Suite à la proposition de Charles Picqué et de Rudy Demotte de créer une fédération Wallonie-Bruxelles en lieu et place de la Communauté française, j’étais l’invité de Matin première ce vendredi 18 avril en compagnie de Serge Kubla (MR) et de Brigitte Grouwels (CD&V).

Si l’idée d’une fédération Wallonie-Bruxelles est « intéressante » dans les objectifs qu’elle poursuit (meilleure prise en compte des spécificités des différentes régions notamment en matière d’enseignement et de culture), elle reste encore très floue sur la manière de faire atterir cette proposition et obscure sur la suite à donner au travail du groupe de réflexion sur l’avenir des institutions francophones.

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Ci-dessous la retranscription intégrale du débat auquel j’ai participé.
Journaliste : Benoît Patris
Intervenants : Christos Doulkeridis (CD), Serge Kubla (SK), Brigitte Grouwels (BG)

BP : Bonjour à vos trois !

Bonjour !

BP : On ne vous a pas demandé un choix musical commun. On va d’abord voir si vous êtes à l’unisson ce matin. On va peut-être commencer par vous, Brigitte Grouwels. Vos collègues du Gouvernement bruxellois, vos collègues flamands, parlaient hier, d’un débat intra francophone. Est-ce que c’est un débat intra francophone ?

BG : Mais non, les Flamands sont de toute façon concernés et c’est malheureux qu’ils sont un peu oubliés dans le texte de Monsieur Picqué et Monsieur Demotte. C’est vrai que la Région bruxelloise est quand même aussi gérée, ensemble avec les Flamands de Bruxelles et que la Communauté flamande a aussi un pouvoir d’initiative à Bruxelles, dans toutes les matières des communautés : l’enseignement, etc… Donc, on semble être oublié ou bien c’est une vision politique délibérée et évidemment, je peux vous garantir, qu’on n’aime pas ça.

BP : Vous parliez hier, d’un texte inquiétant. Certains du côté du SP.a, disaient qu’il s’agissait du preuve d’arrogance francophone ?

BG : Mais oui… on ne peut pas publier un texte comme ça et croire que les Flamands ne vont pas lire ce texte. Les Flamands qui sont quand même concernés… de Bruxelles. Bruxelles qui a toujours été vue comme un trait d’union dans ce pays. Donc, les Flamands sont oubliés, donc en effet, c’est inquiétant, absolument.

BP : Christos Doulkeridis, une réaction. Du côté d’Ecolo a dit : allez, discutons-en, c’est plutôt un bon signe. Vous partagez, vous comprenez, l’inquiétude de Madame Grouwels ?

CD : Alors, je la partage en partie. Je ne parlerai pas d’arrogance. Je pense que du côté néerlandophone on a aussi demandé depuis des années, d’apporter d’avantage de simplicité et de cohérence, dans les institutions francophones et là c’est une tentative et une contribution, qui visent à rencontrer cet objectif. Je pense et je partage néanmoins le fait que dans la note, même si on ne sait pas dire tout dans une note, il y a un aspect qui manque. C’est que à la fois on reconnaît que l’avenir des relations entre la Wallonie et Bruxelles doit se baser sur une meilleure prise en considération des régions et non pas spécialement de la langue qui est véhiculée au sein de ces deux régions, de la langue principale. En même temps, c’est vrai qu’on ne reconnaît pas suffisamment dans le texte, le fait que Bruxelles est une région, effectivement bilingue, avec une minorité néerlandophone importante, dont il faudra prendre aussi en considération dans les choix qui se seront faits à l’avenir, pour les institutions qui concernent Bruxelles et ses relations avec les autres régions.

BP : Comment se situe le chef de file du MR, à la Région wallonne ?

