J’ai toujours été mi-amusé, mi-choqué par cette histoire faite autour des « fils de… ». Amusé parce que nous sommes quand même tous des fils de quelqu’un. Choqué parce qu’en politique, certains continuent à faire en sorte que cela soit un plus.

Fils de… Ekaterini Laskari et Charalambos Doulkeridis

 

Mes parents ne se sont pratiquement jamais intéressés à la politique. Pourtant, c’est bien leur parcours qui fut à la base de mon propre intérêt. Mon grand-père paternel était lui assez impliqué. Pour avoir participé à la guerre contre les Allemands en 40, mais aussi à la guerre civile qui a suivi celle-ci. Ce dernier élément a peut-être joué dans l’apolitisme passif de mon père. Il est vrai que beaucoup de grecs n’ont rien compris à ce qui s’est passé après la guerre. Ils ne sont pas rares ceux qui sont simplement rentrés dans la résistance et qui se sont ensuite retrouvés étiquetés à bon compte communistes ou nationalistes. Mon père en a gardé l’idée qu’il ne fallait donc pas trop se mêler de politique.

Cela ne s’est pas arrangé en s’installant en Belgique où la règle pour eux, comme pour d’autres étrangers de leur génération, consistait à se faire le plus discret possible (pour ne pas avoir de problèmes) et donc, de ne certainement pas s’occuper de politique. Quant à ma mère, je suis convaincu qu’elle aurait fait une bonne politique si elle était née dans une autre génération.

Pour ma part, leur sort d’immigrés m’a certainement marqué. J’ai sans doute aussi attrapé le virus à l’école. Mes premiers souvenirs remontent à 1981 et le changement de majorité en France avec l’élection de François MITTERAND. Je garde de cette date le souvenir d’un espoir collectif très profond (en tous cas parmi les gens que je fréquentais). Je sais aujourd’hui qu’il faut être prudent avec les promesses et les espoirs. Mais je garde la conviction que si nous faisons de la politique c’est parce que nous espérons pouvoir améliorer la « vie en commun ». L’école fut aussi celle de la rencontre de plusieurs enseignants passionnés par l’histoire, l’actualité, la géographie, la psychologie et la sociologie. Merci à la plupart de mes profs de latin, de géo, de français, de socio ou d’histoire. Ils m’ont énormément apporté. Merci aussi à André DROUART qui non seulement m’a communiqué sa passion mais aussi m’a fait partager cette intuition politique extraordinaire : l’écologie politique.

Mon enfance fut partagée entre mes cours à l’école en français, mais aussi, jusqu’à 18 ans, par 10 heures de cours en grec tous les mercredis après-midi et samedis matins. Mes dimanches, ainsi qu’une partie de mes soirées en semaine, étaient consacrés à aider mes parents dans leur activité professionnelle : d’abord l’épicerie à Anderlecht et ensuite les marchés (à Jette le dimanche). C’est dire qu’il restait peu de place pour des loisirs. Ce qui me manqua le plus, c’est sans doute la pratique régulière d’un sport et la fréquentation d’un mouvement de jeunesse comme les autres jeunes de mon âge. Je n’en garde pourtant aucune amertume. Mon parcours de vie fut très enrichissant. C’est aujourd’hui que j’en suis le plus conscient.

A la fin de mes études secondaires, je me lance avec tous les encouragements de mes profs dans des études universitaires. Je choisis Louvain pour avoir un kot, et donc un espace pour étudier. L’expérience est pénible. Je n’aime pas cette ville que je vois comme étant une fausse ville. Moi qui ai grandi à côté de cent nationalités différentes, je me perds dans cette cité privilégiée mais trop peu hétérogène. A posteriori, je me rends compte que j’aurais du rester à Bruxelles. Mais là aussi pas de regrets. Je n’ai donc pas de diplôme universitaire. Mais j’ai l’immense chance et sans doute le rare privilège d’exercer le métier qui me faisait rêver dans ma jeunesse. Je remercie mes parents pour tout ce qu’ils m’ont apporté. Essentiellement, l’exigence d’honnêteté et de respect. Et aussi un certain sens de la débrouillardise dans n’importe quel milieu.