pathe-palace-annee60Ce lundi, j’interpellais M. Flahaut, Ministre du Budget au sujet du Pathé Palace : 16 ans que le dossier traîne après l’injection de 16 millions par la Fédération dont 10 millions restent encore à rembourser. Ce lundi, j’apprenais à ma grande surprise qu’après maintes négociations, la Région de Bruxelles-Capitale avait tout bonnement affirmer ne pas être intéressée par l’acquisition du bâtiment. Suite à ce refus, M. Flahaut semblait fortement favoriser la piste de la revente au privé. Piste, à mon sens, scandaleuse puisque cela reviendrait à brader un patrimoine de la Fédération, là où son rôle est de soutenir la culture et le cinéma notamment, sans parler de l’argent jeté par la fenêtre si une telle vente avait lieu… Il est urgent que les autorités publiques trouvent une solution réaliste, qui ne consiste sûrement pas à s’en débarrasser à un prix indécent.

Ci-dessous, mon interview à ce propos pour Bx1 et le compte-rendu de mon échange de ce lundi avec M. Flahaut.

Christos Doulkeridis (Ecolo) : Après avoir interrogé votre collègue de la Culture, Mme Greoli, et le Ministre-Président de la Région de Bruxelles-Capitale, M. Rudi Vervoort, j’aimerais vous interroger à votre tour sur le dossier du Pathé Palace dont la gestion est, depuis le début, désastreuse, puisque tout le monde se renvoie la balle depuis seize ans. Pas moins de 16 millions d’euros, dont 10 millions restent encore à rembourser par le biais de deux emprunts bancaires,ont été injectés par la Fédération Wallonie-Bruxelles dans ce bâtiment.

Dans le cadre de l’ajustement budgétaire de 2016, le gouvernement vous avait chargé de négocier avec la Région de Bruxelles-Capitale la meilleure solution pour le Pathé Palace et la conclusion d’un bail emphytéotique avec celle-ci pour une durée de 50 ans, de manière à permettre la finalisation des investissements prévus et d’assurer la pérennité de l’outil culturel que représente ce bâtiment. Vous indiquiez récemment ne pas vous sentir lié par l’obligation d’emphytéose e 50 ans. Monsieur le Ministre, si la Fédération Wallonie-Bruxelles ne parvient pas à transférer la propriété du Pathé Palace à la Région bruxelloise, quelles autres solutions sont envisagées par votre gouvernement? De plus, lors des travaux de notre commission portant sur le budget 2017, vous annonciez qu’une solution serait trouvée avant la fin de l’année 2016. À ma connaissance, elle est terminée. Lors des derniers échanges à ce sujet, peu de changements avaient été constatés. Qu’en est-il? Pourriez-vous faire le point sur les négociations en cours avec la Région bruxelloise? Un terrain d’entente a-t-il été trouvé? Sur quels éléments précis portent les éventuels désaccords avec celle-ci? Avez-vous notamment eu l’occasion d’échanger avec M. Vervoort sur le recours au fonds Beliris au sujet duquel il s’était montré hésitant ? La situation budgétaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles permet-elle de garantir la viabilité du projet du cinéma Palace? Le recours au fonds Beliris reste-t-il une piste de financement envisageable? D’autres pistes sont-elles envisagées? Si oui, lesquelles?

Par ailleurs, dans le cadre du budget 2017, vous avez débloqué les 2,7 millions d’euros restants pour permettre l’ouverture du Pathé Palace: 1,4 million pour parachever les travaux immobiliers et 1,3 million pour assurer les travaux liés à ’équipement horeca et au matériel. Vous avez également prévu de prendre en charge la première tranche du remboursement de l’emprunt de 10millions d’euros.

