Ce jeudi matin, j’étais l’invité de Matin Première. Au cours de l’interview, j’ai eu l’occasion d’évoquer plusieurs dossiers importants pour l’avenir de la Région. La confection du budget régional et l’Alliance Habitat étaient bien évidemment au cœur de l’entretien avec Bertrand Henne. Grâce à un refinancement important qui a corrigé le sous-financement dont a été victime la Région bruxelloise, la Région de Bruxelles-Capitale a pu présenter un budget à l’équilibre, rejoignant ainsi les autres Régions, et dégager un boni.

Retranscription de l’entretien:
Bertrand Henne : – Les finances bruxelloises ne sont pas si mauvaises que ça. Enfin c’est ce qu’on verra aujourd’hui puisque la région bruxelloise va présenter son budget et selon l’Echo notamment, elle présenterait un boni de 6 millions d’euros. Bruxelles est une région sauvée des eaux ?

Christos Doulkeridis : – D’abord le budget n’est pas encore adopté…

BH : – C’est pour ça que j’ai mis du conditionnel.

CD : – Oui, vous avez bien fait. Bruxelles n’est pas sauvée des eaux. Effectivement, il y a eu un refinancement qui a eu lieu, on en a suffisamment parlé. C’était extrêmement important pour Bruxelles pour faire en sorte de corriger le sous-financement dont a été victime Bruxelles durant de très nombreuses années. Cela nous permet, cette année, de rejoindre finalement les autres entités dans leur objectif de pouvoir présenter des budgets à l’équilibre. C’est la première préoccupation. C’est extrêmement important parce qu’effectivement, il s’agit d’être plus responsables, de ne pas engager les générations futures et en même temps, il faut dans ces budgets, être capable dans un contexte de crise de dégager des priorités pour soutenir l’économie et le pouvoir d’achat. C’est ce que le gouvernement a fait en approuvant l’alliance habitat que j’ai proposée et qui vise à injecter près d’1 milliard € sur plusieurs années pour pouvoir soutenir les Bruxellois dans l’une des crises les plus importantes qu’ils connaissent, à savoir trouver un logement à un prix décent.

BH : – On parle bien ici du budget 2014, l’objectif de la Région bruxelloise, c’est un boni ou c’est l’équilibre ? Parce que symboliquement on se dit: tiens, si la région bruxelloise fait un boni, ce serait la seule région, la Flandre a choisi l’équilibre, la Communauté française et la Région wallonne devraient choisir l’équilibre pour 2014 et, il y a encore un débat, peut-être 2015, c’est ce que souhaitent les Ecolos, la Région bruxelloise va aller sur un boni en 2014 ?

CD : – C’est un des points qui est en discussion. La COCOF, elle, est à l’équilibre depuis l’année passée déjà. La Région bruxelloise le sera au minimum cette année. Si on peut dégager un boni, ce sera bon pour la dette qui reste encore importante et qui permettra justement de la faire diminuer.

BH : – 3 milliards d’euros.

CD : – C’est mieux de payer régulièrement pour des politiques qui servent les Bruxellois dans l’emploi, dans la formation, dans le logement, etc. que de payer des banques. Donc, c’est de la bonne gouvernance. Si en plus ça peut permettre, dans un équilibre global, à d’autres institutions qui portent des politiques très importantes aussi pour les Bruxellois, de pouvoir être un peu soulagées dans cet effort, je pense que ce sera encore plus positif.

BH : – C’est le cas de la Communauté française et de la Région wallonne qui sont en conclave budgétaire aujourd’hui à Namur et qui espèrent boucler également leur budget. André Antoine, le ministre du budget des deux entités, prie Bruxelles de lui venir en aide et on parle d’une aide de 6 millions d’euros. Tiens, c’est plus ou moins le boni dont on parlait tout à l’heure…

CD : – Sur les prières, chacun a peut-être son expérience là-dessus. Je pense qu’il n’y a pas d’obligation de résultat et qu’en tout cas ça, n’a jamais été prouvé. Maintenant, je l’ ai dit : en tant que politique bruxellois, je pense que souvent en fait, quand on fait de la politique, on a le nez dedans. On travaille énormément d’heures, et finalement on en vient à défendre des institutions plutôt qu’à défendre des politiques. Je suis ministre à la Région bruxelloise, à la COCOF aussi mais je suis également un parent. Je viens d’avoir un petit bébé et j’ai des enfants, des belles-filles qui entrent à l’université et une belle-fille qui est encore dans l’enseignement secondaire. Je suis un ministre mais je suis aussi un parent et je sais l’importance que représente, pour énormément de familles, la qualité des crèches et de l’enseignement. Une de mes belles-filles va entrer dans une école pour devenir institutrice. Je voudrais qu’elle ait la meilleure formation possible pour faire face à cette crise que connaissent les enseignants, qu’elle ne soit pas découragée après 5 ans. Et donc, je pense que nous devons toujours avoir une vue globale sur les politiques qui sont menées et ne pas rester coincés sous ses propres institutions.

BH : – En l’occurrence, quelle est la réponse de la Région bruxelloise à cette demande du Sud du pays ? Est-ce qu’il faut que la région intervienne financièrement, par un transfert de 6 millions d’euros, vers la Communauté française ?

CD : – Sur la technique, il faut laisser ça au budgétaire. Sur l’objectif, je pense que le premier travail de la Région bruxelloise est d’avoir un budget sérieux pour ses propres compétences. Si indirectement ça peut aider des institutions comme la Fédération Wallonie-Bruxelles, ou d’autres, à mener des politiques qui sont essentielles pour les Bruxellois sur la petite enfance, sur l’enseignement, sur la culture, c’est très bien.