SK : Je ne perçois pas les choses comme je les entends là. De quoi s’agit-il au départ ? Nous disons depuis des années : nos institutions fonctionnent mal : incohérence, politique qui ne se complète pas bien, incompréhension du citoyen. Il faut qu’un air frais circulent du côté francophone. Les Flamands ont choisi. Ils ont fait la fusion communautés-régions. On l’a acté. Nous, de notre côté on n’est pas content. Et on le dit depuis des années. Et l’une des propositions que nous avions lancée au MR, c’était de dire : écoutez, est-ce qu’il ne serait pas plus cohérent que les ministres francophones bruxellois, siègent avec les ministres wallons, au sein du Gouvernement de la Communauté française, comme ça au moins, ce lien nécessaire entre Francophones, sera clairement établi, mais surtout, les complémentarités… combien de fois n’ais-je entendu les Bruxellois dirent : nous n’avons pas les mêmes problèmes point de vue de l’emploi que vous et il faudrait donc qu’on s’organise mieux et qu’on se parle. Avant, quand Monsieur Picqué rencontrait Monsieur Demotte, c’était presque deux chefs d’Etat qui se croisaient. Ils s’échangeaient des cadeaux et on en faisait un article de presse. Mais il faut être assis côte à côte dans un même gouvernement et se voir quasiment toutes les semaines. Donc, l’idée pour moi, elle est minimaliste. C’est simplement d’affirmer : on met un terme d’une régionalisation de la Communauté française… ça c’est oublié. Les plus pointus qui voulaient que la culture soit wallonne et soit bruxelloise d’un côté, ça c’est fini… on ne parle plus de ça. A l’inverse, on ne parle plus de la fusion non plus. On fait une autre structuration que nous demandions depuis longtemps, qui est celle du bon sens. Je ne vois là aucune agression à l’égard de la Communauté flamande, ni des Flamands de Bruxelles. Je dis simplement qu’il est de notre pouvoir et on peut le faire tout de suite, de passer à la mise en œuvre d’une autre façon d’organiser nos institutions. Et pour moi on en est là. Maintenant, si à partir de cela on commence à élaborer, comme je l’ai lu dans la presse ce matin, toute une série de thèses.

BP : C’est un peu ce que les deux auteurs de ce texte faisaient hier, sur nos antennes. C’est-à-dire… on va un peu plus loin que la mise en commun des gouvernements…

SK : D’accord, mais j’aurais d’abord préféré que les deux auteurs de ce texte, viennent devant leur Parlement respectif. Permettez-moi de vous le dire. La veille même que Monsieur Demotte ne lance sa carte blanche, il était interpellé par presque tous les groupes au Parlement wallon, pour dire : comment voyez-vous l’avenir ? Nuage de fumée, lendemain, carte blanche. Ce n’est pas comme ça qu’on travaille. Donc, ce qu’ils disent, ce qu’ils pensent, et bien ils l’ont exprimé à la presse, ils l’ont mis dans un papier, dans un journal, mais ils n’en ont pas débattu avec les forces démocratiques du Parlement. Donc, j’attends avec impatience, un débat et chacun alors, se prononcera sur ce qu’il met dans ce montage. Mais sur le principe même, nous disons : il y a longtemps qu’on le demandait et mettez-le en œuvre tout de suite, vous en avez le pouvoir.

BP : Une réaction de Christos Doulkeridis…

CD : Il ne faut pas prendre le texte pour autre chose qu’il ne l’est. C’est-à-dire, c’est pour moi, une simple contribution… une contribution de plus, qui va dans un sens, qui je pense, est positif dans ses intentions, mais qui dans les modalités reste extrêmement flou pour le moment. Alors, chacun peut y voir un peu ce qu’il a envie d’y voir. Finalement, ce n’est pas plus négatif que ça. Cela dit, il faut bien rappeler, parce qu’on est là dans des discussions qui sont très institutionnelles, que s’il faut aller dans ce sens et si les responsables politiques aujourd’hui… et wallons et bruxellois… doivent réfléchir à l’avenir de leurs institutions, c’est parce que sur le terrain, dans les écoles de l’enseignement général, qui est reconnu internationalement, comme étant un des systèmes les plus ségrégatifs, celui qui corrige le moins les inégalités sociales, dans les écoles techniques et professionnelles où on a vraiment, malheureusement, pas suffisamment d’espoir. On ne donne pas suffisamment de chance d’avenir aux jeunes qui fréquentent aujourd’hui, ces écoles-là. Il y a une insatisfaction qui est aujourd’hui partagée par tout le monde. Et il faut corriger et se donner les moyens, de pouvoir répondre et atteindre une meilleure efficacité dans les politiques que nous menons. Tant à Bruxelles qu’en Wallonie. Et ce sera effectivement possible si on tient davantage compte des spécificités de chacune des régions. Et j’imagine que du côté wallon, les sous-régions ont aussi des spécificités particulières qu’il faudra prendre en compte. Et la Communauté française, telle qu’elle est organisée aujourd’hui, ne prend pas suffisamment en compte cela. Et donc sur comment on va s’organiser demain, les choses sont encore très, très ouvertes, je dirais aujourd’hui, après la contribution de Monsieur Demotte et de Monsieur Picqué.