Si la Région de Bruxelles-Capitale faisait l’acquisition du bâtiment, reprendrait-elle à sa charge ces emprunts? Où en sont les négociations à ce sujet? Avez-vous conclu un accord et, le cas échéant,quelles en sont les modalités et les conditions? Enfin, une solution pérenne doit aussi être trouvée pour assurer le bon fonctionnement de ce bâtiment. Il importe de trouver des solutions budgétaires pour faire vivre ce lieu une fois que le financement global et les travaux seront terminés. Quelle est votre position à ce sujet ? Qu’avez-vous mis en œuvre pour assurer le bon fonctionnement du cinéma Pathé Palace dès son ouverture ?

M.André Flahaut, ministre du Budget : En effet, ce dossier très ancien nécessite que nous trouvions des solutions sans que la Fédération Wallonie-Bruxelles soit pénalisée. Tout d’abord, je voudrais revenir sur la dernière partie de votre intervention. À l’avenir, il est clair que le propriétaire du Pathé Palace devra inclure dans son budget, en plus du patrimoine, des subventions pour le développement des activités.Cela étant, dans un premier temps, comment allons-nous régler les problèmes que pose la charge d’un tel bâtiment?

En tant que responsable politique de la gestion de nos infrastructures, j’ai veillé à ce que, dans l’ajustement budgétaire et dans le budget initial 2017, les travaux soient terminés propre-ment: ceci explique les 2,7 millions d’euros. De même,pour témoigner de notre volonté de ne pas abandonner en cours de route, j’ai donné des instructions pour que nous prenions en charge la première tranche du remboursement des emprunts, soit 531 000 euros par an.Ainsi, il n’est pas question de laisser se développer un chancre sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale. Il est vrai – et ce n’est un secret pour personne – qu’il s’agit d’un dossier emblématique. Lorsque j’ai été chargé de cette matière, on m’a dit qu’il était absolument nécessaire de terminer les travaux du Pathé Palace, que les Frères Dardenne attendaient et qu’une ASBL y siégeait. J’ai voulu comprendre le dossier avant de signer quoi que ce soit.

À plusieurs reprises, on a dit aux uns que je voulais le conserver, aux autres que je voulais le vendre. Or, je suis un pragmatique pur et dur: j’ai fait en sorte que le Pathé Palace puisse être en bon état et aménagé comme prévu, mais je ne tiens pas non plus à ce que la Fédération Wallonie-Bruxelles en reste à tout prix propriétaire. Quoi qu’il advienne de cette dernière dans les années à venir, ma première démarche a été de me tourner vers la Région de Bruxelles-Capitale pour lui signaler qu’il existe un lieu équipé dont nous avons assumé l’achat et le financement des travaux, ce qui implique un emprunt d’un certain montant à rembourser. Par la suite, j’ai voulu savoir s’il était possible de négocier un prix convenable pour faire en sorte que ce lieu, même s’il changeait de propriétaire, reste affecté à des activités et soit géré en proximité par une ASBL –comme celle des frères Dardenne – ou encore par une ASBL au sens large. Le but est de répondre aux préoccupations liées au territoire de la Région de Bruxelles-Capitale et de garantir ainsi une certaine mixité communautaire parmi les clients du cinéma Pathé.

Comme annoncé, j’ai pris contact avec les interlocuteurs de la Région bruxelloise, MM. Vervoort et Vanhengel, au moment de l’élaboration de son budget 2017. Après avoir insisté à plusieurs reprises, j’ai obtenu une réponse: l’acquisition du Pathé Palace n’intéressait pas la Région bruxelloise. Une porte se fermait donc à ce niveau. J’ai ensuite essayé la piste de la COCOF qui aurait également pu devenir propriétaire du cinéma. Assisté notamment par mon collègue M. Madrane, force fut de constater que l’acquisition du Pathé Palace ne figurait pas non plus parmi les objectifs de la COCOF.

Aujourd’hui, trois pistes demeurent donc. La première consiste à conserver le bâtiment qui nous a déjà coûté cher, tant à l’achat qu’à l’entretien,et nous coûterait encore en subsides et en remboursement d’emprunt. Compte tenu de l’état actuel du budget de la Fédération Wallonie-Bruxelles, cette solution ne me semble pas à privilégier.

