la-treve-tournageIntervenant régulièrement au sujet des conditions de travail et de rémunération des professionnels qui travaillent sur les séries belges, j’ai cette semaine relayé les critiques légitimes émises par les professionnels qui contribuent à leur succès, plus spécifiquement à propos de la rémunération des artistes et du nombre de jours de tournage prévus. Ces conditions sont en effet bien en deçà de celles qui ont cours en Flandre et chez nos voisins. Cet état de fait n’est d’ailleurs pas contesté, vu le nouvel accord qui serait intervenu cet été pour revoir à la hausse les plafonds des budgets de production des séries, que ce soit pour une première ou une deuxième saison. Je rappelais aussi à cette occasion la logique dans laquelle doit s’inscrire le soutien apporté par la Fédération, qui est celle de l’aide aux métiers artistiques et non celle de « produit » financier télévisuel. 

M. Christos Doulkeridis (Ecolo). – Je vous interpelle régulièrement sur les conditions de travail et les rémunérations des professionnels qui travaillent sur les séries que produisent conjointement la Fédération Wallonie-Bruxelles et la RTBF.

Si nous partageons tous l’enthousiasme suscité par la qualité des premières séries diffusées, je ne manquerai pas pour autant de relayer les critiques légitimes émises par les professionnels qui en ont fait le succès. Je les résumerai autour de deux enjeux: la rémunération des artistes et le nombre de jours de tournage prévus.

Ces deux aspects sont évidemment liés au budget prévu contractuellement pour ces séries par la Fédération et la RTBF. Lors de notre dernier échange le 17 mai dernier, je vous demandais si le succès enregistré à l’étranger permettrait d’améliorer ces conditions de travail. Cet enjeu est évidemment important dès lors que nous considérons ces métiers à leur juste valeur et que le soutien apporté par notre Fédération s’inscrit dans une logique d’aide aux métiers artistiques et non dans une logique de produit financier télévisuel. De ce point de vue, votre réponse était encourageante. Vous disiez en effet: «Il ne faudrait pas que nos séries deviennent, comme c’est le cas en France, des produits financiers dans lesquels la dimension artistique n’est plus prioritaire».

Je reviens sur un autre élément de cet échange. Vous disiez que «la décision du fonds d’imposer un budget maximal par épisode tournant aux alentours de 4 000 euros la minute se base sur une étude de ce qui se fait en Flandre et dans les pays voisins». Plusieurs déclarations parues dans la presse ces dernières semaines n’étayent pas vraiment cette comparaison.

Pour ne citer que deux exemples, je reprendrai l’interview de l’un des acteurs de La Trêvequi parle d’un cachet à la journée quatre fois inférieur à ce qui se pratique en France (Ciné Télé Revue du 7 sep-tembre 2016) et l’information  relayée par la Dernière Heure fin août selon laquelle la série française Zone blanche bénéficie de 90 jours de tournage pour huit épisodes contre 70 jours pour La Trêve qui en a tourné dix.

Je pense que le sous-financement de nos séries ne devrait pas être contesté. J’en veux pour preuve qu’un nouvel accord serait intervenu cet été pour revoir à la hausse les plafonds des budgets de production tant pour une première que pour une éventuelle deuxième saison. Le budget global pour une série passerait des 2 à 2,5 millions d’euros prévus initialement à près de 4,3 millions.

Monsieur le Ministre, pouvez-vous nous présenter le nouveau cadre de production des séries belges francophones subsidiées par la RTBF et la Fédération Wallonie-Bruxelles?

– Quels sont les nouveaux montants pris en considération?

– Les augmentations annoncées bénéficieront-elles à l’ensemble des métiers artistiques? Si oui, quelles sont les modalités prévues pour garantir cet objectif?

Les producteurs étaient en demande d’un assouplissement du cadre artistique des séries (nombre de séries et durée des épisodes). Quels changements ont-ils été éventuellement décidés dans cette direction?

M. Jean-Claude Marcourt, vice-président et ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et des Médias. – Lorsque j’évoquais, dans ma précédente intervention sur le sujet, que la décision d’imposer un budget maximal se fondait sur une étude de ce qui se faisait dans les pays voisins, c’était en prenant en considération les spécificités de ceux-ci. Il n’est pas approprié de comparer la situation dans notre Fédération avec celle de la France, un pays de plus de 60 millions d’habitants, qui compte un savoir-faire et un secteur de la production autrement plus développés que chez nous. Que le salaire des acteurs soit plus élevé en France n’est pas une nouvelle.

