Le nouveau Secrétaire d’Etat, Christos Doulkeridis, présente ses priorités en logement
Le 22 Mar, 2010 • 13 h 07 min Aucun commentaireEntretien réalisé par Francis Dubois, paru dans le journal Le Soir le 19 mars 2010
« Il faut ouvrir les portes »
Sa méthode : discrétion et concertation. Son objectif : la création de quartiers durables, partout et pour tous.
J’ai eu la volonté de très peu communiquer durant les six premiers mois. Il fallait rentrer dans le dossier. J’ai d’abord voulu rencontrer tous les acteurs, sans non plus remettre en question les bilans de mes prédécesseurs.
L’accord de majorité stipule la poursuite du plan de construction de 5.000 logements. Quelle est votre approche ?
Si je n’étais pas dépendant des terrains, j’essayerais d’abord d’aller dans les quartiers où on peut améliorer la mixité. Est-ce que ça a beaucoup de sens de concentrer et de rajouter encore de grandes unités de logement social dans les quartiers où il y en a déjà beaucoup ?
Certains estiment que la Ville de Bruxelles est plus efficace que la Région…
Bruxelles s’est fixé comme objectif la construction de 1.000 logements. Elle le fait, bravo. Je suis un peu étonné de la remarque d’Yvan Mayeur (président socialiste du CPAS de Bruxelles, NDLR) dans la mesure où lui-même a reconnu que les terrains qu’il a cédés à mon prédécesseur étaient pour partie totalement pourris. J’ai abandonné ce terrain et je l’assume totalement. Je ne considère pas certains quartiers de Bruxelles comme étant la priorité d’intervention. Pourquoi ? Parce qu’il y a déjà une intervention publique de la Ville. Je ne fais pas une course avec la Ville pour savoir qui va être le plus performant.
L’objectif est que chaque commune dispose de 15 % de logements à finalité sociale d’ici 2020. Vous vous y tenez ?
Il existe des communes qui, historiquement, n’ont pas pris leurs responsabilités. Si on veut que la ville soit équilibrée, qu’il n’y ait pas de ghettos, ça passe par une prise de responsabilité collective.
A Ixelles, on est loin du compte…
J’ai visité le chantier Ernotte. Ce sera un projet mixte de qualité qui va s’intégrer dans le quartier, j’en fais le pari. Mais Ixelles est une commune où il y a moins de 5 % de logements publics à finalité sociale. La moyenne à Bruxelles est de 10 %. A ce stade-ci, je n’ai pas eu de réponse d’Ixelles qui aille au-delà du projet Ernotte. La commune semble ne pas avoir l’intention d’augmenter son parc public.
C’est une exception ?
De plus en plus de communes participent. La confiance n’y est pas étrangère. A un moment, il faudra mesurer qui fait quoi et la cohérence des discours.
Jusqu’ici, on a surtout parlé de retraits de projets, non ?
Non. Les seuls projets que j’ai retirés sont des projets qui n’auraient jamais vu le jour. Il s’agit des deux terrains « Paroisse « . Et j’attends toujours les propositions alternatives d’Yvan Mayeur. Il y a eu en revanche un dossier abouti à Woluwe-Saint-Lambert, un autre à Anderlecht… Des projets qui étaient prêts de tomber à l’eau. Quand j’ai rencontré le collège d’Anderlecht, la commune ne voulait plus du dossier Lennik. On l’a récupéré. On a aussi identifié d’autres terrains et on va travailler avec la commune pour construire du logement. Même chose à Uccle : le projet chaussée d’Alsemberg a été adopté. Sur le Bourdon, on est en négociation, il y a déjà des dessins, on va les présenter au quartier et à la commune ; à Schaerbeek, idem…
Quelles communes sont concernées par ces nouveaux projets ?
Pratiquement toutes, sauf Ixelles. Il y a presque autant de nouveaux projets qui sont discutés que ceux qui sont déjà construits ou en cours de réalisation. Je mets davantage la pression sur les communes et les quartiers où il y a un déficit de mixité sociale que dans les communes qui sont déjà à saturation.
Quelle est votre ligne de conduite ?
