Le journal LE SOIR a publié ce lundi 25 janvier une interview que j’ai accordée à David Coppi. Après les attentats, ECOLO demande que, à côté des mesures renforçant la sécurité, les gouvernements investissent aussi dans la culture, l’enseignement, l’associatif, l’aide à la jeunesse, les quartiers en difficulté, c’est-à-dire tout ce qui soutient nos valeurs d’ouverture, de vivre-ensemble et de développement de l’esprit critique. Un peu comme l’Italie a décidé que chaque euro investi dans la sécurité serait contre-balancé par un euro dans la culture.
Le texte de l’interview :
Sa parole est plus libre que celle des présidents de partis, lesquels, à propos de la politique de sécurité mise en œuvre après les attentats de Paris, ont intégré, à gauche aussi, comme un devoir de réserve, sur le mode : il est interdit de critiquer trop fort, l’unité prime face à la barbarie, les gens veulent des militaires dans la rue… Le parlementaire bruxellois, qui siège également à la Communauté française, en a assez. Christos Doulkeridis brise le consensus quasi obligatoire : « On a à faire , nous explique-t-il, à une droite décomplexée, dont le discours se répand et domine tout, écrase tout, je résume : il faut réduire les dépenses publiques en règle générale, réduire les services publics, bien entendu ; la culture et l’enseignement, c’est du luxe ; les mesures de sécurité sont, quant à elle, l’essentiel aujourd’hui ; et là, oui, j’en ai franchement marre, on ne peut pas laisser dire n’importe quoi ! »
Alors, Christos Doulkeridis appelle à « se lever enfin contre les dogmes de la droite, qui ont envahi tout le champ politique, et sur lesquels beaucoup de leaders de gauche s’alignent grosso modo, pensez à la France où c’est flagrant avec Manuel Valls, mais c’est le cas chez nous aussi, où on ne fait pas entendre notre différence, pas suffisamment, voire pas du tout ».
Le parlementaire vert recadre : « Oui, la politique de sécurité est importante ; non, il ne faut pas faire la guerre ; non, il ne faut pas renforcer l’arsenal sécuritaire comme on le fait actuellement, en négligeant tout le reste… » A savoir : « On ne peut pas en même temps dire que Daesh s’attaque avant tout à nos valeurs et… reculer sur ces valeurs ! »
Matteo Renzi, la bonne façon de réagir
Parmi les chefs de file à gauche dans l’Union, Christos Doulkeridis en voit un seul qui, à son sens, se détache dans le concert européen, et qui l’inspire : Matteo Renzi, le président du Conseil italien. Qui a lié la politique de sécurité à une autre, veillant dans le même temps à réinvestir dans le social, dans la culture en l’occurrence : « Renzi a dit : si on met un euro dans la sécurité, on mettra un euro dans la culture. C’est la bonne façon de réagir à gauche. C’est la voie. »
Chez nous ? Christos Doulkeridis propose une variante. Ceci : « Je vois que la Commission européenne – Moscovici s’est exprimé dans ce sens récemment – se dit prête à neutraliser les dépenses engagées par les Etats dans le domaine de la sécurité, afin qu’elles ne soient pas comptabilisées dans les déficits publics. Eh bien, moi, je dis qu’il faut immuniser, dans le même temps, toute une série d’investissements réalisés dans l’enseignement, l’associatif, l’aide à la jeunesse, les quartiers en difficulté, donc tout ce qui a trait à notre vivre ensemble, nos valeurs, on y revient, qui sont autrement essentielles ! »
L’élu bruxellois interpellera le ministre-président de la Fédération Wallonie- Bruxelles, Rudy Demotte, et rédige une proposition de résolution : « Concrètement, je dis que la Communauté française doit ficeler une sorte de paquet valeurs , estimer son poids budgétairement, transmettre tout cela au comité de concertation où les entités fédérées rencontrent le fédéral, et exiger que ces investissements, comme je l’ai dit, soient neutralisés eux aussi dans les déficits publics, au même niveau que les mesures de sécurité. Je suis dans l’opposition, mais je soutiendrai le gouvernement francophone s’il fait cela. »
Utopique ? « Mais si on ne bouge pas, si on s’aligne tout le temps sur le discours sécuritaire de droite, la haine va monter, le radicalisme, on ne va rien arrêter du tout, et la gauche aura capitulé au passage. C’est insupportable, elle doit reprendre l’initiative. Pour cela, nous devons faire des propositions originales, je lance cette idée du paquet valeurs aujourd’hui, c’est un début. »