L’ambition de la Fédération, lors de la création du fonds Fédération/RTBF était de lancer, avec nos moyens et en partant de zéro, une dynamique pérenne de production de séries télévisées. Après la diffusion de deux séries au succès critique indéniable et une percée de celles-ci au niveau international, nous pouvons effectivement faire évoluer le système.

Comme la conférence des présidents a refusé de joindre cette question avec celle précédemment posée par M. Maroy, je vais donc me répéter. Comme annoncé, des rencontres ont eu lieu entre les responsables de la Fédération, de la RTBF et les producteurs indépendants pour évaluer la nécessité de modifier le cadre de production des séries belges, afin de tenir compte des expériences des deux premières séries.

Sans augmenter l’apport initial du fonds, il a été décidé de laisser davantage de latitude au producteur pour compléter son budget, et ce afin de pallier les problèmes rencontrés. Cependant, les responsables du fonds ont souhaité garder quand même un cadre d’application, afin d’éviter que les budgets n’augmentent trop, entraînant une inflation telle que les saisons suivantes puissent être mises en danger en cas de retrait de l’une des sources de financement.

Nous sommes toujours dans une logique de pérennisation. Ainsi, les négociations entre le Centre du Cinéma et la RTBF, motivées par les retours des professionnels sur les conditions difficiles de financement des séries ont eu pour résultat des modifications de plafonds de financement admissibles pour les séries, non seulement pour les saisons 1, mais de manière encore plus marquée pour les saisons 2.

S’agissant des montants à prendre en considération, l’intervention du fonds n’a pas changé et s’élève donc à 117 600 euros par épisode de 52 minutes, soit 1 176 000 euros pour dix épisodes, ce qui inclut une aide au développement de 200 000 euros et une aide à la production de 976 000 euros.

L’intervention du fonds ne pourra pas dépasser un maximum de 50 % du budget global de production, étant entendu que la production devra tourner autour de 275 000 euros par épisode pour la saison 1 et de 330 000 euros par épisode pour la saison 2. Ces budgets pourront être augmentés de 20 % pour la saison 1, soit un budget maximal de 330 000 euros par épisode pour une nouvelle série et de 30 % pour la saison 2, soit un maximum de 429 000 euros par épi sode d’une série renouvelée, pour autant que cette augmentation soit justifiée dans le devis pardes éléments tels que l’expérience des talents attachés au projet, le nombre de jours de tournage, le budget des effets spéciaux, le budget des décors et costumes.

Les conditions en matière de coproduction étrangère ne changent pas puisqu’en cas d’apport d’un ou de plusieurs coproducteurs étrangers, l’apport de ces derniers ne pourra dépasser 20 % du budget, apport des coproducteurs étrangers inclus. Ces modifications permettront donc au producteur de lever plus de financement pour sa série et de veiller, dès lors, à une rémunération correcte des artistes. La procédure en vigueur prévoit qu’avant tournage, chaque projet aura l’obligation de passer devant la cellule d’agrément conjointe Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel (CCA)/RTBF qui valide la viabilité financière de la série, notamment en accordant une attention au salaire des intervenants de la chaîne de création.

Enfin, s’agissant de la question relative à l’assouplissement du cadre artistique des séries, rien n’a encore été décidé pour l’instant. Cependant, la Fédération et la RTBF poursuivent leur réflexion sur une éventuelle ouverture aux 26 minutes qui, semble-t-il, conviendraient mieux à la comédie que 52 minutes et sur une modification du nombre d’épisodes exigé.

Comme vous pouvez le constater, il s’agit d’un travail en cours qui fait l’objet de nombreuses discussions, toujours au bénéfice du secteur.

M. Christos Doulkeridis (Ecolo). – Monsieur le Ministre, je vous remercie pour ces précisions. Je ne suis pas l’auteur de cette comparaison avec la France. Elle découlait de votre réponse. La comparaison avec la Flandre est plus pertinente, mais il subsiste des différences. Comme vous, je constate que la RTBF et le gouvernement travaillent dans la bonne direction depuis le début. Je voudrais souligner l’intérêt de mener une évaluation et d’adapter le projet en cours de réalisation, ce que vous faites.

Je note que la grande différence ne provient pas de l’augmentation du fonds, mais de la possibilité laissée au producteur de rechercher d’autres financements qui sont néanmoins plafonnés. Mon objectif est d’attirer l’attention sur la rémunération des différents professionnels. L’augmentation des plafonds, la possibilité de rechercher des moyens financiers externes et de pratiquer un examen en amont, avec une attention particulière sur la rémunération des artistes, s’inscrivent dans la bonne voie. Nous procéderons a posteriorià une évaluation afin de juger si ces principes sont mis en oeuvre.