J’ai 32.000 demandes en attente dans le logement social. Si on y a joute les listes d’attente dans l’AIS, plus les listes d’attente pour l’aide locative dans le cadre du Fonds du logement, plus la SDRB qui construit du logement moyen, il y a pratiquement 50.000 ménages qui sont en attente d’une réponse publique aujourd’hui. Quand je vais dans les quartiers, je dis aux gens que, parmi ces 50.000 ménages, il y a sûrement quelqu’un de leur famille. L’autre baromètre, c’est l’évolution de la population : on attend plus de 170.000 habitants supplémentaires entre 2010 et 2020. Il va falloir loger ces gens, mais pas n’importe comment. Il faut des crèches, des écoles, du commerce, etc. Par rapport à ces deux chiffres, on ne peut pas se contenter de fonctionner comme on l’a fait jusqu’à présent. On ne peut pas continuer à construire des deux étages partout dans la Région.
Qu’en est-il des Dames-Blanches à Woluwe-Saint-Pierre ?
Je dispose d’une étude. J’ai rencontré les auteurs, j’ai rencontré les autorités communales qui m’ont donné leur point de vue. Le PPAS prévoit environ 150 logements, ce qui est très peu par rapport à la surface. Le bureau d’architectes a élaboré un projet qui tient compte de tous les paramètres concrets et qui table sur 650 logements. Le hiatus entre les deux est énorme. J’attends la réaction de la commune. Mais il est évident qu’il faut construire sur ce terrain-là, dans une logique de quartier durable.
Un concept de riches ?
Certainement pas. On peut le faire à la gare de l’Ouest à Molenbeek, sans doute à Schaerbeek-Josaphat, sans doute aux Dames-Blanches et ailleurs. Il faut apporter de la durabilité à tous les publics qui en ont besoin et y ont droit. C’est la raison pour laquelle je me bats pour que tous les projets de construction de logements sociaux soient en passif et les projets de rénovation en basse énergie. Le point est à l’ordre du jour de la SLRB. Qu’on ne vienne pas m’ennuyer trop sur ce point-là, il est dans la déclaration gouvernementale.
Où en est-on dans la rénovation du parc public ?
Là aussi, je veux qu’on soit exemplaire. Nous avons réadopté un nouveau plan quadriennal de 206 millions pour les quatre années qui viennent. Mon objectif est qu’il n’y ait plus un seul logement dans le patrimoine social qui ne soit pas sur un projet de rénovation. On s’est aussi doté d’un pôle d’expertise au sein de la SLRB pour aider les SISP avec des architectes, des ingénieurs, des spécialistes en marchés publics et en gestion de ce type de chantier pour améliorer les procédures et aller beaucoup plus vite.
Qu’en est-il de la transformation de bureaux en logements ?
On a 2 millions de m2 de bureaux vides à Bruxelles. Pratiquement 1 million de m2 pourrait ne plus jamais être affecté à du bureau, même s’il y a une reprise économique importante. Donc, on doit travailler à des projets de réaffectation en logements. Il y a une contrainte : parfois le coût est trop élevé. Il faut identifier un certain nombre de projets pour lesquels il y a un équilibre budgétaire possible. Il faut aussi que les promoteurs réfléchissent quand ils ont ce type de patrimoine : soit ils laissent leur bien pourrir, soit ils le rénovent eux-mêmes, soit ils rentrent dans des procédures avec la participation des pouvoirs publics pour en faire des reconversions intéressantes.
Les loyers passés au scanner
José Garcia, au nom des locataires, et Béatrice Laloux, au nom des propriétaires, se rejoignent pour considérer qu’on ne résoudra pas la crise du logement par le seul levier de la construction. Faut-il activer l’instrument fiscal pour rendre les loyers plus abordables ?
Je ne m’enferme pas dans une seule piste. Des incitants peuvent exister pour faire en sorte que les propriétaires s’inscrivent dans une politique locative qui contribue a concrétiser le droit au logement par le privé. Ce qui nous manque, c’est la compétence du bail à loyer qui est fédérale. Dans le cadre d’une discussion institutionnelle, elle sera peut-être régionalisée. On le saura très vite. En attendant, j’ai demandé à l’Observatoire des loyers d’établir des grilles de référence des loyers sur l’ensemble des quartiers de Bruxelles. Pour qu’on puisse dire : dans tel quartier, un logement deux pièces, deux chambres, avec tel type de performance énergétique est loué en moyenne autant. Ça va nous permettre de réfléchir en concertation avec tous les acteurs au type d’instruments qu’on peut mettre en place. J’attends la fin de ce travail pour envisager les prochaines étapes.