LA REALITE SOCIALE



Tolède avait pointé qu’il était indispensable de rénover pour des raisons climatiques, mais sans oublier la réalité sociale et culturelle des habitants, et surtout en s’appuyant sur cette réalité, et en cherchant à l’améliorer dans toutes ses dimensions : cohésion sociale et culturelle ainsi que développement d’activités économiques locales. En synthèse rénover le bâti dégradé, c’est de facto devoir répondre aux problèmes de cohésion, de mixité et de lutte contre la grande pauvreté et en devant faire preuve d’une certaine inventivité.
Tolède demandait à la Commission que tout soit fait pour que les progrès environnementaux se fassent avec les gens, là où ils vivent, et en considérant les moyens réels dont les responsables politiques disposent en cette période difficile sur le plan économique. Aujourd’hui, après avoir vu les choses s’accélérer, les acteurs politiques ont peu, à l’occasion de ce colloque de Bruxelles, ouvrir la question du « Comment », en débattre.
6/LUTTRE CONTRE LA PAUVRETE GRACE A LA POLITIQUE DE LOGEMENT
Il faut continuer à serrer les liens entre « lutte contre la pauvreté » et « logement ». Il reste encore du chemin à parcourir dans ce domaine. Le coût du logement et l’évolution des loyers dans les centres urbains contribuent, pour une part importante, à la précarisation socio-économique d’un grand nombre de citoyens européens aggravée par la pauvreté énergétique. Notre appareil statistique, dans lequel le logement occupe une meilleure place désormais, permet de savoir que se loger constitue aujourd’hui un problème pour 36% des citoyens de l’Union, et que pour les plus pauvres, le logement représente un gros problème puisque son coût obère leur capacité économique à se nourrir et même à s’instruire. Si la convergence climat-logement a fait l’objet de travaux soutenus sur le plan des objectifs environnementaux, il n’en va pas de même pour la lutte contre la pauvreté et sur la manière de faire converger politique du logement et politique de protection sociale.
La Présidence belge souhaite montrer que la nécessité de mieux articuler les dimensions du logement et de la protection sociale a été entendue et qu’un travail de coordination est entamé en Belgique.
7/LA CONFERENCE DE BRUXELLES CONTRIBUE A L’AVANCEE DES DEBATS
C’est un fait, l’Union européenne rend nécessaire l’intégration de la composante climatique dans l’ensemble des politiques de son espace. Le logement n’y échappera pas. Il sera difficile, dans un futur proche, de se souvenir des raisons qui ont conduit des générations entières de décideurs à aborder séparément les dimensions environnementale, sociale et économique. Il sera tout aussi difficile de comprendre qu’elles aient pu, aussi longtemps, être mises en concurrence plutôt qu’en convergence, en opposition plutôt qu’en dialogue. Mais c’est à notre génération qu’il est demandé d’innover – et rapidement – en matière d’intégration des trois dimensions du Développement durable. C’est nous qui affrontons les difficultés, qui plus est dans le contexte d’austérité qui est le nôtre.
Cependant, il y a de bonnes raisons de rester optimistes et de se donner des chances de réussir en misant sur les espaces d’échanges et d’entraide que l’Union européenne nous fournit. Dans ce sens, les deux jours de conférence qui vont suivre vous proposent d’écouter et de dialoguer avec un ensemble d’acteurs qui expérimentent d’une manière ou d’une autre le nouvel impératif de convergence entre les contraintes climatiques et les besoins sociaux et économiques.
Comment les priorités sont-elles établies? Sur quelle type de légitimité s’appuient-elles? Sur quel type de participation des habitants et des usagers repose-t-elle? Quels sont les partenariats indispensables entre les différents acteurs du changement? Quelle est la spécificité de la place des autorités publiques dans ce processus de modification des manières de faire ?