Vous touverez ci-dessous le discours que j’ai prononcé ce mercredi 26 septembre au Parlement Bruxellois à l’occasion de la Fête de la Communauté française. Plus de 500 personnes issus du monde associatif, politique et académique étaient présentes à cette occasion. Aux abonnés absents : la Ministre-Présidente de la Communauté française, Marie Arena, et les différents Ministres de son exécutif. Aucun ministre wallon n’a également fait le déplacement, si ce n’est le Président du Parlement de la Communauté française, Jean-François ISTASSE. Une attitude peu compréhensible et cohérente alors que Marie Arena plaidait encore le 20 septembre dernier en faveur d’un rapprochement entre francophones de Bruxelles et de Wallonie. Mais soit, revenons à l’essentiel.

Chers Amis,

Mesdames et Messieurs les Ministres des Gouvernements,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs des pays de l’Union européenne,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et représentants des pays du monde entier,

Mesdames et Messieurs en vos titres et qualités,

En préparant il y a quelques mois le thème autour duquel nous voulions axer cette fête de la Communauté française à Bruxelles, Benoit CEREXHE et moi-même avions convenu qu’il était incontournable et indispensable d’évoquer ici aussi, dans l’une des institutions parlementaires présentes dans la capitale européenne, le 50ème anniversaire de la signature du Traité de Rome et le début de cette aventure exceptionnelle que fût et qu’est, plus que jamais, la construction de l’Europe, à savoir la construction d’un espace de destin commun. Cet espace commun sur des matières limitées au charbon et à l’acier concernait les six pays fondateurs en 1957, avec une superficie de près d’1,3 millions de km² pour une population totale de 167 millions d’habitants. 50 ans plus tard, sur pratiquement l’ensemble des politiques publiques, le projet commun EUROPE concerne près de 500 millions de citoyens répartis sur 27 pays et une superficie de plus de 4 millions de km².

A côté des autres membres fondateurs, la Belgique a joué dès le départ un rôle déterminant dans cette construction et dans les mécanismes qui ont dû être mis en place progressivement pour rendre concret et opérationnel ce slogan sur lequel je reviendrai plus tard : « Unis dans la diversité ».

Il faut dire que la Belgique, de par sa genèse hétérogène, a pu faire valoir tout au long de son histoire mouvementée une réelle expertise et une créativité sans bornes pour faire cohabiter des citoyens ne pratiquant pas toujours la même langue, les mêmes réalités, la même vision, la même lecture de l’histoire mais aussi, depuis quelques années, des citoyens venus d’ailleurs avec leur propre histoire.

C’est dire si la Belgique est, à de très nombreux points de vue, un des pays qui ressemble le plus à l’Europe. Je voudrais ici souligner le rôle qui a été joué durant de très nombreuses années par celles et ceux qui ont construit la réputation du « compromis à la Belge ». Le mot « compromis » est trop souvent galvaudé ou méprisé, parce qu’il implique qu’il faille faire des concessions. Quelqu’un préfèrerait-il, ne fût-ce que dans sa famille ou son couple, une logique où les intérêts de l’un l’emportent à 100% sur les intérêts de l’autre ? Vivre ensemble implique inévitablement la discussion et le compromis. Le compromis, avec l’écoute, le respect et la volonté de construire des valeurs communes, est un instrument indispensable et irremplaçable de la démocratie et de la paix.

En Belgique, les fêtes des 50 ans de l’Europe se sont construites autour du slogan « Ensemble depuis 50 ans ».

Mes amis wallons, mes amis Flamands, mes amis Bruxellois, nous les Belges sommes ensemble depuis plus de 175 ans. Nous avons traversé des périodes où on en a vu de toutes les couleurs avec une devise qui nous a permis d’être souvent cités en exemple tant sur le plan économique (nous étions à l’avant-garde de l’industrialisation et ne nous défendons pas si mal à l’échelle internationale), que sur le plan social (nous gardons un des systèmes sociaux les plus équitables au monde), et sur le plan institutionnel (nous avons été et sommes encore un laboratoire permanent de réponses, certes souvent de plus en plus complexes, mais toujours pacifiques du vivre ensemble).

Cette devise, à l’heure où la fébrilité, où l’emballement l’emporte trop souvent face à la difficulté de trouver des solutions à des problèmes qui, quel que soit l’angle de vue, restent des problèmes de second ordre, cette devise, je voudrais vous la rappeler : « L’union fait la force ». Si ce slogan sonne aujourd’hui creux dans certaines oreilles, je vous en conseille un autre. Puisque nous sommes dans des logiques de subsidiarité avec l’Europe, si notre devise ne nous convient plus, reposons-nous sur celle de l’Europe : « unis dans la diversité ».

