Article de Baudouin Massart publié dans Alter Echos ( 3 avril 2011, n° 313, secteur : Logement, rubrique : Focus)

Le secrétaire d’Etat bruxellois au Logement communique beaucoup ces derniers temps sur le Plan logement. Si 4 606 logements seraient programmés, il n’est pas sûr que tous verront le jour. Le cabinet se méfie des chiffres. Il table beaucoup sur la participation pour faire avancer les projets, lentement mais sûrement.

Depuis le début de l’année 2011, Christos Doulkeridis (Ecolo)1, secrétaire d’Etat bruxellois au Logement, a fait avaliser plusieurs projets de construction prévus dans le cadre du Plan logement. Le 10 février, quatre projets totalisant 264 logements sociaux et 61 logements moyens étaient avalisés sur les communes de Berchem, Uccle et Molenbeek, tandis que le Fonds du logement bruxellois lançait quatre projets de 177 logements sociaux dans le cadre du Plan régional du Logement à Anderlecht, Bruxelles-Ville et Molenbeek. Quelques jours plus tard, il inaugurait 80 nouveaux appartements sociaux à Jette (le chantier avait démarré en 2008). Le 17 mars, sept nouveaux projets de construction de logements (92 logements sociaux et 3 logements moyens) étaient avalisés pour les communes de Bruxelles, Molenbeek, Schaerbeek et Jette. Pour Christos Doulkeridis, « le Plan régional du Logement est aujourd’hui résolument sur les rails et a trouvé son rythme ».

Le secrétaire d’Etat insiste aussi sur l’aspect « durable » du Plan : « Le point commun à ces nouvelles opérations est une volonté à la pointe en termes d’éco-construction et de performance environnementale (standard passif, matériaux de construction sains et durables, récupération de l’eau de pluie, panneaux solaires…). Pour moi, il s’agit d’inscrire l’ensemble des mesures planifiées dans une perspective de durabilité afin de faire de Bruxelles la capitale européenne du développement durable. Un objectif environnemental qui reste plus que jamais en lien avec un objectif social puisque, par exemple, le standard passif permettra aux futurs locataires de faire des économies (jusqu’à 90 %) sur leur facture de chauffage. »


Dans chacun de ses communiqués, le secrétaire d’Etat au Logement saisit l’occasion de dresser un état des lieux de l’avancement du Plan régional du logement. Un bilan plus détaillé est d’ailleurs prévu deux fois par an : en juin et en décembre. Au 17 mars 2011, le cabinet comptabilisait 65 projets, répartis sur seize communes (soit une estimation de 4606 logements).

Plan logement au 17.03.2011

• 382 logements sont terminés (317 logements sociaux et 65 logements moyens);
• 898 logements sont en chantier (633 logements sociaux et 265 logements moyens);
• 293 logements disposent d’un permis d’urbanisme et sont en cours d’adjudication (189 logements sociaux et 104 logements moyens);
• 406 logements sont en procédure de demande de permis d’urbanisme (270 logements sociaux et 136 logements moyens);
• enfin, pour 2 627 logements, des demandes de permis d’urbanisme sont en cours de préparation.

Le RBDH reste critique

Le RBDH (Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat)2 reste critique par rapport à ces avancées. En février, il observait que « sept ans plus tard, le Plan logement est cependant loin d’avoir réalisé ses ambitions. Une préparation insuffisante et la quasi-absence de suivi des projets ainsi qu’un manque de concertation avec les communes ont eu pour conséquence que le Plan logement risquait de se retrouver dans une impasse, bien que le gouvernement ait débloqué des moyens financiers considérables [NDLR 540 millions d’euros] ». Le RBDH note toutefois la volonté de l’actuel secrétaire d’Etat au Logement de remettre le Plan sur les rails et livre sur son site web son état des lieux site par site.
Au vu du tableau fourni par le RBDH, on constatera que deux projets prévus à Haren ont été abandonnés « à cause d’une mauvaise implantation ». L’un (Paroisse I) devait compter 86 logements sociaux, l’autre (Paroisse II), 116 logements sociaux. Aux Dames blanches, Woluwe-Saint-Pierre, le projet (408 logements sociaux et 204 logements moyens), est en contradiction avec le PPAS (voir Alter Echos n° 266 du 30 janvier 2009 : « Plan logement aux Dames blanches : les habitants sont chocolat »). A Uccle, un arrêt du Conseil d’Etat a ramené le projet Moensberg de 103 logements sociaux à 45. Çà et là, plusieurs petits projets doivent encore être planifiés ou sont encore à l’étude.
De manière générale, le RBDH constate « qu’il manque moins de 70 logements pour atteindre l’objectif initial de 1 500 logements moyens. En revanche, sur les 3 500 logements sociaux qui devaient être réalisés, il en manque encore 570 et ils ne sont même pas encore planifiés ». Il s’interroge aussi sur les moyens débloqués par la Région. Suffiront-ils à la réalisation des 5 000 logements ? D’autant que tous les nouveaux projets s’inscriront dans le standard « passif ».

