apprendre-et-progresser_Jb5G

Un dossier qui vivote depuis plusieurs années et qui est sensé établir des règles plus saines entre le monde politique et l’associatif, en établissant des critères clairs pour les subsides, pour l’indépendance des associations, pour le choix des projets… Dans les débats, tous les partis semblent d’accord, mais quand il faut voter ces dispositifs, il y a toujours une « bonne » mauvaise raison pour ne pas le faire. Par ailleurs, ce qui tue aussi les acteurs associatifs socio-culturels, par exemple, c’est le manque de budget puisque, même lorsqu’un budget est voté, les Ministres ne l’appliquent pas faute d’avoir prévu les budgets suffisants…

M.Christos Doulkeridis (Ecolo). – Je me permets de revenir sur le dossier relatif à la mise en œuvre et à la concrétisation de la Charte associative qui, comme vous le savez particulièrement bien, patine depuis longtemps.

L’objet de cette Charte est de toute importance car il vise à clarifier juridiquement les relations entre pouvoirs publics et monde associatif, ainsi qu’à uniformiser la manière d’attribuer les subsides aux différentes organisations. Cette charte permettra ainsi de travailler de la même façon aux différents niveaux de pouvoir.

Notre parlement avait adopté en 2009 une proposition de résolution relative à cette Charte. En 2012, un premier projet d’accord de coopération entre les trois entités concernées avait été rédigé et ensuite soumis à divers avis dans le secteur associatif.

Nous sommes depuis lors dans l’attente de la signature de l’accord de coopération par les différents niveaux de pouvoir: la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Région wallonne et la COCOF. Il permettrait la pleine application de la Charte, offrant ainsi enfin un cadre juridique sécurisé au secteur associatif.

Ce dossier n’avance que très peu et se heurte toujours à plusieurs écueils. Mon collègue Stéphane Hazée avait interrogé le ministre-président il y a un an à ce sujet et avait constaté qu’on piétinait dans ce dossier. Une série de points sensibles demeuraient en suspens, tels que l’inclusion éventuelle de l’enseignement dans le périmètre de la Charte, la question de l’instauration d’un droit de recours et l’implication des pouvoirs locaux.

Cet accord prévoit également qu’une déclinaison sectorielle des engagements de la Charte soit assurée.Voilà concrètement les écueils, tels que rappelés par les différents acteurs.

Néanmoins, pour avoir également géré ce dossier pendant quelques années, je pense qu’il y a un problème fondamental de manque de volonté politique de la part de certains acteurs qui retardent ainsi l’aboutissement de ce dossier. Au vu des déclarations récentes de M. Demotte, le dossier reste encore bloqué et si les déclarations de principe ont fière allure, elles n’en éludent pas pour autant ce véritable problème de volonté politique. Tant que nous n’aurons pas changé notre fusil d’épaule, il y aura encore des interpellations sur le sujet.

Le 27 mai dernier, lors d’un séminaire organisé par la Plateforme francophone du volontariat, vous avez déclaré, Madame la Ministre, que vous vous engagiez, dans le cadre de vos compétences ministérielles, à «appliquer le contenu et les valeurs de la Charte associative».

Qu’entendez-vous exactement par ces décla-rations? Comment allez-vous, dans le cadre de vos compétences, concrétiser cet engagement quant à l’application de la Charte associative? Que pouvez-vous nous dire sur la manière dont celle-ci va se traduire pour les secteurs qui relèvent de vos compétences? Avez-vous entamé une concertation avec les secteurs associatifs concernant l’application de l’esprit de cette Charte?

Quels mécanismes de contrôle ou de vérification avez-vous prévus quant à l’application de la Charte associative dans le cadre de vos compétences?

Enfin, plus largement, en tant que vice-présidente du gouvernement, quelles mesures allez-vous mettre en œuvre pour faire en sorte que cette Charte se concrétise avant la fin de cette législature, ainsi que le prévoit votre accord de majorité?

Mme Alda Greoli, vice-présidente et ministre de la Culture et de l’Enfance. – Monsieur le Député, je vous remercie de m’avoir posé cette question sur un sujet qui me tient à cœur.

Avant toute chose, je signale que si les critères d’évaluation étaient préalablement définis, d’autres questions largement évoquées aujourd’hui n’auraient peut-être pas été mises sur la table.

La Charte associative met en œuvre des principes de bonne gouvernance, en particulier celui de la subsidiarité. Il n’est pas nécessaire, et cela pourrait même être contre-productif, que l’autorité publique s’occupe de ce que les entrepreneurs, singulièrement ceux du secteur associatif, et les citoyens font ou prennent en main. Ce principe participe à la vitalité démocratique du territoire et à l’émancipation de nos citoyens.

