Mon discours de clôture du colloque organisé par la SLRB (société régionale du logement à Bruxelles) sur le thème des « investissements durables dans le secteur du logement social bruxellois » organisé le 8 décembre 2009.

Aujourd’hui, le réchauffement climatique est un fait, d’une telle ampleur qu’il est clairement perceptible sur l’espace d’une seule génération et un fait, attesté par le plus large consensus scientifique jamais réunis : le Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’Evolution du Climat.

Il convient dès lors d’adopter une nouvelle attitude, tournée vers l’avenir, qui combine réduction drastique de notre empreinte écologique et adaptation de nos fonctionnements sociaux et économiques aux nouvelles donnes : un climat plus chaud et plus instable, un accès décroissant à l’énergie, à l’eau potable, etc.

Le concept de développement durable confirme la notion de « développement », c’est à dire d’amélioration qualitative de nos conditions de vie, tout en le replaçant dans une vision prospective à long terme, une vision qui permettra tout simplement à ce « développement » de… durer, plutôt que de s’écraser sur le mur de l’épuisement des ressources et d’être balayé par un dérèglement climatique global.

Le développement durable s’impose aujourd’hui bel et bien et il serait vain de le réduire à un simple effet de mode.

Par sa triple dimension environnementale, économique et sociale, le développement durable se construit comme un véritable projet de société, en phase avec la mondialisation de l’économie et la société de la communication.

En matière de durabilité, et singulièrement dans le secteur du logement, la Région bruxelloise, comme la Belgique en général, est historiquement en retard par rapport à de nombreux pays européens alors que le parc des logements bruxellois, globalement assez ancien, participe de manière importante à la production régionale de CO2. La transition énergétique bruxelloise a été initiée lors de la législature 2004-2009 par ma Collègue Evelyne Huytebroeck, et vaut aujourd’hui à Bruxelles une honorable 9ème place dans le classement européen des villes les plus durables ;

Le succès des appels à projets de bâtiments exemplaires sur le plan énergétique et environnemental a démontré la pertinence de solutions reproductibles et économiquement rentables pour améliorer substantiellement la qualité du bâti.

Je relève ici que plusieurs acteurs du logement public, et non des moindres, des SISP, le Fond du Logement, ont participé à ces appels à projets, et ont été sélectionnés, démontrant ainsi la prise de conscience, la compétence et l’audace de leurs responsables. Je les en félicite, et forme le vœux que leurs expériences de pionniers pourront bénéficier à l’ensemble du secteur du logement public. Il convient désormais de passer à une politique structurelle de logement public durable. A cet égard, la déclaration de politique générale de la nouvelle législature, intitulée « Un développement régional durable au service des Bruxellois » marque clairement une rupture. Permettez-moi d’en rappeler les éléments-clés :

Le Gouvernement ambitionne de « Concrétiser le droit au logement ». L’objectif de la politique régionale du logement est, texto, de « permettre aux ménages bruxellois de bénéficier d’un logement dans des conditions d’accessibilité et de confort satisfaisantes ».

La déclaration du gouvernement énonce explicitement les mesures suivantes :

- Activer et développer l’ensemble des outils au service de la politique du logement ;
- Parvenir à 15% de logements publics à finalité sociale pour chaque commune dans les 10 prochaines années ;
- Encadrer les loyers et établir des grilles de références par quartier ;
- Améliorer la performance environnementale des logements sociaux ;
- Lutter contre les logements vides et insalubres, convertir des bureaux en logements, réaffecter les étages vides au dessus des commerces ;
- Aider les Bruxellois à acquérir un logement via le Fonds du logement et la SDRB
- Soutenir les nouvelles formes d’habitat telles que les habitations multi-générationnelles, les logements « kangourou ».
- Améliorer la gestion des budgets alloués au logement.

Ma volonté est d’inscrire l’ensemble des mesures planifiées dans une perspective de durabilité afin de faire de Bruxelles, « la capitale européenne du développement durable ». Il convient dès lors de transcrire la durabilité dans toutes les facettes du logement. Très concrètement,il s’agit notamment dans le logement public :