Place au passif et à la participation

Sur ce dernier point, le secrétaire d’Etat au Logement n’est guère inquiet : « Les réalisations passives les plus récentes menées à Bruxelles ont montré que ce surcoût n’atteignait plus que 1 % ! On voit déjà que le surcoût du passif est en train de se tasser au fur et à mesure des effets d’apprentissage dans le secteur de la construction. Le marché de la construction réagit très positivement. Plus le passif devient « standard » plus les prix se normalisent : c’est tout l’enjeu d’une attitude volontariste et exemplaire des pouvoirs publics. »
Quant aux différents projets pointés plus haut, le cabinet est assez transparent : « Les deux terrains à Haren se trouvaient pris entre trois voies de chemin de fer, étaient survolés par les avions partant de la piste de décollage la plus utilisée de Zaventem, et situés à quelques centaines de mètres du Ring. Aujourd’hui, ce n’est pas possible de faire du logement sur ces terrains à bâtir. On peut envoyer autant de projets que l’on veut dans les administrations pour gonfler les chiffres, mais s’ils ne sont pas réalistes, il faut prendre ses responsabilités. Nous les avons donc annulés. »
Concernant le projet de Moensberg, on rappelle au cabinet que le PPAS (plan particulier d’affectation du sol) prévoyait 45 logements : « Il est donc normal que le projet ait été cassé par le Conseil d’Etat. Il était inutile de proposer de construire 106 logements. » Un accord a été trouvé finalement pour 45 logements, la demande de permis d’urbanisme devrait bientôt être déposée. Cet épisode démontre que les pouvoirs publics ne doivent pas s’inscrire systématiquement dans des demandes de dérogation. « On peut jouer sur des marges, mais sans pour autant être en contradiction », observe-t-on au cabinet.
Quid alors du dossier « Dames blanches » ? « C’est à peu près la même chose, mais ici c’est le PPAS qui est mauvais. Il propose la construction de 133 villas. D’une part, c’est difficilement défendable sur le plan écologique dans une optique de ville compacte et durable, et, d’autre part, cela correspond à une densité inférieure aux quartiers environnants. Sous la précédente législature, le projet est passé de 1 000 à 624, puis à 500 logements. Aujourd’hui, il y a un projet urbanistique de 500 logements, mais il reste à mettre en place une méthode pour faire aboutir le projet. Il faut arriver à un consensus négocié au niveau de la commune et des riverains et essayer d’argumenter pour qu’une solution soit possible. »
Cette concertation – et celles concernant les autres projets – s’inscrit dans le cadre de la participation citoyenne. La SLRB (Société de logement de la Région de Bruxelles-Capitale) a été désignée comme opérateur pour organiser huit moments de participation. Elle a sous-traité cette mission à l’asbl ERU, qui coordonne par ailleurs le projet « Quartiers durables » et accompagne les habitants impliqués dans ce processus (voir Alter Echos n° 295 du 23 mai 2010 : « L’appel des quartiers durables »). « Le premier moment, c’est lorsque le terrain est repéré, nous dit-on au cabinet. On organise un premier tour de table avec les acteurs locaux et on présente l’idée du gouvernement. Lors des autres moments-clés, on réunit le groupe participatif et on envoie des toutes-boîtes. Ces huit moments de participation, c’est pour les nouveaux projets. Pour les projets en cours, on fait ce qu’on peut en prévoyant, par exemple, trois moments de participation. »

Plus que quelques centaines de logements, vraiment ?

Si le RBDH estime qu’il manque encore plus de 600 logements pour atteindre les 5 000 logements annoncés, au cabinet, on va plus loin en affirmant qu’il en manque bien plus que cela. En janvier 2011, alors que 50 projets totalisant un potentiel maximal de 4 454 étaient sur le métier, Christos Doulkeridis déclarait : « Ce chiffre évoluera sans aucun doute à la baisse ; au fur et à mesure de la concrétisation des projets, dans le cadre des procédures d’obtention de permis d’urbanisme ou des processus participatifs. Pour arriver à 5 000, il faudra donc trouver encore beaucoup plus que 506 logements. »
Et l’un de ses collaborateurs de nous préciser à l’heure où nous écrivons ces lignes : « C’est normal qu’il manque des logements. Quand le Plan logement a été décidé, il s’agissait d’une décision budgétaire. Ensuite, il a fallu trouver des projets. Les SISP, les communes rentrent des projets, le gouvernement les approuve au fur et à mesure, puis les envoie à la SLRB ou la SRIB (Société régionale d’investissement de Bruxelles) pour la mise en oeuvre. Le Plan se complète au fur et à mesure. Aujourd’hui, 406 logements sont en procédure de demande de permis d’urbanisme et des demandes de permis d’urbanisme sont en cours de préparation pour 2 627 logements. Dans ces catégories, les chiffres devront être revus à la baisse. Mais l’objectif reste de 5 000 logements. Nous continuons d’accepter les demandes au niveau local. L’urgence est là. Mais les projets qui avancent, avancent. »

Balises

2003 : Alain Hutchinson (PS) en 2003, alors secrétaire d’Etat bruxellois au Logement, concocte le Plan régional prévoit la construction de 3 500 logements sociaux et 1 500 logements locatifs moyens.
2004-2009 : Françoise Dupuis (PS) succède à Alain Hutchinson et s’attèle à la mise en oeuvre du fameux plan. Un budget de 540 millions d’euros est dégagé. Reste à trouver les terrains et à faire des « logements durables », puisque c’est le nouveau mot d’ordre. Selon certains, elle hérite d’un cadeau empoisonné. Les critiques ne se font pas attendre : le Plan avance lentement, les logements tardent à sortir de terre. Beaucoup lui reprocheront son manque de concertation avec les communes et les riverains des terrains, ce qui entraînera le blocage de certains projets.
2009 : Christos Doulkeridis (Ecolo) devient secrétaire d’Etat au Logement. Il se rend sur le terrain et fait un tour des différents sites. Certains projets ont été abandonnés, d’autres doivent être revus et pour ce faire, il faut se concerter avec les acteurs locaux et les habitants. L’accent est mis aussi sur le logement passif. Son objectif n’est plus de 5 000 logements sur la Région, mais de 15 % de logements sociaux par commune. Mais la lenteur de la mise en oeuvre du Plan est régulièrement pointée du doigt.

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