En même temps, la subsidiarité renforce la capacité de régulation par l’autorité publique car cette dernière ne confond plus son rôle d’opérateur et de régulateur. Complémentairement, en actant la sécularisation de la société belge, la subsidiarité permet de lutter contre la dualisation de la société. En effet, entretenir et pérenniser le fait associatif permet de lutter contre une certaine forme de repli prônant une politique d’assistance et entraînant son pendant, la libéralisation commerciale des services.

La Charte associative est donc, à mes yeux, la troisième voie nécessaire pour garantir la cohésion sociale de tous nos concitoyens. Vous le savez tout comme moi, et je le répète à suffisance, c’est le fondement de mon action politique. J’identifie cinq principes de base pour traduire la Charte dans mon champ de compétences: le principe de légalité, le principe d’autonomie des associations, le principe d’égalité de traitement, le principe de complémentarité, et donc, de subsidiarité, le principe de reconnaissance et de valorisation du volontariat, le principe de participation du secteur associatif au processus démocratique et le principe de différenciation des opérateurs et des régulateurs.

La culture, de la même manière que l’enseignement, la santé ou la petite enfance, fait évidemment partie des compétences nécessaires dans le cadre d’une «gouvernance faite dans l’esprit de la Charte associative». Elle bénéficie d’une petite avance sur les autres secteurs car le Pacte culturel reprend déjà une série des principes de la Charte associative. La culture bénéficie donc bien d’un principe opposable de droit réel.

Si je considère le principe de légalité dans les différents domaines que j’ai cités, la voie de la réglementation devrait toujours être privilégiée pour les activités et les projets structurels. Ce principe se concrétise également dans l’application du principe de proportionnalité dans le contrôle et l’évaluation. Je le redis, il est nécessaire que les critères d’évaluation soient préalablement connus mais il faut aussi qu’ils soient proportionnels à ce qui a été octroyé.

Les projets des opérateurs soutenus par des subventions facultatives, qui dans les faits, deviennent récurrents, devraient être transformés en conventions pluriannuelles ou pérennisés par l’adoption de normes légales.

Selon le principe d’autonomie des associations, la contractualisation des relations entre le pouvoir subsidiant et les opérateurs doit être recherchée. En outre, les rapports d’activités et les évaluations doivent permettre de vérifier que les objectifs sont bien atteints. C’est d’ailleurs déjà largement le cas. Par conséquent, le secteur associatif est un acteur à part entière, complémentaire au pouvoir publique. Il n’est donc pas un simple exécutant des politiques décidées par l’autorité.

Une tutelle purement administrative ne peut donc pas s’appliquer aux associations. Cela signifie que lorsque mon administration passe contrat avec une association, il est important de définir les objectifs fixés. Ensuite, il appartient à l’association de définir comment mettre en œuvre ses objectifs, en pleine autonomie.

En ce qui concerne l’égalité de traitement, lorsque le gouvernement alloue des moyens en vue de répondre à un besoin déterminé, il le fait sans discrimination, au bénéfice de tous les opérateurs similaires, que le conseil d’administration ou l’assemblée générale soit un pouvoir public ou une association. Cela passe par l’application du cadre réglementaire, voire par des appels à projets qui établissent des critères objectifs, déterminés ex ante,et à une évaluation ex post basée sur les mêmes critères pour favoriser l’égalité de traitement.

Cela n’empêche toutefois pas l’octroi de subventions ponctuelles pour soutenir des projets naissants. Il ne s’agit pas non plus d’agir avec les mêmes acteurs, il faut laisser l’opportunité à de nouveaux intervenants de pouvoir entrer dans les dynamiques. En outre, la reconnaissance d’organisations de nature associative, représentatives d’un secteur professionnel, culturel ou social, peut justifier l’octroi d’une subvention particulière. Elle tire sa légitimité des mécanismes de représentation et de désignation des organisations. L’ensemble des associations et des fédéra-tions que j’ai rencontrées ont entendu le même discours de ma part. Il est important de laisser la capacité des acteurs de terrain à pouvoir se fédérer pour structurer leur discours commun.

À titre personnel, je me demande s’il faut subventionner les fédérations ou les acteurs de terrain pour qu’ils paient une cotisation à leur fédération, ce qui constituerait un moyen de rendre aux fédérations une légitimité alors qu’elles sont parfois instrumentalisées sur la base du bénéfice de leur subsidiation.

En ce qui concerne le principe de complémentarité entre actions associatives et publiques, tout en rappelant le principe du subsidiarité, les pouvoirs publics et les associations doivent entretenir des relations de complémentarité et non de concurrence. Ainsi, par le lancement d’initiatives nouvelles souhaitées par le gouvernement, il faudrait d’abord recourir à la voie de soutien des initiatives associatives existantes, avant de favoriser l’innovation et la créativité dans les réponses et dans les modes d’organisation au travers des pouvoirs publics.

Il s’agit d’éviter l’institutionnalisation des relations entre les associations, en développant un lien dynamique et flexible, axé sur l’innovation constante.