BH : – Parce que le sujet a l’air comme ça, on parle de 6 millions d’euros pour la Communauté française, ça a l’air symbolique mais il y a quand même quelque chose… Demain c’est la fête de la Communauté française, la semaine passée, on a appris que cette solidarité de Bruxelles vers la Communauté française était plus ou moins actée puis on a appris que Guy Vanhengel, le ministre du budget à Bruxelles, flamand, refusait la chose, est-ce que oui ou non, Bruxelles est prête à de la solidarité envers la communauté française ?

CD : – Je vous ai donné mon point de vue, je pense qu’en tant que politiques on doit être solidaires avec l’ensemble des institutions parce que les politiques qui sont menées sont extrêmement importantes.

BH : – Mais il n’y a pas d’accord au sein du gouvernement bruxellois là-dessus notamment avec les Flamands ?

CD : – Mais il est normal que Guy Vanhengel qui est un ministre de la Région bruxelloise chargé du budget, soit d’abord préoccupé par la bonne gestion de son budget. Je l’ai dit : si indirectement, ce budget peut permettre par exemple de dégager un boni et de faire en sorte que directement, cela soulage la dette de la Région bruxelloise et indirectement l’organisation du budget de la fédération Wallonie-Bruxelles par exemple ou d’autres institutions en Flandre ou ailleurs, pourquoi pas.

BH : – Ce qu’on comprend quand même, c’est que les difficultés entre Flamands et Francophones au sein du gouvernement bruxellois vont sans doute empêcher la solidarité envers la Communauté française…

CD : – Je ne pense pas. Depuis plusieurs années maintenant, le dialogue qui existe au niveau bruxellois entre les Francophones et les Néerlandophones est vraiment positif. On a justement essayé de sortir un peu de ces différentes casquettes de compétences ministérielles et d’avoir une vue globale. On sait que plus les politiques, ceux qui sont compétents au fédéral ou à la communauté, dans les deux communautés, en Flandre et du côté francophone, sont bien financés, plus les Bruxellois aussi auront des compétences dans leur vie quotidienne qui seront bien gérées aussi. Je ne crois pas qu’il faille rajouter des tensions dans un gouvernement qui fonctionne plutôt bien, qui est capable de dégager des accords et qui ne s’enferme pas dans des querelles linguistiques ou autres depuis le début de la législature.

BH : – Alors, créer 6000 logements par an, dont 20% financés par le public, le reste par le privé, c’est l’objectif affiché par le gouvernement bruxellois. L’opposition MR dénonce un effet d’annonce alors que les précédentes annonces de création de logements ne seraient même pas honorées.

CD : – Je comprends que quand on est dans l’opposition, on fait ce travail d’opposition, je laisse ça au MR.

BH : – Ils ont raison ou pas sur les chiffres ?

CD : – Mais non, enfin, je voudrais vous dire les chiffres tels qu’ils ont été réellement adoptés. Ce qui a été adopté, c’est un budget de pratiquement 1 milliard qui va être injecté, et ça personne ne pourra le contester parce que les chiffres sont là. Les différentes instances qui vont recevoir ces budgets et la technique pour pourvoir les organiser, sont déjà décidées. Une partie de ce milliard servira à construire de nouveaux logements publics et ça je pense que personne ne conteste cette nécessité pour Bruxelles. Des logements publics qui serviront à deux types de public : le public du logement social d’une part et le public avec des revenus moyens parce qu’à Bruxelles, on le sait, la crise du logement touche aussi énormément de familles, familles monoparentales avec enfants, familles qui ont des difficultés à joindre les deux bouts et à pouvoir trouver un logement sur le marché privé. Cela, c’est pour le locatif.

BH : – Le problème c’est qu’entre les annonces et les logements qui arrivent, où les locataires peuvent vraiment prendre possession des logements, il y a parfois plusieurs années qui s’écoulent. Quand est-ce que ces logements vont commencer à être disponibles ?

CD : – Moi je n’ai jamais fait la promesse que les logements qu’on a décidé de faire ce week-end seraient disponibles l’année prochaine. C’est impossible. On est en train de terminer les programmes qui ont été réglés et qui ont été adoptés il y a plusieurs années maintenant. Mais on ne peut pas en même temps reprocher, comme on l’a fait auparavant à juste titre, aux politiques de ne pas prendre les devants, de ne pas être dans la prospective, de ne pas prévoir l’avenir et de ne pas prendre les décisions telles qu’on les a prises aujourd’hui. Ce qui est essentiel c’est que nous allons poursuivre le programme. C’est vrai que ça prend pratiquement quatre ans entre le moment où l’on décide de construire un logement et le moment où ce logement est disponible. Donc, on est en train de boucler le programme précédent et la décision qu’on a prise aujourd’hui va permettre de faire en sorte que dans les années qui viennent on n’aura pas perdu de temps pour voir émerger les logements qui sont attendus et qui vont permettre à de nombreuses familles de pouvoir trouver un logement à un prix décent. Dans le milliard en question, d’autres mesures que la construction (et qui permettra aux bas et moyens revenus de louer un logement à prix décent ou à acquérir un logement sont prévues : une nouvelle aide locative qui permettra de soutenir 1000 ménages en attente d’un logement social et un vaste programme de rénovation des logements sociaux existants. Par ailleurs, des dispositifs tels que les prêts à taux réduits du Fonds du Logement, et qui ont été multipliés par deux depuis le début de cette législature, permettront à de nombreuses familles d’acheter leur logement. Sur le plan économique, l’Alliance habitat bénéficiera également au secteur de la construction avec des retombées importantes en matière d’emploi. Quand on met un milliard pour la construction et la rénovation, ça veut dire que c’est tout un secteur économique qui est soutenu, ce qui est évidemment aussi essentiel pour Bruxelles.

BH : – Merci !