1783149295_B976370549Z.1_20150826120441_000_G5952NIHL.1-0J’ai interpellé la Ministre de la Culture ce jeudi 10 décembre sur le dossier du cinéma « Pathé-Palace ». Un dossier qui dure depuis quatorze ans, qui aura coûté jusqu’à présent plus de 14 millions et pour un bâtiment qui n’est toujours pas opérationnel. Dire que la majorité PS-CDH refuse aujourd’hui d’appliquer les décrets pourtant dûment votés dans des secteurs comme les archives, les centres culturels, les bibliothèques, l’éducation permanente ou encore les centres d’expression et de créativité parce qu’ils sont « non payables » (dixit Milquet). Appliquer ces décrets à 100% coûterait 7 millions pour toute la législature…

M. Christos Doulkeridis (Ecolo). – Cette question a, certes, été abordée dans le cadre des discussions budgétaires, mais j’aimerais refaire le point et obtenir une réponse globale de la ministre. Dans une interview accordée au quotidien Le Soir, fin octobre, vous annonciez que Sven Gatz était «venu nous aider» pour le Palace, cinéma d’art et d’essai, et pour le Botanique.

Nous apprenons donc que c’est la Communauté flamande qui pourrait sortir la Fédération Wallonie-Bruxelles du pétrin. Rappelons brièvement l’historique de ce dossier. Le bâtiment du Pathé Palace a été racheté par la Communauté française en 2001, à l’initiative du ministre Hasquin, pour la «modique» somme de 5 millions d’euros.

En 2004, une ASBL a ensuite été créée autour du projet de cinéma Palace, un projet de qualité qui a tout son sens dans le paysage cinématographique bruxellois. Néanmoins, en ce qui concerne la rénovation du bâtiment et les travaux et investissements nécessaires à son exploitation, le projet a été extrê-mement mal pensé. Dans un premier temps, le caractère classé du bâtiment n’avait pas été pris en compte ni les difficultés que cela entraîne en termes de coûts ou de possibilité de réalisation des aménagements.

Les frais d’architecture se sont révélés plus élevés que prévu et finalement, la TVA n’avait pas non plus été prise en compte dans le budget. Aujourd’hui, le cinéma Palace n’est toujours pas en ordre de marche. La Fédération Wallonie-Bruxelles continue d’y investir annuellement et des moyens supplémentaires sont nécessaires à son exploitation, notamment en termes de matériel cinématographique.

Madame la Ministre, pouvez-vous faire le point sur ce dossier? Combien la Fédération Wallonie-Bruxelles aura-t-elle dépensé pour la rénovation de ce bâtiment? J’ai cru entendre la somme de 17 millions. Quand le cinéma – qui a toute sa place, je le rappelle, dans le paysage des cinémas d’art et d’essai à Bruxelles – pourra-t-il être ouvert au public? Quelle sera l’aide de la Communauté flamande, mentionnée dans votre interview? D’où proviendront les moyens financiers? Des modes de financement collaboratifs existent.

Je pense par exemple aux modèles de financement mis en place pour la réouverture d’un cinéma d’art et d’essai à Namur, le Caméo.

Ce type de financement a-t-il été envisagé pour le Palace?

Mme Joëlle Milquet, vice-présidente et mi-nistre de l’Éducation, de la Culture et de l’Enfance. – Je commencerai par un bref récapitulatif historique de cette saga que, comme vous, je déplore. En 2001, après un grand conflit avec la Communauté flamande, la Communauté française achète ce bâtiment pour 5 millions d’euros, plus un million pour y installer le Théâtre national pendant les travaux du nouveau bâtiment. En 2004, le gouvernement a marqué son accord sur la future affectation de l’ancien Pathé Palace pour le projet de cinéma Palace, porté notamment par les frères Dardenne et Patrick Quinet. En 2006, à l’issue d’un concours, l’atelier d’architecture Alain Richard est désigné comme auteur du projet. La réaffectation du bâtiment doit permettre la réalisation du programme de quatre salles de cinéma, un restaurant, un magasin culturel, des espaces d’accueil et de réception et une confiserie.

En 2010, la Commission royale des monuments, sites et fouilles délivre son permis unique avec conditions. De mai 2010 à juin 2012 s’est déroulée la procédure de marché public pour les travaux. Le 22 octobre 2012 est fixé un délai de 470 jours ouvrables, plus un délai accordé pour imprévus de chantiers et intempéries. La fin du marché de travaux a été fixée avant l’été 2015, avec une ouverture prévue pour cet automne. Les travaux n’ont pas été retardés, mais soumis aux règles de gestion de ce type de chantier: il y a eu 65 jours ouvrables d’intempéries et 33 jours ouvrables complémentaires accordés pour des travaux complémentaires.