Sur le principe de reconnaissance et de valorisation du volontariat, j’estime que les pouvoirs publics doivent faciliter l’engagement libre des citoyens, notamment par le financement des programmes de formation des volontaires aux tâches qu’ils entreprennent, par une simplification administrative pour l’ensemble des citoyens, quel que soit leur statut social, et par la mise à disposition d’infrastructures permettant aux citoyens de se réunir, de vivre et de réaliser leurs projets.

Quant au principe de participation de l’associatif au processus démocratique, il me semble nécessaire d’encourager et de créer les conditions de participation autour de la pratique du dialogue, du débat et de l’évaluation.

Je l’ai évoqué pour les fédérations représentatives mais il doit en être de même pour la réforme des instances d’avis qui sera axée sur une réelle capacité de participation des fédérations représentatives des associations. L’autorité doit encore plus privilégier son dialogue avec les structures organisant la parole associative, plutôt que d’individualiser le rapport au terrain.

Je m’interroge également sur la présence de représentants de l’autorité publique dans ces instances.

Quant au principe de différenciation d’opérateurs et de régulateurs, lorsque le service public est le pouvoir organisateur d’une initiative, l’autorité veillera à le doter d’une structure juridique qui lui garantit de ne pas confondre son rôlevd’opérateur et de régulateur-contrôleur. De même, le pouvoir public de tutelle doit éviter d’être présent dans les structures juridiques associatives qu’il contrôle directement. Cela ne sera pas le cas en ce qui me concerne.

Je vous ai énuméré les secteurs associatifs sans oublier l’enseignement. En ce qui concerne le mécanisme de contrôle et de vérification, je compte mettre en œuvre les principes de la Charte, comme je viens de le démontrer à suffisance. Pour le surplus, vous n’ignorez pas que c’est le ministre-président qui avla tutelle sur cette matière, et je n’hésiterai pas à le lui rappeler de temps à autre.

M.Christos Doulkeridis (Ecolo). – Je remercie la ministre pour sa réponse complète. Je sais qu’elle est attachée aux principes de la Charte associative et nous partageons les valeurs qui se trouvent derrière cette appellation.. C’est avec beaucoup de confiance que j’interpelle la ministre sur ce sujet – il ne s’agit pas pour moi de la mettre en difficulté. Nous sommes partenaires dans ce dossier et notre vision de l’associatif est proche.

Nous sommes très attachés au fait d’avoir un secteur associatif complémentaire à l’action des pouvoirs publics, un secteur associatif indépendant. Cette indépendance tient aux relations qui doivent exister entre l’autorité publique et les associations, mais elle est également d’ordre financier. Je vais prendre la peine et le temps de lire l’ensemble des réponses et je reviendrai vers vous bientôt.

D’une première audition, je voudrais faire la remarque suivante. Tout ce que vous dites est juste et vrai. Vous avez aussi eu l’honnêteté de dire que vous ne preniez pas tellement de risques en appliquant cette Charte dans vos propres compétences, dans la mesure où la culture faisant partie du Pacte culturel, elle est déjà plus ou moins dans ce type de logique.

Mais c’est aussi une question d’attitude, pas seulement de texte. C’était bien de vous voir le rappeler.

Les deux limites sont les suivantes. Sur le financement, dire que l’on veut travailler dans une logique pluriannuelle pour garantir une indépendance de ce secteur et un confort lié au fait de ne pas être chaque année tributaire de décisions politiques relatives au financement de leur action, c’est un principe fondamental. Mais en Fédération Wallonie-Bruxelles, nous sommes dans une situation pire que celle-là puisque des décrets adoptés sous la précédente législature pour les secteurs socioculturels ne sont tout simplement pas appliqués.

J’ai déjà interpellé votre prédécesseure qui me disait que ce n’était pas possible de les appliquer parce qu’il n’y avait pas les financements. Nous sommes donc très, très loin de la logique dont vous parlez. Le problème ne porte donc pas tellement sur le principe mais plutôt sur les choix budgétaires effectués. Si on ne règle pas le choix et la donne budgétaire, on se retrouve dans les faits à ne pas donner l’indépendance à ces secteurs. C’est un écueil très important.

Deuxième écueil: quand on parle de l’égalité de traitement entre les secteurs, ce n’est pas tout à fait vrai non plus: compte tenu des législations adoptées, un certain nombre d’acteurs culturels répondent aux critères établis par les décrets adoptés légalement par le Parlement mais ne peuvent pas voir leur dossier obtenir un agrément à cause de problèmes budgétaires. Donc, là aussi, il n’y a pas égalité de traitement. C’est ainsi que ces deux principes fondamentaux ne peuvent être rencontrés à cause d’un problème budgétaire.

Dernière remarque, je n’ignore pas que le ministre-président est en charge de ce dossier mais je n’ignore pas non plus que vous êtes vice-présidente de ce gouvernement et c’est à ce titre que je m’adressais à vous.