- de relever dès à présent le niveau de performance énergétique des immeubles de logements neufs au standard « passif »et ceux lourdement rénovés au standard « basse énergie ».
- d’accompagner les ménages en matière de consommation d’énergie, d’eau et de gestion des déchets ;
- de privilégier l’usage de matériaux sains, respectueux de l’environnement et de la santé des occupants ;
- de prendre en compte l’impact de tout projet sur le milieu naturel par des mesures favorisant la biodiversité de la flore et de la faune, telle que, par exemple, l’introduction du coëfficient de biotope, déjà en vigueur à Paris et Berlin.
- De généraliser la rétention et valorisation des eaux de pluie, en lien avec le Plan Pluie régional ;
- d’optimiser sur chaque site de logement public les possibilités de réduction de la production de déchets -par le compostage par exemple- et d’en favoriser le recyclage ; de développer les jardins et potagers collectifs ;
- de favoriser la mixité entre les logements et les autres fonctions urbaines (commerce, équipements publics de proximité, etc.) ;
- de développer l’usage et l’autoproduction d’énergies renouvelables dans le parc de logements publics de généraliser les systèmes de cogénération d’électricité et de chaleur dans les grands ensembles de logements ; d’équiper systématiquement les immeubles de logements de locaux pour vélos et d’encourager l’usage de voitures partagées.

Cette liste n’est évidemment pas exhaustive. Comme vous l’entendez, elle déborde largement du seul volet énergétique et est sans doute assez ambitieuse par rapport à la pratique actuelle. Mais les intervenants de la matinée, que je remercie pour leurs exposés, vous ont montré la nécessité de ces mesures, notamment en ce qui concerne la certification énergétique, et leur faisabilité technique.

L’administration de l’environnement soutient les investissements durables dans les logements collectifs avec des outils et des aides spécifiques et grâce au concours des facilitateurs spécialement formés.

Aussi pertinent et urgent que soit l’objectif de la construction durable, je suis conscient du défi que l’implémentation de ces mesures représente dans le secteur du logement social, et des tensions qu’elle peut susciter, que ce soit en termes de coût d’investissement et d’équilibre financier des sociétés de logement social (SISP) ou en termes de conservation du patrimoine architectural.

Il n’est pas simple en effet pour une SISP d’investir davantage par m² de logement rénové, afin d’en améliorer fortement l’efficacité énergétique… au bénéfice de ses locataires, tout en conservant l’équilibre financier de l’opération. Et cette opération est encore plus compliquée quand la qualité architecturale du bâtiment à rénover implique d’en conserver l’aspect et les matériaux originels des façades…

Les mesures que je vous ai énoncées ne sont pas abstraites et déconnectées de la réalité, au contraire : je serai à votre écoute si vous rencontrez des difficultés, des tensions entre des contraintes parfois contradictoires, comme celles d’isoler très efficacement l’enveloppe d’un immeuble dont les façades sont classées.

Je serai au cours de ces 5 prochaines années résolument à vos côtés, avec mes collaboratrices et collaborateurs du Cabinet pour dégager ensemble des solutions créatives et faciliter les conciliations entre tous les acteurs du logement.

Je suis aussi attentif à ce que la SLRB et les 33 SISP de notre Région conservent une capacité financière d’action, malgré le contexte budgétaire extrêmement difficile auquel notre Région doit faire face. Le nouveau plan quadriennal de rénovation 2010-2013 sera ainsi doté de 206 millions d’euros et le taux de subsidiation des rénovations dans les SISP sera maintenu à 50%, le solde étant financé par des avances remboursables.

Dans un souci d’optimisation des moyens budgétaires, je veillerai également à la cohérence et si possible la coordination des opérations orchestrées par la SLRB et les SISP avec celles de la revitalisation urbaine – les contrats de quartier – et celles menées par BELIRIS dans le cadre de l’Accord de Coopération entre l’Etat Fédéral et la Région de Bruxelles-Capitale.

D’autre part, une allocation budgétaire d’un million d’euros est réservée au développement du pôle d’expertise technique à la SLRB, afin d’accompagner les SISP dans l’élaboration de projets plus « verts ». A cela s’ajoute le développement d’un dispositif qui permettra de délivrer des certificats de performance énergétique aux SISP (les certificats PEB).

Des audits énergétiques sont et seront réalisés par Bruxelles environnement pour les ensembles de logements faisant l’objet de mesures de protection patrimoniales.

Un diagnostic de l’état technique actuel du patrimoine des SISP par rapport aux objectifs environnementaux assignés par le Gouvernement nous permettra de fixer des priorités en phase avec l’état du patrimoine.

D’où l’intérêt de développer un bon cadastre technique, mais aussi énergétique, indispensable pour la certification PEB.

