La CSC a eu l’excellente idée d’organiser une visite de solidarité auprès des travailleurs touchés par les restructurations de VW, tant sur le site même de VW qu’auprès des entreprises sous-traitantes, ce qui est extrêmement important, parce que leurs travailleurs ont raison de craindre qu’ils risquent d’être les oubliés de toute cette affaire. Dans un dossier où l’information est rare, l’opportunité d’aller la chercher sur le terrain était idéale. J’ai donc immédiatement accepté leur invitation, comme Zoé Génot, députée fédérale ECOLO. Vous trouverez ici (un peu en vrac) les informations que j’ai pu y recueillir et les premières conclusions que j’en tire.

Premier arrêt : sur le site même de VW
On y est accueilli par un ancien délégué CSC qui fut victime du plan de restructuration de… 1993. Il est une mine d’or pour expliquer la stratégie de VW qui semble finalement la même depuis très longtemps. Sur place, on rencontre un groupe d’anciens. Ce sont les PPCA. Comprenez, les pensionnés, les prépensionnés, les chômeurs et les anciens sortis de VW. Ils avaient prévu depuis longue date de venir visiter l’entreprise. Depuis lors, il y eut l’annonce fatidique venue d’Allemagne. Alors les PPCA ont décidé de maintenir leur visite. Pour marquer leur solidarité. On rentre à l’intérieur de l’entreprise. Des délégués expliquent en boucle aux travailleurs les dernières informations disponibles : les plus de 50 ans au 21/11/2006 bénéficieront de mesures de prépension, cela devrait concerner 712 personnes ; ceux qui décident de quitter l’entreprise spontanément bénéficieront également de primes ; les 182 intérimaires, qui travaillaient à VW parfois depuis plus de 6 ans ( !), auront aussi une prime ; la loi Renault impose que l’on discute d’abord du plan industriel avant d’aborder le plan social, ici on sent qu’on fait quand même un peu les deux en même temps ; il apparaît que les employés seront, proportionnellement, davantage touchés que les ouvriers (il n’en resterait qu’un sur cinq) ; on espère pouvoir préserver trois ouvriers sur cinq.

Deuxième arrêt : SHEDL, Forest
L’entreprise, qui existe depuis 1996, est située à quelques pas de VW et a un contrat avec cette dernière, qui est son seul client, jusqu’en 2010. On s’y rend à pied. Ce sont ses travailleurs qui montent les roues de polos et des golfs et qui procèdent à leur équilibrage. Un ancien nous apprend qu’avant de sous-traiter cette activité après une énième restructuration 78 personnes étaient chargées de cette mission à VW. Ils ne sont plus que 36, dont 5 à 6 intérimaires à SHEDL. Contrairement à VW, la toute grosse majorité des travailleurs habitent Bruxelles et sont d’origine étrangère. Ils gagnent tous nettement moins qu’à VW et travaillent 38h/semaine. Ils sont actuellement en chômage technique et ils « gardent » l’entreprise en se relayant par équipe (3), comme pour travailler. Si VW ne maintient que la production de la polo sur le site, SHEDL ne gardera vraisemblablement qu’une équipe sur 3. Les dirigeants leur ont annoncé qu’ils sont prêts à indemniser d’ores et déjà ceux qui quitteraient volontairement l’entreprise. Certains soupçonnent que les véritables actionnaires de SHEDL soient en fait tout simplement les mêmes que ceux de VW…

Troisième arrêt : DECOMA BELPLAS (Huyzingen)
DECOMA Huyzingen a commencé ses activités vers 1997 et aurait un contrat avec VW jusqu’en mars 2008. Elle ne travaille que pour VW et emploie 80 personnes plus 38 intérimaires, dont certains viennent de Mons ou de Genk et qui sont sous ce statut depuis parfois près de 3 ans. Ils s’occupent des pare-chocs avant et arrière des voitures et de toute la phase avant (radiateurs, condensateurs,….). Pour le moment, ils négocient semaine après semaine leur chômage technique et comptent occuper l’entreprise pour veiller au « trésor de guerre » qui leur apparaît être leur dernier recours. Ca veut dire qu’ils passeront les fêtes sur place. Ils sont dans le même groupe que DECOMA Genk qui fournit le même matériel pour Ford. Pratiquement tout le monde a commencé comme intérimaire dans cette entreprise avant de se voir proposer un contrat à durée indéterminée. Chose troublante : l’entreprise a commencé à « friser » les contrats depuis cet été. Comprenez qu’elle a bloqué la conversion d’intérimaire à contractuel. Les ouvriers sont d’autant plus amers qu’ils sont considérés comme une des branches les plus performantes du groupe. Ils équipaient plus de 1.000 voitures par jour. Les équipes travaillent 8h par jour avec une seule pause de 20 minutes pour un salaire allant de 800 € à 1.100 € les meilleurs mois (plus les chèques repas) ( !). Si VW ne garde pas une production de golfs, ne resteraient dans l’entreprise que 20 personnes. La plupart de ceux qui y travaillent sont jeunes.