BP : Alors, une des questions qui pose ce matin, c’est …est-ce que la Belgique doit devenir un ménage à deux ou un ménage à trois ? Brigitte Grouwels… Deux communautés ou trois régions ?

BG : Je crois que les communautés doivent encore jouer un rôle important, parce qu’elles sont responsables pour l’enseignement, la culture, le bien-être et donc on n’a pas envie d’abolir cette situation-là. Mais c’est clair qu’il y a aussi trois régions et la région de Bruxelles-Capitale est une région avec des compétences bien spécifiques et on n’a pas du tout l’intention d’abolir cela. Il faut aussi savoir que le Gouvernement flamand ne se mêle pas des compétences régionales de Bruxelles. Ce qu’on veut et ce qu’on fait, d’ailleurs, c’est d’essayer de collaborer avec les régions bruxelloises. Par exemple, on le fait déjà aujourd’hui, au niveau de l’emploi… beaucoup de chômeurs à Bruxelles. Donc, il y a eu la coopération entre la Région flamande et la Région bruxelloise, qui commence à marcher très bien et qui essaye d’offrir des emplois aux Bruxellois, mais hors de la Région bruxelloise. Ca c’est une belle manière de travailler.

BP : Donc, au CD&V le fait régional bruxellois, on le reconnaît aujourd’hui ?

BG : Mais on le reconnaît déjà depuis très longtemps, mais on doit rester quand même dans ses compétences et ça le flou artistique du texte, qu’on a pu lire. On est positif du côté francophone qu’on essaye de régionaliser les institutions francophones. En Flandre on l’a déjà fait depuis longtemps, mais on n’a pas parler des compétences et c’est là qu’il y a le danger. On n’a pas du tout envie que le Gouvernement bruxellois et le Gouvernement wallon se mêlent des compétences régionales de Bruxelles, parce que là les Flamands…

SK : Mais Madame Grouwels, il ne le fera pas…

CD : Vous le savez très, très bien. Vous êtes ministre à la Région bruxelloise, Madame Grouwels…

BG : Je suis heureuse de l’entendre, mais ça ne se trouvait pas dans le texte…

BP : Christos Doulkeridis…

CD : Vous savez très, très bien, que dans l’Etat fédéral actuel, la reconnaissance des spécificités bruxelloises n’est pas suffisamment reconnu par le Gouvernement fédéral… tant en matière de financements, en matière d’autonomie constitutive. Et donc, c’est une région qui reste à part, malheureusement. Et donc, c’est la raison pour laquelle quand des femmes ou des hommes politiques, qu’ils soient néerlandophones ou francophones, plaident pour reconnaître Bruxelles, comme région à part entière, vous devriez être contente, indépendamment des questions. Et je pense que là-dessus vous devez nous suivre. Votre responsabilité elle est à Bruxelles, vous travaillez aussi sur les questions d’emplois. Et vous le savez très bien… que chaque qu’on parle d’emplois, d’économie, à Bruxelles, la question de matière communauté, telle que la formation, elles viennent toujours à l’ordre du jour de nos discussions et c’est chaque fois un problème.

BP : Serge Kubla et puis une réponse de Madame Grouwels.

SK : Je voudrais d’abord dire que je n’ai pas le sentiment que chacun va aller s’occuper des affaires des autres. Les Wallons vont gérer leurs compétences régionales et vont rester entre eux… les Bruxellois y compris… y compris les Flamands… vont gérer les compétences de Bruxelles.

BP : Olivier Maingain dit quand même, hier… la Flandre ne doit plus exercer de compétences à Bruxelles et doit en déménager sa capitale ?

