photo 1 (3)Beaucoup d’architectes bruxellois m’ont interpellé à de nombreuses reprises pour me faire part de leurs préoccupation liées à leur métier, qui se transforme véritablement. Bon nombre d’entre eux s’interrogent entre autres sur des questions liées aux normes passives ou basse énergie, à l’éco-construction de manière générale. Mais aussi sur les normes urbanistiques propres à Bruxelles, sur les processus de participation citoyenne et leur lien avec la conception des projets, sur les comité de concertation,…

Puisque c’est en connaissant les idées et les avis des personnes concernées que nous pourrons à l’avenir avancer mieux encore à Bruxelles, j’ai rencontré quelques architectes pour un échange à propos de toutes ces questions.

La principale difficulté rencontrée par ces derniers concerne les procédures administratives : la manière dont on arrive à la commande publique, le cadre réglementaire dans lequel il faut travailler, les procédures de demande de permis en ce comprise la commission de concertation. En particulier, le dossier de demande de permis d’urbanisme nécessite d’être complet, d’être conforme aux normes régionales et communales, d’être conforme aux normes administratives et d’incendie, d’avoir obtenu un feu vert en commission de concertation, le tout dans des délais raisonnables… Toutes ces étapes, dans le contexte économique que nous connaissons, impliquent une prise de risque très importante pour les citoyens, les entrepreneurs, et pour les architectes avec une évolution possible des dossiers qui se trouvent parfois en décalage complets avec le projet initial.

Un élément essentiel que j’ai relevé dans le débat, est celui de mesurer quels sont les éléments réellement nécessaires au débat public -la concertation- qui est imposé en cas de demande de permis d’urbanisme et à quel moment cette concertation intervient. Il faut donc impérativement mesurer en quelles circonstances et à quel moment du processus de demande de permis d’urbanisme, une concertation peut apporter une réelle plus-value. Parce que la concertation, si elle est essentielle sur des projets qui touchent au paysage urbanistique d’un quartier, elle l’est peut-être moins lorsque les travaux sont de moindre importance. Or elle peut remettre fondamentalement en cause un important travail effectué en amont (études techniques et architecturales entre autres) qui devient dès lors obsolète et doit être recommencé. Sans compter que le service d’urbanisme se voit inutilement engorgé de petits dossiers. Il y aurait donc lieu de revenir à une simplification des procédures : la nécessité d’un certificat d’urbanisme pour tout chantier touchant à l’urbanité, incluant le processus de concertation. Une fois le certificat d’urbanisme obtenu ou pour les chantiers ne modifiant pas l’urbanité, la nécessité d’un permis de construire (incluant l’avis du Siamu, l’hygiène etc) ne nécessiterait plus de concertation.

Pour les projets impliquant un passage en commission de concertation, je relève parmi les observations que la composition même de celle-ci devrait être étudiée.

A l’origine la commission de concertation a été mise en place pour que les différentes instances régionales et communales aient une plate-forme de discussion… Il était intéressant que leurs points de vues respectifs puissent être échangés. Elle comportait des fonctionnaires de ces différentes instances dont , parfois, des architectes mais aussi par exemple, des ingénieurs agronomes de l’IBGE… En région bruxelloise, les demandeurs du permis et leurs architectes sont toujours invités, l’occasion leur est ainsi donnée de répondre aux questions éventuelles des fonctionnaires. Par la suite cette commission est devenue publique. Les riverains sont donc autorisés à se présenter, poser des questions, formuler des objections etc. En principe une demande de permis ne passe en commission de concertation que sil il y a dérogation aux règlements mais comme les règles sont de plus en plus strictes et surtout leur interprétation de plus en restrictive par les fonctionnaires il y a de moins en moins de dossiers qui ne font pas l’objet de dérogations, ainsi de plus en plus de dossiers passent en concertation et la commission est débordée. Par ailleurs les fonctionnaires font alors référence à une notion qui n’est définie par aucune règle : le « bon aménagement des lieux ». La porte est dès lors ouverte à la subjectivité. Une clarification du rôle de chacun est donc demandée par les architectes.

Ici comme dans d’autres secteurs, je constate à quel point est grande la responsabilité des personnes qui constituent les commissions d’avis, de sélection, de concertation, etc. De nombreux projets en dépendent. Il me semble donc primordial de veiller à ce que les missions de celles-ci soient davantage précisées et surtout régulièrement évaluées, de même qu’il est primordial de faire en sorte qu’elles soient composées de personnes compétentes et de représentants de services administratifs concernés.

La concertation et la participation citoyenne pour les projets architecturaux n’en restent pas moins essentielles.
Mon expérience montre que plus on travaille en amont avec citoyens, plus on les associe, plus un projet de qualité a de chance d’aboutir, parce qu’il aura été conçu de manière cohérente avec le plus grand nombre de personnes concernées.

Parmi les autres demandes, j’ai encore relevé celles-ci :
• L’accessibilité à l’information sur un bien doit être facilitée ;
• La possibilité d’autoriser la division d’immeubles sous peine de les voir disparaître. La question est cruciale pour le logement étudiant, sous peine de voir se développer des projets de promoteurs immobiliers qui risquent de faire grimper les prix ;
• L’individualisation des droits sociaux pour stimuler l’habitat groupé ;
• Une meilleure définition de la notion de « bon aménagement des lieux » que l’administration utilise, en cours de procédure, ajoutant de facto une incertitude supplémentaire ;
• La question des logements vides, des surfaces de bureau inoccupées, des logements au-dessus des commerces.

La problématique des procédures, de leur lourdeur, qui a un impact pour les citoyens, les entreprises et bien-sûr les architectes, a également été abordée ; celles-ci doivent immanquablement être facilitées, améliorées, car des dossiers qui « traînent » peuvent être extrêmement décourageant, le contexte des projets pouvant changer durant ce laps de temps entre le dépôt du dossier et l’avis perçu.

Le bilan du gouvernement régional bruxellois en matière de logement est positif puisque nous avons redynamisé les projets de construction dans le cadre de l’alliance habitat, que nous nous sommes attaqués aux inoccupés, que le code du logement a été revu, que des alternatives telles que le CLT (Community Land Trust) se sont développées, etc. Cependant, tout ce qui a été initié devra être poursuivi pour que des résultats tangibles puissent être mesurés. D’autre part de gros enjeux demeurent en matière d’urbanisme.

Les architectes ont un rôle à jouer très important dans notre ville qui doit faire face à un défi démographique, écologique et de qualité de vie. Leurs connaissances techniques mais aussi leur créativité sont essentielles pour apporter des réponses cohérentes et intelligentes. Il est primordial pour moi que leurs revendications puissent être entendues et que des réponses soient apportées par l’autorité publique.

Et c’est avec une pensée émue que je salue la mémoire d’un des participants à cette table ronde, disparu inopinément, Monsieur Isidore Zielonka, qui a largement contribué à enrichir le débat.