Quatrième arrêt : ARVIN-MERITOR (Drogenbos)
Entreprise créée en 1996 et avec un contrat avec VW, qui est leur seul client, jusqu’en 2009. 300 personnes y travaillent, dont 64 intérimaires. Il y a aussi beaucoup de contrats à durée déterminée (CDD) conclus d’abord pour 3 mois, reconduits pour 6 mois, puis 3 ans. Ils s’occupent de l’intérieur des portes (vitres, rétroviseurs,…). C’est un travail très manuel et très peu automatisé. Ils sont tous en chômage technique et perçoivent de l’entreprise un complément salarial calculé au cas par cas pour éviter d’être pénalisés fiscalement en fonction de la situation familiale des uns ou des autres. Ils font du « just in time » pour VW, c’est-à-dire qu’ils ont des délais très précis pour livrer leurs pièces, puisqu’ils constituent, comme les autres entreprises, un engrenage indispensable et direct au montage des véhicules. Ils encourent des pénalités en cas de retard et gagnent un salaire de 9,5€ au départ. Très grosse solidarité des travailleurs qui critiquent très durement la façon dont l’Europe ne les protège pas (pour le dire gentiment). La CSC a proposé d’organiser une soirée-débat sur ce thème spécifique.

Cinquième arrêt : FAURECIA (Anderlecht)
Entreprise créée en 1997 qui compte 120 travailleurs, dont 34 CDD (contrats à durée déterminée) qui le sont parfois depuis près de 3 ans. Eux aussi, travaillent exclusivement pour VW en se calquant exactement à leurs horaires de travail et en pratiquant aussi un just in time. Ils sont répartis en 4 équipes (une le matin, une l’après-midi, une la nuit et une le week-end). Leurs salaires commencent à 1O€ et des poussières. Sur leurs 8 heures, ils ont droit à 10 minutes durant les 4 premières heures, 20 minutes au milieu et encore 10 minutes (pause non officielle) les 4 dernières. Leur situation est particulièrement inquiétante parce qu’ils ne travaillent que sur le modèle de la golf. Eux sont non seulement dépendants d’une marque, mais aussi d’un modèle…

Conclusions plus générales

- Ce qui frappe le plus lorsqu’on va les voir sur le terrain, c’est l’extraordinaire dignité dont font preuve tous ces travailleurs : cela vaut la peine d’aller les encourager si vous en avez l’occasion ;

- Tous se plaignent, à juste titre, qu’on ne parle pas assez des sous-traitants. Et de fait, ils risquent de payer une addition encore plus chère que les travailleurs de VW, alors qu’ils travaillaient déjà dans des conditions plus difficiles pour des salaires moindres. Dans les sociétés sous-traitantes, le sort des intérimaires est encore plus noir. Ils ne bénéficient pas du chômage technique ou économique, ni de prime (comme à VW) et certains n’auront même pas droit au chômage. D’autre part, on nous dit que des entreprises d’intérim comme Védior (à vérifier) disent aux intérimaires des sociétés sous-traitantes qu’elles sont tenues de donner la priorité aux intérimaires de VW ; Il est essentiel d’obtenir que ces travailleurs bénéficient des mêmes droits que les travailleurs de VW ;

- Les employés de ces entreprises sous-traitantes sont plus souvent Bruxellois et jeunes qu’à VW et toujours nettement moins bien payés. Il y a beaucoup plus de travailleurs d’origine immigrée aussi. Peu d’entre eux ont plus de 50 ans. Ils ne sont donc pas en situation de bénéficier, comme à VW, de mesures fédérales de prépension. Une fois de plus, les Bruxellois échapperont au bénéfice de mesures prises par le fédéral ;

- Ces entreprises travaillent très souvent avec des intérimaires qui négocient donc leur contrat semaine après semaine. Plusieurs anomalies sont apparues : D’abord, il semble fréquent que des intérimaires gardent ce statut durant de nombreux mois, certains l’étant parfois depuis plus de 6 à 7 ans. Ensuite, il apparaît que des mesures totalement interdites de « mise à disposition » d’intérimaires soient pratiquées entre entreprises de même groupe ;

- Aucune formation n’a jamais été prévue pour les travailleurs des entreprises sous-traitantes ;

- A chaque restructuration, VW externalise une partie de la production vers des sous-traitants. Ces sous-traitants principaux sont entièrement dépendants du prix que VW veut bien donner pour leur production, vu qu’ils n’ont qu’un client. Ces filiales de multinationales réduisent au maximum les coûts en intensifiant le travail peu payé et en recourrant au chomage technique (financé par tous les travailleurs). Inquiétants quand nos ministres fédéraux annoncent que pour construire l’Audi 1, on pourrait garder 3.000 travailleurs, mais pas tous au service d’Audi. Puisqu’il faudrait que le coût salarial passe de 41 euros (VW Forest) à 32 euros.

- Tous attendent avec anxiété les décisions qui seront prises en Allemagne.

Tous les éléments recueillis lors de cette visite serviront de base à l’interpellation que je ferai la semaine prochaine du Ministre Benoît CEREXHE, qui préside la cellule de crise VW au niveau national.