Ce 27 septembre, nous fêterons la fédération Wallonie-Bruxelles. La veille, comme de coutume, les Bruxellois francophones se sont déjà retrouvés à cette occasion, au Parlement bruxellois.

Voici le discours que j’ai eu l’occasion de prononcer.

Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Vous tous ici présents, en vos titres et qualités,

Il y a bientôt un an, en octobre 2011, nous nous réjouissions de l’aboutissement d’une longue négociation et de l’accord intervenu sur la sixième réforme de l’Etat. Nous nous réjouissions tout particulièrement de l’aboutissement d’un long combat : celui de la reconnaissance de Bruxelles en tant que troisième région à part entière, au travers d’un juste financement et de l’autonomie constitutive.
Ce combat pour la reconnaissance de Bruxelles fut un combat politique majeur. Il a fallu convaincre d’abord certains politiques bruxellois, puis nos partenaires wallons, et ensuite les partis politiques flamands de son bien-fondé.

Ce combat a notamment été gagné parce que, en ce qui concerne le juste financement, les Bruxelloises et les Bruxellois en avaient ressenti tous les enjeux, toute l’impérieuse nécessité, dans leur quotidien : des transports en communs insuffisants, une sécurité à améliorer, des infrastructures et services en nombre insuffisant pour les personnes handicapées, pas assez de logements accessibles, trop peu de moyens pour le défi essentiel de la formation de nos jeunes ou l’accueil de la petite enfance, et j’en passe, …
L’urgence de cette reconnaissance était devenue une évidence. Et nous avons veillé à ce que les secteurs qui dépendent de la COCOF ne soient pas oubliés.

Mesdames et Messieurs,
Où en est Bruxelles aujourd’hui ?
Les premiers fruits du refinancement sont là, depuis cette année, même s’ils sont malheureusement peu palpables, parce que nous devons en même temps affronter la crise budgétaire et financière qui frappe toutes nos entités.
La réforme de l’Etat vit sa première phase de mise en œuvre, au sein du COMORI et au Parlement fédéral. Entre eux, les Bruxellois travaillent à la concrétisation de l’accord institutionnel intra-bruxellois. Les entités fédérées et le fédéral se préparent aux importants transferts de compétences à venir. Le travail est considérable et de nombreuses questions très concrètes restent à résoudre.

Tous les jours, nos secteurs nous interrogent sur leur avenir dans le cadre de la 6ème réforme. Tous les jours, nous devons répondre que si nous connaissons, à quelques détails près, le périmètre des compétences transférées, beaucoup reste à faire et à déterminer, beaucoup de questions restent ouvertes, en particulier à Bruxelles – où tout est naturellement plus complexe qu’ailleurs – quant aux futures entités compétentes, quant à ce que nous ferons des nouvelles compétences et des moyens transférés, quant aux modes de gouvernance de ces compétences, quant aux moyens réels dont nous disposerons pour les exercer, voire, enfin, quant à la loyauté dont feront preuve les uns et les autres dans la concrétisation des décisions légitimement adoptées.

Après les élections communales, l’un des enjeu sera donc de vérifier que le COMORI et les autres institutions concernées poursuivent et approfondissent rapidement leurs travaux. Cette 6ème réforme est de grande ampleur. Elle est également complexe et sans doute difficilement lisible.

Elle dépasse de loin les sujets les plus médiatiques, que sont BHV ou le refinancement de Bruxelles. Les choix que nous ferons, au niveau politique, dans la mise en œuvre de cette réforme au cours des prochains mois et des prochaines années seront cruciaux et structurants pour l’avenir. Ils concernent des pans importants de l’organisation future de notre vivre ensemble.

A titre d’exemple – et on peut en citer par dizaines – la régionalisation des allocations familiales, en fonction des moyens dont nous disposerons, induira d’importants débats sur la politique familiale que nous souhaitons mener. Mais aussi sur l’implication future – que je souhaite personnellement importante – des partenaires sociaux dans la gestion des pans hérités de la Sécurité sociale fédérale.
Ces choix doivent être largement connus et débattus avec les Bruxellois. Il convient, pour cela, de commencer par prendre le temps d’expliquer largement la réforme, ses enjeux, et la nature des arbitrages qui se posent ou se poseront à nous.

Cette phase de pédagogie a encore été insuffisamment menée. Il est de notre responsabilité politique de provoquer et de soutenir les initiatives qui seront portées en ce sens.