La deuxième piste consiste à dire qu’il s’agit d’un élément du patrimoine de la Région de Bruxelles-Capitale. Il n’est pas question de lignes de métro, ni d’une série d’autres aménagements, mais l’immeuble est intéressant, classé, et fait partie de l’histoire de Bruxelles. Peut-être que Beliris pourrait ainsi choisir d’en faire l’acquisition.J’ai pris contact avec le ministre Reynders que je vais rencontrer pour en discuter.

La réponse sera positive ou négative, voire assortie d’une série de conditions portant par exemple sur la dimension bicommunautaire du territoire de Bruxelles. Mais je suis ouvert à toutes les négociations possibles pour aboutir à une solution et faire en sorte que le Pathé Palace reste dans le giron public. Il serait un peu mal venu,après toutes les démarches entreprises pour en faire l’acquisition– la recherche des moyens mise en œuvre par les gouvernements successifs pour procéder à la rénovation, les emprunts, la recherche d’utilisateurs jouissant d’une certaine renommée, comme les frères Dardenne, que le Pathé Palace ne fasse plus partie du domaine public.

Enfin, la dernière possibilité est que nous ne trouvions pas d’acquéreur. Personnellement, je ne suis pas réellement attaché au bâtiment. Je mettrai en avant ces trois pistes et le gouvernement prendra sa décision, mais la mise en vente du Palace à des opérateurs privés est une possibilité. Le nombre des opérateurs qui se manifestent en vue du rachat de l’immeuble est important, je ne vous le cache pas. Si un opérateur privé le rachète et garantit que les ASBL pourront continuer à y travailler, mon pragmatisme m’amène à dire que je ne m’attacherai pas à un symbole alors que personne ne s’en préoccupe ! Mais si personne n’en veut,l’immeuble sera à la charge de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ce qui,compte tenu de l’état de nos finances, risque de redevenir un chancre. Ce n’est dans l’intérêt de personne et certainement pas de la Région bruxelloise ou de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Pour rappel, voici quelques chiffres: l’immeuble, c’est 16 millions d’euros dont 10 millions sont encore à rembourser via deux emprunts bancaires. Ceux-ci représentent ne charge de 531 000 euros par an: 42 000 euros à rembourser à ING jusqu’en 2030 et 489 000 euros à Triodos jusqu’en 2035.

Comme je l’ai rappelé, 2,7 millions ont été affectés à la finalisation des travaux, ainsi que nous l’avions prévu dans le cadre de l’ajustement budgétaire, pour ne pas retarder le projet.

Je vous ai fait part en primeur de l’attitude que j’allais observer. En effet, je n’ai encore fait aucune déclaration à la presse. J’ai attendu cette réunion pour, en réponse à votre question, exposer les différentes pistes actuelles et faire état des négociations, passées comme futures. Avant d’entrer dans cette salle, je me suis entretenu avec le ministre Reynders, auquel j’ai fait part de mon intention de reprendre contact avec lui, par le biais de Beliris, au sujet du Pathé Palace.

M. Christos Doulkeridis (Ecolo) : Monsieur le Ministre, votre réponse me semble claire. Quant à savoir si elle tient la route, c’est une autre question:une des pistes me paraît quelque peu cocasse!

Je vous remercie d’avoir été très clair sur l’attitude de la Région de Bruxelles-Capitale, mais la réponse que celle-ci vous donne me choque. Mme Milquet avait déjà essayé de négocier avec la Ville de Bruxelles, estimant que celle-ci pouvait être intéressée par ce bâtiment auquel la Fédération Wallonie-Bruxelles a effectivement consacré beaucoup de moyens. La Ville pouvait peut-être intervenir d’une manière ou d’une autre pour faire vivre ce bâtiment situé au cœur de Bruxelles. Vous nous dites aujourd’hui que M.Vervoort confirme qu’il n’est pas intéressé. J’avoue que je suis un peu surpris.

Ce refus de la Région compromet aussi la possibilité d’obtenir l’aide de Beliris. En effet, je vous vois mal négocier seul avec le ministre Reynders à cet égard. L’outil Beliris est né d’un accord de coopération entre l’État fédéral et la Région de Bruxelles-Capitale, dont l’accord est donc indispensable.