Avant de conclure cette matinée d’étude, je voudrais encore mettre en exergue 3 enjeux de la durabilité dans la politique du logement public à Bruxelles :

1. L’enjeu de la santé publique :

J’ai déjà évoqué l’objectif social de l’amélioration des performances énergétiques des logements sociaux. Sachant que dans certains immeubles de logements sociaux, les locataires paient parfois autant de charges de chauffage que de loyer, toute mesure améliorant l’efficacité énergétique au bénéfice des locataires est donc clairement une mesure sociale. La crise du logement, l’évolution démographique, mais aussi le contexte socio-économique bruxellois font naturellement de cet objectif social une priorité absolue.

Mais l’adoption de standards énergétiques élevés implique aussi l’amélioration du climat intérieur des bâtiments, par la ventilation mécanique permanente et forcée, ce qui a un impact positif direct sur la qualité de l’air intérieur et la santé des occupants qui le respirent. A l’heure où l’asthme affecte un enfant sur sept en Europe, la qualité de l’air intérieur doit être prise, plus que jamais, en considération !

En combinant ventilation et usage de matériaux sains qui préviennent les pollutions intérieures, c’est à la santé de tous les occupants que nous veillons, en particuliers les plus fragiles : les enfants en bas âge et les personnes âgées très sédentaires.

C’est donc avec grande satisfaction que j’ai constaté la semaine dernière, à l’inauguration des 58 nouveaux logements du Home Familial Bruxellois à Neder-Over-Heembeek, que non seulement ils sont équipés d’un système de ventilation à double flux, mais qu’en plus, tous les revêtements de sols sont en dalles céramiques dans les pièces de séjour et en linoléum dans les chambres : des matériaux sains, naturels, très durables et résistants. Un exemple à suivre !

2. Un 2ème enjeu est celui des quartiers durables

L’approche de la durabilité dans la politique du Logement dépassera l’échelle du bâtiment, pour agir tant que possible à l’échelle des quartiers – en mettant en œuvre des expériences de « quartiers durables » ou « transition towns », par exemple. Cela nous mènera notamment à participer activement à l’élaboration du Plan Régional de Développement Durable pour y inscrire les grands axes d’une politique du logement pour les 20 années à venir.

Il faut conjuguer différentes thématiques pour aborder le concept de « quartier durable » :

1. l’Ecologie : énergies, biotopes, eau, matériaux et déchets 2. le Social : Partenariats et coproduction, attractivité et qualité de vie, mixités 3. l’Economie : espaces partagés et densité, ecomobilité, adaptabilité.

Le concept de « quartier durable » n’est pas celui d’un quartier autonome, ni isolé : il n’a de sens qu’en s’inscrivant dans la ville existante et qu’en rendant celle-ci globalement plus « durable ». En ce sens, un « quartier durable » cherche à s’inscrire de manière ambitieuse dans une série d’objectifs qui touchent à la fois la qualité écologique de son périmètre, son maillage social et sa soutenabilité économique.

Que ce soit dans le cadre de la poursuite du Plan Logement sur de nouveaux sites, dans celui de la reconversion de sites désaffectés ou dans celui de grands sites de logements sociaux existants, la notion de quartier durable servira de guide aux projets à développer, avec la volonté qu’ils soient appropriés par leurs occupants grâce à un processus d’élaboration participatif.

3. Enfin l’enjeu de la reconnaissance internationale

Faire de Bruxelles la Capitale du Développement durable requiert certainement un exemplarité et une capacité d’innovation « interne » dans la construction et la mise en oeuvre de nos politiques régionales, notamment en matière de logement. Mais il faut aussi faire exister cette action à l’échelle européenne, pour la faire reconnaître et – tant que possible – cofinancer par les fonds européens dédiés à l’environnement. Cela nécessite un travail de valorisation au sein des réseaux spécialisés et auprès des institutions européennes. La présidence belge de l’Union représentera un moment important à cet égard. Outre l’intérêt financier, la reconnaissance européenne et internationale, notamment au sein des réseaux européens spécialisés, est un gage de valorisation de Bruxelles à l’international et d’attraction touristique. En ce sens, cette action viendra renforcer la politique que nous menons à cet égard en COCOF.

Je conclurai en vous remerciant toutes et tous pour votre engagement au service du logement social.

Chacune et chacun d’entre vous , directeur d’une SISP, architecte, responsable d’une régie technique,juriste, collaborateur de la SLRB, technicien… vous contribuez au quotidien, dans votre rôle à concrétiser le droit à un logement et une vie digne pour les Bruxellois.