Mais, Mesdames et Messieurs, plus fondamentalement encore, cette étape dépassée, n’est-il pas urgent onstruire le Bruxelles de demain en identifiant les défis à relever, les objectifs à atteindre et les moyens que nous voulons mobiliser pour y arriver ? Bruxelles en tant que Région, Bruxelles en tant que capitale européenne, Bruxelles au carrefour de la Flandre et de la Wallonie. La Région wallonne s’est fixé des priorités autour d’un projet mobilisateur pour la région à l’horizon 2022. Nous devons, nous aussi, être capables de déterminer dans des échéances similaires, notre projet pour Bruxelles.

Et qui mieux que les Bruxelloises et Bruxellois est à même de définir ce projet?

Bruxelles est maillée d’un vaste réseau associatif, qui crée du lien entre les citoyens et entre citoyens et politiques. Bruxelles est le premier pôle universitaire du pays. Qui plus est, un pôle qui commence à dépasser ses clivages philosophiques et linguistiques. Bruxelles a tout en main pour effectuer un travail d’éducation permanente et lancer une dynamique constructive avec les habitants pour déterminer notre avenir commun. Bruxelles dispose de partenaires sociaux qui ont montré leur force de proposition et d’implication.
Il nous faut donc entendre, en mobilisant tous ces réseaux, les Bruxelloises et Bruxellois sur leur vision de l’avenir pour la Région : Où voulons-nous aller demain ensemble ?

Cette question, nous devons l’aborder sans tarder entre Bruxellois, sous toutes ses facettes :
– Comment Bruxelles assure-t-elle le bien être et la qualité de vie de ses habitants pour les cinquante prochaines année ?
– Quelle gouvernance voulons-nous dans cette Région ? Quelle est la meilleure répartition des compétences et le meilleur mode de relations entre les entités au service des citoyens ?
– Comment Bruxelles joue-t-elle son rôle et exerce-t-elle sa responsabilité de Capitale belge vis-à-vis des autres entités, vis-à-vis de chaque citoyen de ce pays ?
– Quelle est la nature de la relation privilégiée que nous voulons entretenir au sein de l’espace francophone ? Jusqu’où doit aller cette relation ?
– Comment implique-t-on dans notre projet la minorité bruxelloise néerlandophone ? Quelle relation avec notre périphérie immédiate, notre hinterland naturel et les autres Régions ?
– Comment exerçons nous notre responsabilité de Capitale de 500 millions d’européens ?
… Et bien d’autres questions encore…

Aujourd’hui une étape nouvelle se présente.

Prendre le temps et se donner les moyens d’expliquer la réforme et ses enjeux. Mais aussi et surtout se remettre à table avec toutes les forces vives Bruxelloises pour refonder un projet Bruxellois pour l’avenir. Reprendre 20, 30 ou 50 années d’avance.
Il faut dessiner collectivement l’avenir que nous, politiques, construirons concrètement dans les parlements et gouvernements, celui que nous mettrons aussi sur la table d’éventuelles futures discussions institutionnelles.
N’ayons pas peur du débat sur l’avenir de Bruxelles. Pas dans un plan A, B, X ou Y. Pas dans un carcan monde politique – monde académique. Mais sur la place publique, avec les acteurs qui font la richesse de notre région, sur l’ensemble des politiques qui les concernent. Ce débat est toujours compliqué à Bruxelles. Car il ne faut pas froisser nos concitoyens néerlandophones, nos partenaires francophones, le Fédéral, la communauté européenne et toutes les populations d’origines diverses qui vivent sur ce petit territoire. Mais de grâce ne froissons pas toutes ces Bruxelloises et tous ces Bruxellois qui créent la richesse mais aussi la complexité de Bruxelles Ville-Région-Capitale en omettant de nous pencher sur leur avenir.

Je lance donc un appel aux initiatives et à la mise sur pied d’espaces de débat et de création sur la situation et l’avenir de notre Région. Mon vœu pour cette année 2012-2013, est que Politiques et Citoyens, s’engagent ensemble dans un processus de construction du Bruxelles de demain.
Que les Parlements bruxellois portent et ouvrent le débat,
Que les Gouvernements soutiennent les partenaires sociaux, les associations, les universités, hautes écoles, écoles, les citoyens et tous ceux qui souhaitent s’approprier ce débat,

Parce que, si Bruxelles est inscrite historiquement et naturellement au cœur de plusieurs appartenances et légitimité (communautaires, fédérale, européenne, régionale, …), c’est d’abord aux Bruxelloises et aux Bruxelloises de choisir leurs options d’avenir et la façon dont notre projet, forcément ouvert, sera partagé avec nos partenaires.
Je vous remercie.