« Vivre à domicile c’est mon choix »

« Quelles politiques la ville et la Région peuvent-elles développer pour adapter les logements aux personnes âgées ? »

Il y a quelques jours, j’ai pris part à une conférence-débat à l’occasion de la journée internationale des seniors. J’ai pu y aborder une thématique importante pour moi.

La plupart du temps, les seniors ne sont pas pris en considération explicitement dans les politiques du logement; ils ne constituent pas une catégorie spécifique en tant que telle. Précisément, à mon niveau (et très modestement), un des axes de ma politique consiste à essayer de les sortir de ce véritable « angle mort ». A l’heure actuelle, plus de 15% des Bruxellois ont plus de 65 ans, soit 155.000 seniors; et demain, en 2040, ils seront 239.000, suivant les projections.

En ce qui concerne leur rapport au logement, 57% des seniors sont propriétaires de leur habitation, ce qui est largement supérieur à la moyenne régionale (ce dont il convient de se réjouir). La proportion, toutefois, décline à partir de 75 ans, les seniors ne parvenant plus à gérer seul leur habitation et préférant alors déménager vers une maison de repos (en vendant la maison familiale), ce qui constitue toujours une forme de déchirement. A partir de 90 ans, une petite moitié des aînés (45%) migre ainsi vers une maison de repos.

Pour favoriser le maintien dans les lieux, ce qui est le souhait de la grande majorité des seniors, je développe et soutiens l’idée de l’habitat intergénérationnel. En mettant en location les étages vides, à des jeunes par exemple, la personne âgée, qui habite au rez de chaussée généralement, fait coup double, voire triple, en effet : elle tire un revenu locatif d’espaces précédemment improductifs, elle s’assure une présence rassurante dans l’immeuble et, last but not least, elle ne doit plus se charger de l’entretien de ces étages. Dans ces conditions, le maintien dans les lieux peut s’envisager sereinement. Et, plus fondamentalement encore, c’est de la cohésion sociale qu’on retisse de la sorte, avec une véritable mutualisation des services qui peuvent être échangés (le jeune change une ampoule chez le senior ou fait les courses pour lui de temps en temps, et en contrepartie le senior garde les enfants du couple à l’occasion ou encore réceptionne un colis, par exemple).

Concrètement, la Région finance une A.I.S. versée dans l’habitat intergénérationnel et, par ailleurs, je compte inscrire officiellement ce mode d’habitat dans le code du logement. Mes collaborateurs ont déjà pris contact avec leurs collègues du Secrétaire d’Etat à l’Urbanisme, en vue d’aplanir les difficultés urbanistiques résultant de l’opération de subdivision d’une unifamiliale.

En tout cas, promouvoir l’habitat intergénérationnel représente une nécessité d’autant plus pressante qu’actuellement, plus de la moitié (53%) des logements habités par les 65 ans et plus sont, en réalité, sous-occupés. A l’heure où l’on cherche des solutions nouvelles pour parvenir à « loger le boom démographique », ce segment-là doit être impérativement exploité davantage qu’il l’est aujourd’hui.

Sur un autre plan, près de la moitié des locataires sociaux (43%) a 60 ans ou plus, ce qui est considérable et pose parfois des problèmes de cohabitation avec les autres catégories de locataires, nettement plus jeunes souvent. Ensuite de quoi, j’ai prolongé et renforcé les moyens dédiés aux programmes de cohésion sociale à l’intérieur des cités de logement social.

Enfin, seuls 2% des logements à Bruxelles sont conçus de manière modulaire. Or, la modularité des pièces et des espaces constitue un atout primordial pour une réutilisation de l’habitation au fil de la vie. C’est la maison qui doit s’adapter à l’occupant (et au senior en particulier) pour épouser au plus près ses évolutions de vie (départ des enfants, séparation, famille recomposée, habitat intergénérationnel, …), et non l’inverse.

En ce sens, j’initierai une réflexion avec mes collègues de l’urbanisme et des primes à la rénovation pour tâcher d’intégrer dans leurs raisonnements cette dimension, cardinale, de la modularité, clef sans doute de l’avenir du logement au sein de nos sociétés sujettes à une flexibilité croissante.

Toutes les mesures qui pourraient être prises pour favoriser le logement des personnes âgées, ne seront d’aucune utilité si en parallèle, les services d’aide aux personnes et d’accompagnement de celles-ci ne sont pas également développés de manière coordonnée avec les opérateurs du logement. Car les personnes âgées qui perdent petit à petit leur autonomie, sont parfois contraintes d’intégrer une institution alors que moyennant une aide adaptée, elles pourraient, si tel est leur choix, rester dans leur habitation. Ces matières relèvent des commissions communautaires, dont la Cocof que je préside par ailleurs. Voilà pourquoi je vais proposer de réunir un groupe de travail « droit au logement » dans le cadre de la Conférence Interministérielle Social – Santé qui se met en place en Région bruxelloise (installation officielle le 14 octobre). Ce sera l’occasion de réunir les acteurs des différentes entités autour de la question du droit au logement pour les personnes âgées, les personnes handicapées, les personnes qui sortent de maisons d’accueil… Des thématiques telles que l’accessibilité, les soins à domicile, l’intégration sociale, etc y seront abordées et permettront de mieux coordonner l’action politique sur le territoire de la région. Dans la même perspective, j’ai organisé une rencontre, le 11 octobre prochain, entre le Conseil consultatif du logement et le Conseil consultatif bruxellois francophone de l’Aide aux personnes et de la santé, afin qu’un échange puisse démarrer autour de ces questions.