Pour répondre au défi que représente la crise du logement, j’ai souvent répété qu’il fallait aussi proposer des idées innovantes pour la Région bruxelloise. Lors de la réunion de la Commission Logement qui s’est tenue ce matin, en réponse à une question d’Alain Maron (Ecolo), j’ai donné plus de précisions sur une idée en pleine gestation: réserver un pourcentage de logements à finalité sociale dans les projets immobiliers privés d’une certaine taille.

Les efforts du Gouvernement pour porter à 15% la proportion de logements à gestion publique et à finalité sociale dans toutes les communes d’ici à 2020, notamment via le Plan Logement (dont j’espère qu’il pourra déboucher sur une production annuelle de 1.000 logements à partir de 2012), pourraient se révéler insuffisants, surtout si paral­lèlement le rythme de la production de logements privés se maintient voire s’accroît.

Ce problème n’existe pas vécu uniquement à Bruxelles. En Région flamande, à Lille, à la Ville de Paris et au Grand-Duché du Luxembourg, les autorités se sont également fixées comme objectif d’augmenter la proportion de logements sociaux dans les zones qui en sont trop peu pourvues. A cette fin, elles se sont données les moyens d’imposer la production de logements à caractère social conjointement aux opérations privées de production de logements. Examinons-les plus en détail.

En Région flamande, le « Grond-en Pandendecreet » du 27 mars 2009 contient au moins une disposition intéressante. Il impose aux promoteurs de réserver, dans les zones comprenant moins de 9% de logements sociaux, 10 à 20 % des lots ou des surfaces planchers à du logement social. Ces lots ou logements doivent être revendus aux sociétés de logement social soit à la valeur estimée par le Receveur de l’Enregistrement ou le Comité d’Acquisition (pour les terrains), soit aux prix barêmisés du secteur du logement social.

A Lille, le Conseil municipal a voté à l’unanimité, le 1er février 2010, deux mesures fortes en faveur du logement social. Jusqu’à ce moment, les opérations de construction supérieures à 50 logements devaient déjà intégrer au moins 25% de logements locatifs sociaux. Depuis février 2010, l’imposition a été étendue à toutes les opérations à partir de 17 logements, et le quota de logements sociaux a été porté à 30%.

A la Ville de Paris, les autorités administratives urbanistiques ont prévu d’instaurer une règle d’équilibre et d’harmonie pour favoriser la construction de logements sociaux dans les secteurs qui en sont le moins pourvus et la construction de logements libres dans ceux où il y en a moins : c’est la nouvelle règle des 25%, applicable dans un périmètre dit « en déficit » de logements sociaux. Dans ce périmètre, le futur règlement demandera aux opérateurs privés, lors d’opérations de construction de logements, mais aussi pour celles réalisées sous forme de réhabilitations, de réserver 25% de la surface hors œuvre nette à des logements sociaux. La disposition s’applique ici seulement aux programmes de logement dont la surface est supérieure à 1.000m². Concrètement, pour la construction d’un immeuble de 3.000m², soit environ 33 logements sur la base de 90m² par logement, 750m², soit environ 8 logements, seront offerts au logement social.

Au Grand-Duché du Luxembourg, dans le cadre des Plans Particuliers d’Aménagement, tout projet privé de plus d’1 hectare doit prévoir 10 % de logements « à coût modéré », destinés à des personnes répondant aux conditions d’octroi des primes de construction ou d’acquisition concernant l’aide au logement, et mis sur le marché dans de conditions de vente ou de location barémisées.

Ces modèles méritent qu’on les étudie en profondeur. Il s’agirait d’un outil des plus efficaces pour assurer une mixité de types de logements dans tous les quartiers et ce, dans un contexte de rareté des terrains et d’opportunités immobilières, d’une façon de favoriser la mixité sociale en assurant entre les communes une répartition équilibrée et diversifiée de l’offre de logements. Autre avantage important à mes yeux : les logements sociaux produits dans le cadre d’un tel dispositif seraient dispersés au sein même d’ensembles de logements libres et insérés dans des copropriétés avec des tiers.

Pour l’heure, des experts juridiques et immobiliers planchent sur la question. J’ai également pris des contacts avec le secteur. Il est important d’anticiper tous les aspects et d’étudier l’impact financier sur les opérations immobilières. On voit cependant que dans les Régions où la règle est d’application, le marché ne s’est pas écroulé.