Le montant total des travaux s’est élevé à 610 000 euros pour les travaux préalables et 8,3 millions d’euros pour les travaux en cours, avec 1 250 000 euros d’honoraires, au-delà des 5 millions donnée. On voit donc l’ampleur des investissements de la Fé-dération Wallonie-Bruxelles. La question de la TVA a entre-temps été résolue; il est vrai qu’elle était problématique à un certain moment. Quand je suis entrée en fonction, il restait 2,6 millions d’euros à financer pour l’achèvement des travaux, ainsi que pour les frais relatifs au premier équipement et à l’équipement horeca.

Dans l’état actuel des budgets, nous ne disposions pas de ce montant, mais nous pouvions trouver d’autres sources de financement, s’agissant d’une somme raisonnable par rapport à l’ensemble des investissements réalisés. Nous avons contacté des opérateurs exté-rieurs pour pouvoir obtenir l’aide de Beliris, qui soutient de nombreux projets dans cette région, mais n’avait jamais soutenu un projet de cette ampleur. Il fallait que cela se passe dans un cadre bicommunautaire.

J’ai donc rencontré Sven Gatz pour savoir s’il était d’accord de contribuer au financement et au fonctionnement de ce projet. Comme le conseil d’administration est partiellement néerlandophone et que le projet comporte un volet, non seulement de diffusion du cinéma néerlandophone, mais aussi de pédagogie avec les écoles néerlandophones, Sven Gatz a accepté – en raison de ce caractère biculturel – de cofinancer le fonctionnement annuel au moyen d’une subvention spécifique.

Forts de cet élément, nous sommes, avec les frères Dardenne, allés voir Di-dier Reynders pour pouvoir intégrer l’opération dans Beliris. Le ministre Reynders n’y voyait pas d’objection, mais il fallait une demande de la Région bruxelloise. À l’époque, la Région bruxelloise, plus précisément Fadila Laanan, avait demandé de devenir propriétaire en contrepartie de son aide, ce qui avait toujours été refusé par la Fédération Wallo-nie-Bruxelles.

Dans un premier temps, la Région bruxelloise n’était pas opposée à l’introduction d’un dossier pour les 2 millions complémentaires. Nous avons attendu. Ne voyant rien venir, nous sommes allés aux nouvelles et il nous a été dit que la Région bruxelloise réclamait à nouveau la propriété du bâtiment. Pour que ce projet aboutisse et comme le fait d’être ou non propriétaire ne me paraissait pas essentiel, nous avons envisagé la revente du bâtiment. Il faut par conséquent procéder à des évaluations, notamment notariales, par le truchement d’une commission de valorisation, l’idée étant que la Région devienne propriétaire, mais octroie gratuitement un droit d’emphytéose sur le bâtiment pour que nous puissions continuer à le gérer complètement, comme nous l’avons fait jusqu’à présent. Un accord s’est dégagé en ce sens, mais cette piste tarde à se concrétiser. Il y a non seulement un blocage au niveau de Beliris, mais la Région de Bruxelles-Capitale semble aussi avoir changé d’avis. Le montant est, certes, important, mais je pense qu’ils ont les moyens nécessaires. J’ai demandé à plusieurs reprises qu’ils se positionnent et j’attends une prochaine rencontre.

Entre-temps, ne voyant rien venir du côté régional, j’ai pris mon bâton de pèlerin et me suis adressée à la Ville de Bruxelles, plus précisément à Carine Lalieux et à Philippe Close. La Ville, le CPAS ou la Régie foncière pourrait en effet devenir copropriétaire. Nous travaillons donc sur plusieurs axes. Croyez bien que je ne ménage pas mes efforts, toujours avec le soutien des frères Dardenne. Il y a donc trois options. Soit la Région achète le bâtiment, nous cède l’emphytéose et supporte évidemment le coût des travaux.

Soit la Région bruxelloise ou la Ville de Bruxelles finance ce montant de 2 millions et devient copropriétaire. Il s’agit d’un projet majeur pour la Ville, parce qu’il y va de l’animation du piétonnier, pour la Région bruxelloise, parce que l’endroit est renommé en matière d’art et d’essai, et pour la Fédération Wallonie-Bruxelles, parce qu’il concerne notamment la culture pour l’école.