M. Vervoort avait lui-même la possibilité de recourir à Beliris pour pouvoir vous donner une réponse positive. Du fait de son refus, cette piste passe à la trappe. Rien ne vous empêche de prendre rendez-vous avec M. Reynders, mais vous ne pourrez pas prendre une décision à deux concernant ce dossier. De plus, je doute que M. Vervoort soit content d’apprendre que vous négociez sans lui au sujet de Beliris. Cette piste me semble donc quelque peu cocasse!

Vous ne semblez pas envisager le fait que le bâtiment reste la propriété de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Le problème est, d’une certaine façon, celui de la continuité de l’État. Un ministre-président a commis une erreur. M.Hasquin n’aurait jamais dû se livrer à ce concours de surenchère avec la Communauté flamande pour acheter ce bâtiment. Il a acheté ce bâtiment sans savoir ce qu’il allait devenir, ce qui était une erreur, mais il s’agit de notre patrimoine. Par ailleurs, nous avons déjà investi dix millions dans ce projet. De votre côté, vous avez pris vos responsabilités en tant que ministre du Budget et parachevé l’ensemble du dossier pour, au moins, faire en sorte que les travaux se terminent, que les budgets soient prévus et que l’on puisse ouvrir les enseignes. La question du budget de fonctionnement se pose bel et bien, mais la Fédération Wallonie-Bruxelles est quand même l’institution la plus compétente dans le domaine du cinéma. Il n’est donc pas anormal de prendre des décisions, non seulement pour ce qui est du budget, mais aussi de concert avec les autres ministres, dans le domaine de la culture, du cinéma, de l’aide à la création ou encore de l’enseignement supérieur, pour ce qui est des écoles de cinéma. Il existe de nombreuses possibilités, mais c’est notre institution qui est compétente dans ce domaine.

Je ne comprends donc pas que la quatrième piste puisse être envisagée, d’autant que le secteur privé est en position de force pour négocier, car il connaît bien le marché et sait que tout le monde veut se débarrasser de ce bâtiment. Dans le contexte actuel, vendre ce bâtiment ne relèverait pas de la bonne gestion publique.

Votre réponse semble donc, de prime abord, assez complète et constructive,mais je crains que ce ne soit pas le cas. J’interpellerai à nouveau M. Vervoort concernant ce dossier, car si la Fédération Wallonie-Bruxelles ne garde pas le bâti-ment, il doit néanmoins rester dans le domaine public pour que l’objet social puisse être poursuivi. Je ne vous mets pas en cause; vous avez fait ce que vous pouviez dans le cadre de votre mandat, mais je suis étonné de la réponse de la Région de Bruxelles-Capitale, qui veut par ailleurs se lancer dans un nouveau projet «à la Hasquin» concernant le bâtiment Citroën. Créer une institution est toujours plus facile que de faire vivre les institutions existantes ou de les finaliser. Il y a là un vrai danger.

André Flahaut, ministre du Budget : Il faut bien entendu que chacun prenne ses responsabilités. Si la décision est prise de garder le bâtiment, il faudra trouver les moyens pour y parvenir. Ce sont des choix politiques.

En ce qui concerne la Ville de Bruxelles, elle a donc été contactée et a répondu que le Pathé Palace ne faisait pas partie de ses projets, car d’autres biens de la Communauté française l’intéressaient. Quand je me suis entretenu avec MM. Mayeur et Close, ils m’ont dit que si le Pathé Palace leur semblait important, ils étaient plutôt intéressés par le Variétés. D’ailleurs, le Collège de Bruxelles a manifesté son intérêt pour le rachat de ce bâtiment.

M. Christos Doulkeridis (Ecolo) : Donc, si j’ai bien compris, la seule piste que vous gardez est celle de la vente au secteur privé, puisque la piste Beliris nécessite l’accord de la Région de Bruxelles-Capitale, qui vous a opposé un refus.