CD : Oui, mais on ne parle pas des déclarations d’Olivier Maingain, pour le moment !

BP : Je m’adresse à Monsieur Kubla… dont Monsieur Maingain…

SK : Il y a des langages que l’on doit tenir lorsqu’on est en état de guerre et il y a des langages qu’on doit tenir lorsqu’on est dans un état de paix et de sérénité.

CD : Monsieur Maingain est souvent en état de guerre… Ca c’est vrai !

BG : C’est c’est vrai…

SK : Moi, je suis serein aujourd’hui. Mais c’est vrai que face à des pressions venant du Nord… Rappelez-vous toutes les ukases de ces derniers temps, on se dit : on va rentrer en résistance, je veux un Etat francophone… On a langage plus dur…

BP : Serge Kubla pour terminer, puis Madame Grouwels…

SK : Ce n’est pas mon langage. Je dis simplement, comme Madame Grouwels l’a souligné : les Francophones essayent de mieux organiser leurs institutions. Chacun va s’occuper de ses affaires. Les Wallons pour les leurs, les Bruxellois pour les leurs. Et ce qu’on a comme matière de la Communauté française, et bien ça va être géré différemment demain. Nous réfléchissons néanmoins, aux compétences qui vont évoluer. Mais qu’est-ce qui a demandé le plus de transfert de compétences. C’est la Flandre… C’est la Flandre qui dit : je vous demande de réfléchir et les Francophones qui disaient au départ : nous on n’est pas demandeur, ils font l’effort de parler de ça. Et qu’est-ce que nous venons de décider à la Région wallonne… c’est d’arrêter une liste sur les compétences disant : voilà ce qu’on ne veut pas voir bouger, voilà ce qu’on est prêt ou qu’on souhaite, même, voir bouger. Voilà peut-être ce qu’il faudrait refédéraliser et voilà comment mieux intégrer les régions dans la Belgique. Donc, nous ouvrons le débat au niveau wallon. Mais je n’ai pas peur de cette évolution. Elle n’est pas un empiètement sur vos compétences, c’est une meilleure organisation et c’est une réponse à l’évolution de notre état, et je pense que c’est un pas. Maintenant qu’il y ait une arrière-pensée politique, de mettre de la fumée sur un peu la crise interne du PS, ça a été dit et je crois qu’on ne peut oublier de le dire non plus. Le moment n’était pas dû au hasard.

BP : Brigitte Grouwels…

BG : C’est positif que du côté francophone, on veuille vraiment entrer dans le débat institutionnel et de vraiment parler de plus de compétences pour les niveaux qui en ont besoin, donc les régions. J’espère qu’elles auront plus de compétences et dans ce schéma-là la Région Bruxelles-Capitale aussi aura plus de compétences. Mais donc ce sont des choses à discuter. Je voudrais quand même dire que la Région Bruxelles-Capitale est une région quand même un peu spéciale. C’est une région à part entière, mais c’est une région capitale, donc elle quand même une certaine responsabilité, elle n’est pas très grande, mais elle a tout à gagner à une bonne collaboration avec la Région wallonne et la Région flamande. C’est quelque chose qu’on défend déjà, depuis des années. Donc, c’est dans ce sens-là, je crois, qu’on doit continuer à travailler. Et si c’est cela qu’on a voulu dire, là on peut évidemment être plus positif sur le modèle. Mais ça ce n’était pas du tout clair, dans le texte qui nous a été proposé.

BP : Christos Doulkéridis… rapidement…

CD : Je dirais même que ce qui est le plus positif ce n’est pas seulement de rentrer le débat institutionnel, c’est de rentrer dans une logique où les femmes et les hommes politiques, essayent d’être plus efficaces, dans les politiques qu’ils mènent. Et cette réflexion qui existe à l’échelle des relations entre Wallonie et Bruxelles, elle doit exister aussi au sein de Bruxelles et des institutions bruxelloise. Et donc il faut là un dialogue entre Bruxellois, Néerlandophones et Francophones, sur les relations qui peuvent exister, par exemple, entre les communes et la région. Non pas seulement pour dialoguer sur les institutions, mais pour surtout être plus efficaces, envers les citoyens.

BP : Merci à vous trois… On vous retrouve tout à l’heure dans Questions-Public.