Garantir une offre de logements accessibles et un pouvoir d’achat suffisant est une mission essentielle des politiques publiques. Pourtant, ces dernières années, la difficulté de financer notamment le logement public, que connaissent certains pays de l’Union européenne touchée par la crise financière et bancaire, menace l’efficacité, voire le maintien, des politiques dans ces matières alors que nous devons faire face à de nouveaux défis (boom démographique, vieillissement de la population …). Par ailleurs, les nouvelles normes bancaires, liées à Bâle III et décidées par le G20, auront des conséquences directes pour les clients des banques : modification des produits d’épargne, privilèges accordés aux anciens clients, sélection accrue pour accorder des crédits immobiliers sont quelques-uns des changements qui risquent de se produire dans le courant des prochaines années.
Dès lors, comment garantir un financement durable des politiques de logement en temps de crise et de restriction budgétaire ? C’est pour répondre à cette question et identifier des solutions que j’ai pris l’initiative avec Jean-Marc Nollet et Freya Vandenbossche, tous deux en charge du Logement en Wallonie et en Flandre, de réunir les Ministres européens du Logement ces 9 et 10 décembre à Bruxelles. Cette réunion informelle (car le logement n’est pas une compétence européenne) des Ministres, que j’ai eu l’occasion de présider, a permis de déboucher sur une série de recommandations ambitieuses en matière de logement qui seront adressées tant aux Etats membres qu’à la Commission européenne. Avec un appel clair aux différentes autorités compétentes : faisons du logement un axe essentiel pour sortir des crises sociale, économique et environnementale.
Si concilier les points de vue de différents pays partageant des réalités, des sensibilités et des législations différentes est toujours un exercice difficile, j’affiche une grande satisfaction quant à la dynamique de cette réunion et au consensus qui a pu être dégagé sur les propositions. Elles permettront, si elles sont suivies d’effets, de faire du logement un instrument de relance au profit des Européens (en améliorant le pouvoir d’achat et en investissant dans des secteurs avec des emplois peu délocalisables) et d’assurer la transition énergétique indispensable de notre société au regard des défis environnementaux auxquels nous devons faire face.
Depuis la dernière réunion des Ministres du Logement qui s’était déroulée à Tolède en 2010, les effets de la crise se sont amplifiés et pèsent encore plus lourdement sur le pouvoir d’achat d’une grande partie de nos populations. Le logement constitue ainsi un problème pour près de 40% des citoyens européens. Invitée à prendre la parole, Karima DELLI, députée européenne et auteure d’un rapport sur «le logement social dans l’Union européenne » adopté en juin dernier par le Parlement européen, a rappelé que « l’accès à un logement décent n’est plus financièrement abordable pour beaucoup trop de citoyens européens. 6% de la population européenne souffre de privation de logement, et 18 % vit dans des logements surpeuplés ou indécents ». De nombreuses délégations ont pour leur part fait état des difficultés d’accès au marché financier pour les jeunes ménages, de la pénurie de logements à des prix abordables …
Face à ces constats qui n’épargnent aucun pays de l’Union européenne et qui impactent le quotidien de plusieurs millions de citoyens, l’ensemble des 22 délégations présentes (dont 12 Ministres) ont rappelé à quel point le logement constitue un droit fondamental sur lequel d’autres droits – tels que l’accès au marché de l’emploi ou à l’éducation – reposent. Autant de droits qui, s’ils ne sont pas garantis, auront un coût important pour la collectivité. Réparer les dégâts liés à l’exclusion sociale coûte en effet toujours plus cher que de les prévenir en prenant en amont des mesures appropriés.
Outre le partage d’expériences intéressantes qui ont permis à certains Etats de mieux résister à la crise du logement et à lutter contre le sans-abrisme, cette réunion a également permis d’identifier, en associant la Commission européenne et la Banque européenne d’investissements, des pistes de solutions visant un financement durable des politiques publiques en matière de logement. Car bien que le logement ne soit pas une compétence européenne, de nombreuses décisions et de nombreux leviers dépendant directement de ses institutions permettraient de concrétiser l’exercice réel du droit au logement pour l’ensemble des populations. A cet égard,les différentes délégations ont notamment recommandé à la Commission européenne:
- d’initier un monitoring du marché immobilier. Ce monitoring, qui n’existe pas actuellement, permettra de mieux anticiper les crises et leurs conséquences
- que la lutte contre le phénomène des sans-abri et l’exclusion du droit au logement soit inscrite à l’ordre du jour des actions de l’Union européenne
- de soutenir et de développer, au travers d’instruments appropriés, le rôle de la Banque Européenne d’Investissement (BEI). Dans un contexte de financement à long terme, la BEI est, en effet, un acteur majeur pour la mobilisation de fonds privés ou publics susceptibles de soutenir le développement de l’offre en logements durables et accessibles, mais également la rénovation et la réhabilitation du parc existant de manière à en accroître le confort et la performance énergétique.
A l’issue de cette réunion, les différents Ministres du Logement ont émis le souhait que ces réunions soient organisées de manière plus régulière, sur une base annuelle par exemple. Plusieurs pays ont déjà manifesté leur volonté de l’organiser. Ces réunions me paraissent en effet indispensables pour nous assurer la coordination nécessaire des politiques entre pays et le suivi des différentes recommandations contenues dans le communiqué final.
En adoptant ces propositions, les différentes délégations ont clairement indiqué qu’il était temps de changer de paradigme et de considérer, désormais, les interventions publiques dans ces matières comme des investissements et non plus comme des dépenses.