Capture d’écran 2015-10-28 à 14.51.09Voici le discours que j’ai tenu le 21 octobre dernier au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles à l’occasion de la présence de Madame Michaëlle Jean, Secrétaire générale de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). 

Madame la Secrétaire générale, vous aurez remarqué que sur les quatre présidents de groupes politiques de cette assemblée, trois sont des femmes. Je suis très fier de cette situation. Lorsque vous irez dans d’autres pays rencontrer des acteurs, malheureusement souvent masculins, qui résistent à la nécessité et l’évidence de prévoir une représentation égale entre les hommes et les femmes et de mettre en place des mécanismes garantissant cette égalité, vous pourrez leur dire, même si je suis très conscient de tous les efforts que nous devons encore réaliser : «J’ai été dans un pays où trois groupes politiques sur quatre sont présidés par une femme. Si vous ne mettez pas en place ces mécanismes, c’est vous, les hommes, qui en pâtirez dans les années qui viennent!»

Dans votre intervention, vous avez utilisé quelques mots qui m’ont particulièrement touché. J’ai aussi retenu ceux que vous n’avez pas utilisé et qui m’ont tout autant touché. Vous avez présenté la francophonie comme un réseau de solidarités, d’échanges et de partages. Vous ne l’avez pas présentée comme un étendard de la langue française contre d’autres langues. Vous auriez pu parler de la menace de l’anglais, du chinois ou de l’espagnol. J’ai beaucoup apprécié que vous ne l’ayez pas fait.

La force du réseau de l’Organisation internationale de la francophonie et des réseaux qui l’accompagnent, comme l’ APF, est justement de nous éviter la tentation de se contempler le nombril pour se replier sur soi. Ces tentations nous guettent régulièrement. Nous subissons sans cesse des velléités de nous dissocier de nos partenaires actuels. La francophonie est au contraire un espace qui nous encourage à mettre davantage en évidence ce qui nous rassemble, les expériences et les richesses culturelles que nous pouvons partager et échanger. Vous l’avez dit à plusieurs reprises, le monde fait face à plusieurs dangers simultanément. La tentation du repli sur soi n’est pas le moindre, ni l’exacerbation des haines et des différences qui conduisent aux horreurs auxquelles nous assistons malheureusement trop souvent en maints endroits du monde.

D’autres mots encore m’ont touché. Vous avez consacré une grande partie de votre intervention à la jeunesse. Vous avez raison, nous avons une responsabilité et un devoir envers elle. Nous devons reconnaître les jeunes comme des acteurs. Il n’y a pas si longtemps, le Parlement a organisé un voyage en Tunisie. Je suis très heureux que le dialogue national tunisien ait reçu le prix Nobel cette année. Là-bas, nous avons pu mesurer le poids de l’action de la jeunesse dans le processus démocratique. Des associations de jeunes ont spontanément décidé de rédiger des comptes rendus des débats parlementaires afin de garder des traces, rendre des comptes, informer la population et le reste du monde. À côté des acteurs qui ont reçu le prix Nobel de la paix, la jeunesse aurait mérité une place, car elle a réellement contribué à ce qu’est la Tunisie aujourd’hui. C’est précieux pour l’orientation future du pays.

Vous avez insisté sur le rôle des femmes. Je reviens ce matin d’une mission organisée par l’ Assemblée parlementaire de la francophonie (APF) avec l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) au Mali. Cette mission portait sur le rôle et la fonction des parlementaires au Mali. Nous avons abordé des sujets d’une extrême importance. Le décalage avec nos partenaires maliens est considérable. La présidente de la section APF du Mali doit mettre trois jours pour faire le trajet de Tombouctou, sa ville d’origine occupée, à Bamako, la capitale où se trouve le Parlement. Heureusement, il y a pour le moment les vols organisés par l’ONU. On se rend bien compte de la nature hostile de l’exercice démocratique dans ce type de pays. Ces personnes, et en particulier les femmes, doivent avoir un courage et une force considérable pour faire de la politique, faire vivre la démocratie et projeter un avenir meilleur pour leur population. Nous devons leur rendre hommage.

Aussi, il ne s’agissait pas d’être présent dans ce type de rencontre dans le rôle du professeur qui donne la leçon. Les discussions sur pied d’égalité sont la règle. L’OIF doit être l’artisan de ce multilatéralisme. En effet, à mes côtés se trouvaient tant les députés maliens que les représentants de différents pays d’Afrique centrale. Nous étions tous conscients de la richesse que constituaient ces échanges partagés. C’est ça l’OIF. Rares sont les organisations qui ont la force de rassembler des pays aussi différents. La francophonie correspond à cette diversité. Vous avez largement insisté sur ce terme. Diversité qui dépasse le cadre d’un terri- toire, l’Europe contre l’Asie, l’Afrique ou l’Amérique.

En tant qu’écologiste, j’ai apprécié que vous parliez de l’enjeu fondamental du climat. Dans ce sens, je félicite les initiatives prises par l’OIF pour construire une prise de parole multilatérale autour de celui-ci. Le débat en sera fortement enrichi.

Vous avez dit: «Nous avons besoin de vous». Vous avez fait appel à des moyens supplémentaires. En effet, on attend beaucoup de l’OIF qui touche 80 pays et 274 millions d’habitants. Pourtant, comparativement à d’autres structures, elle est plutôt modeste. Si nous voulons atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés – l’action sur les droits humains, la démocratie, la réconci- liation nationale lorsqu’elle est menacée, etc. –, nous ne pouvons tout mettre sur le dos de l’OIF, nous devons la soutenir. Nos attentes envers cette structure doivent se coupler à notre responsabilité envers celle-ci.

Vous avez parlé de culture, d’enseignement. Il est évident que notre responsabilité en tant que membres de l’OIF est d’ouvrir nos universités, d’accepter les échanges, d’ouvrir nos espaces culturels pour faire vivre cette diversité.

Notre marge de progression est extrêmement importante. Si nous voulons être fiers de ces réseaux, nous devons soutenir, à la hauteur de nos ambitions, le type de structure que vous présidez. Nous sommes extrêmement fiers de la façon dont vous le faites.