Nous devons tous porter ce projet. Si nous sommes plusieurs, tant mieux, et quels que soient les niveaux de pouvoir.

Je voudrais simplement que chacun prenne ses responsabilités et que le projet soit finalisé au plus tôt. J’aimerais donc que la question soit tranchée pour la fin janvier. Je reprendrai contact à cet effet tant avec la Ville qu’avec la Région. Il conviendra en tout cas de redéfinir un peu le projet parce que depuis 2004, le monde a changé.

Je précise que des mécènes privés sont prêts à intervenir, mais aucun opérateur n’est disposé à accepter un financement privé. En ce qui me con-cerne, le partenariat public-privé ne me pose, en la matière, aucun problème.

M. Christos Doulkeridis (Ecolo). – Pour commencer, on ne peut pas vous reprocher grand-chose. Vous héritez de ce dossier, que vous essayez de le faire aboutir dans les meilleures conditions. Il n’empêche que ce dossier date de quatorze ans et que le bâtiment n’est toujours pas opérationnel.

Je regrette que nous n’ayons pas pu en débattre en commission. Comme l’a dit un de nos collègues, M. Maroy, l’argent ne pousse pas dans les arbres… Je rappelle donc qu’à l’époque, la décision a été prise par M. Hasquin.

Cet investissement – 5 millions d’euros – a été consenti sur un coup de tête, dans un jeu de concurrence avec la Communauté flamande qui avait, à un moment donné, eu l’intention d’acheter ce bâtiment. On a donc acheté ce bâtiment sans savoir ce qu’on allait en faire et sans avoir de vision claire quant aux travaux indispensables, bref sans aucun projet. Finalement, le coût est proche de quatorze millions et le bâtiment n’est pas encore terminé.

Pour rappel, lors de précédentes discussions budgétaires, vous aviez estimé que l’application des décrets correspondrait à un coût de 7 millions pour le secteur socioculturel. Il s’agit ici de 14 millions, que nous aurions pu simplement investir dans des politiques structurelles. C’est une des erreurs fréquemment commises en politique: on veut absolument avoir son propre bâtiment pour y mener des projets alors qu’il en existe d’autres, qui ont besoin d’un soutien budgétaire pour pouvoir fonctionner correctement.

C’est l’exemple type de ce qu’il ne faut pas faire en termes d’utilisation d’argent public. Si j’ai bien compris, cet argent vient de la Fédération Wallonie-Bruxelles ?

Mme Joëlle Milquet, vice-présidente et ministre de l’Éducation, de la Culture et de l’Enfance. – Oui.

M. Christos Doulkeridis (Ecolo). – Et donc la Région bruxelloise demande la propriété du bâtiment pour que vous puissiez bénéficier d’un montant de 2,6 millions, qui doit encore être budgétisé. L’opération entrerait dans le cadre de Beliris.

Mme Joëlle Milquet, vice-présidente et ministre de l’Éducation, de la Culture et de l’Enfance. – Le raisonnement est le suivant: comme nous sommes en Région bruxelloise, laquelle est bilingue, et dans le cadre de Beliris, il serait préférable que la Région de Bruxelles-Capitale ait la propriété.

Apparemment, des personnes d’un même parti se sont bien affrontées à ce sujet.

En ce qui me concerne, j’ai une approche plus pragmatique. Au départ, on aurait préféré garder le bâtiment, mais, après tout, le fait d’en être ou non le propriétaire ne va pas changer la face culturelle du monde. Nous voulions toutefois le céder à son juste prix. En échange, la Région nous transférait le droit réel de jouissance, l’emphytéose. Je puis comprendre le raisonnement.

M. Christos Doulkeridis (Ecolo). – Mais ce sera la Région ou la Ville de Bruxelles ?

Mme Joëlle Milquet, vice-présidente et ministre de l’Éducation, de la Culture et de l’Enfance. – Ce que je viens d’expliquer concerne la Région. Toutefois, j’ai eu beau multiplier les demandes de contact, on me répond par le silence radio et le dossier n’avance plus. À un moment donné, je me suis dit que ce serait peut-être plus simple avec la Ville de Bruxelles qui, comme vous le savez, aime beaucoup les investissements immobiliers.

M. Christos Doulkeridis (Ecolo). – En tout cas, j’interrogerai également la Région.

Mme Joëlle Milquet, vice-présidente et mi-nistre de l’Éducation, de la Culture et de l’Enfance. – Je ne veux pas du tout polémiquer. J’explique le dossier en toute transparence, car il faut trouver une solution. C’est peut-être en traitant avec la Ville que nous la trouverons.