Unis parce qu’il faut vivre sur une autre planète et méconnaître profondément les défis planétaires auxquels nous devons tous faire face pour croire que nous serons plus forts si nous sommes séparés. Dans la diversité, parce qu’il y a un réel défi à construire des identités communes alors que nous ne vivons pas toujours les mêmes réalités. Ni l’Europe, ni la Belgique, ni Bruxelles, ni la francophonie belge n’échappent à cette contrainte et à ce défi.

Un appel a été lancé il y a quelques jours par Madame la Présidente de la Communauté française, Marie ARENA, afin de relancer ou de lancer une réflexion profonde sur les politiques menées par les francophones à Bruxelles et en Wallonie. C’est une ambition que j’appelle de mes vœux depuis très longtemps et qu’il faut encourager. Dans ce sens, j’ai le plaisir de vous annoncer qu’en concertation avec mes collègues Présidents de la Communauté française et de la Région wallonne, nous allons organiser une première réunion rassemblant l’ensemble des chefs de groupe de nos Parlements respectifs le 1er octobre au Parlement de la Communauté française.

Madame ARENA, vous avez appelé vos collègues à imaginer sans tabous de nouvelles synergies entre Bruxelles et la Wallonie. C’est très important et je vous prendrai immédiatement au mot. Vous semblez également avoir privilégié des discussions de fond à des débats de tuyauterie institutionnelle et je voudrais vous encourager dans cette voie.

Je voudrais d’abord rappeler que des synergies existent déjà entre Gouvernements et devraient être renforcées sans attendre la constitution de ce groupe de réflexion. Pour ne prendre qu’un seul exemple, je citerai la politique d’accueil et de soutien aux familles de personnes handicapées.

Je voudrais ensuite ajouter qu’il faudra aussi le faire dans le respect et la prise en compte de la diversité des uns et des autres. Si Bruxelles partage avec la Région wallonne d’être très majoritairement francophone, ses habitants – un enfant sur deux né aujourd’hui à Bruxelles a au moins un de ses parents qui n’est pas de nationalité belge – connaissent la particularité de n’avoir ni le français ni le néerlandais comme langue maternelle et d’être confrontés à des exigences de bilinguisme, plus particulièrement dans les langues nationales, plus élevées que dans les deux autres Régions, sans, par ailleurs, que la maîtrise de leur langue maternelle ne soit valorisée correctement. Le moins que l’on puisse dire, malgré des efforts soutenus depuis quelques années, il n’apparaît pas que la Communauté française ait réussi à intégrer cette particularité dans la politique d’enseignement qu’elle mène.

D’autre part, dans le domaine de la culture, si nous partageons entre francophones de Wallonie et de Bruxelles un bagage commun extrêmement important qu’il faut absolument entretenir et renforcer, il n’en est pas moins vrai que la culture à Bruxelles se construit aussi sur le terrain avec des acteurs de l’autre communauté linguistique et que c’est une richesse que nous devons absolument valoriser. Et que par ailleurs, le côté international de Bruxelles amène une diversité qui ne se retrouve pas strictement dans les définitions de nos deux Communautés. C’est ça Bruxelles, c’est ça l’Europe.

Tout cela pour nous encourager à dialoguer partout où il est possible de le faire dans le respect de nos différences mais avec la volonté d’avancer ensemble, également avec les Francophones de la périphérie. Ce qui est toujours plus simple lorsqu’on se sent compris et respecté.

C’est dans cet objectif que le Parlement francophone bruxellois avait pris l’initiative avec le Conseil de la Vlaamse gemeenschapscommissie d’inviter au Parlement bruxellois 200 jeunes issus de l’enseignement secondaire général et de l’enseignement technique et professionnel de chacune de nos deux Communautés afin de leur permettre de débattre au-delà des caricatures et autres clichés de leur avenir et de leur vision de Bruxelles. Ces jeunes, quel que soit l’enseignement qu’ils fréquentent seront confrontés aux mêmes réalités au sortir de l’école. Cette initiative a été récompensée du prix Condorcet-Aron décerné par le CREP, le Centre de recherche et d’Etudes politiques. Je voudrais partager ce prix avec tous les groupes politiques qui ont soutenu cette démarche que nous comptons poursuivre cette année académique.

Mesdames et Messieurs, faire de la politique c’est refuser les fatalités. Hier, nous avons commencé à construire l’Europe pour la paix et pour un meilleur développement au service de tous nos citoyens. Aujourd’hui Bruxelles, la Belgique et l’Europe sont confrontés d’une certaine manière au même défi : la gestion de la diversité. L’ouverture, le dialogue et le respect de l’autre sont des valeurs fondamentales de la francophonie. Mettons-les avec détermination et patience à l’œuvre au service de tous nos citoyens.

Bonne fête de la Communauté française, vive Bruxelles, vive la Belgique et vive l’Europe.