a louerLa lutte contre les discriminations dans le logement doit figurer au premier rang des priorités de différents niveaux de pouvoir en fonction des compétences de chacun. Tant les communes que le fédéral et bien sûr la Région ont un rôle à jouer très concrètement. Il y a quelques jours, j’évoquais le résultat d’une enquête du Centre interfédéral pour l’Egalité des chances sur cette question. Lors de la dernière réunion de la Commission Logement du Parlement régional bruxellois, j’ai apporté quelques éclaircissements à ce sujet.

Ainsi, le marché du logement privé, régi par la législation fédérale (sur le bail de résidence principale) est soumis depuis la loi du 10 mai 2007 à une série de mesures visant à combattre la discrimination. Il appartient donc essentiellement au fédéral de prendre les mesures qui s’imposent pour prévenir et sanctionner les comportements discriminatoires à proprement parler lorsqu’ils sont relatifs au marché privé.

A cet égard, je me permets de souligner l’important travail réalisé par le Centre interfédéral pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme qui a réalisé deux brochures : l’une à destination des locataires ou acheteurs (« La discrimination au logement : comment réagir? »), l’autre à destination des intervenants dans la sélection lors de la location ou la vente d’un bien immobilier (« La discrimination au logement : comment l’éviter ? »). En outre, le Centre collabore activement avec l’IPI (Institut Professionnel des Agents Immobiliers) et la Confédération des professionnels de l’immobilier notamment en matière de formation. Ils ont également coopéré dans l’élaboration d’un formulaire-type fondé sur les législations anti-discrimination et de protection de la vie privée.

Ceci étant dit, ce n’est pas pour autant que la Région est restée inactive pour réduire les inégalités de traitement sur le marché privé, j’y reviendrai.

Certaines recommandations dans l’étude ont non seulement retenu mon attention mais  le Gouvernement leur a déjà apporté une réponse très concrète.

En ce qui concerne le logement public, nous avons travaillé sur plusieurs axes :

Premièrement, nous avons augmenté et continuerons à l’avenir à augmenter l’offre et à améliorer la qualité de celle-ci.  Comment ? Via :

  • le Plan Régional du Logement qui vise à la construction de 5.000 logements publics (1.438 logements sont aujourd’hui terminés. Le cap des 2.000 logements sera atteint en 2015).
  • l’ Alliance Habitat qui permettra de construire 6.720 logements tant locatifs qu’acquisitifs;
  • le nouveau quadriennal en matière de rénovation qui permettra de rénover 17.000 logements sociaux pour un budget de 300 millions d’euros.
  • La fusion des SISP qui a pour objectif l’amélioration et la professionnalisation du secteur.

Ensuite, nous avons objectivé et optimalisé les attributions dans le secteur du logement social, au travers de :

  • la réglementation basée sur des critères objectifs en ce qui concerne les attributions de logement : cette réglementation a permis de mettre fin aux pratiques clientélistes. Cela a abouti à diversifier les publics au sein des logements sociaux depuis le début de la Région et à attribuer les logements aux ménages les plus fragilisés (ex: 41 % des ménages avec enfants sont des mères célibataires). L’étude pointe le fait que certains opérateurs peuvent octroyer un nombre trop important de dérogations. C’est vrai en théorie mais dans les faits, on constate que les SISP ne dépassent pas en moyenne 10 % de dérogations.
  • l’introduction du bail à durée déterminée : on n’est plus locataire social à vie. Si les conditions du locataire s’améliorent, il doit quitter le logement social (il pourra désormais éventuellement muter vers un logement moyen). Il faut laisser la place aux ménages les plus précaires.
  • la modification en cours des règles relatives aux mutations (adopté en 2e lecture, le texte a été transmis pour avis au Conseil d’Etat) : Si le logement devient trop grand pour la taille du ménage, celui-ci se verra proposer un logement plus adapté à sa taille. Il faut laisser la place aux grandes familles.
  • la modification des règles en matière de renouvellement de sa candidature : une modification est en projet qui devrait permettre de ne plus devoir renouveler sa candidature à un logement social qu’une fois tous les deux ans.
  • Nous avons par ailleurs renforcé les règles en ce qui concerne les attributions des autres logements publics et en : la répartition territoriale des logements à gestion publique et à finalité sociale
  • intégrant des nouvelles dispositions dans le Code du Logement adopté en juillet 2013  comme l’interdiction pour les opérateurs immobiliers publics de conditionner l’inscription comme candidat locataire ou l’attribution d’un logement à la localisation de la résidence du candidat ou à un montant minimal de revenus et l’attribution des logements appartenant aux communes et aux CPAS sur avis conforme d’une commission indépendante apolitique (à créer au sein de chaque commune).
  • mettant en place des expériences pilotes en matière de contractualisation avec les communes : l’accord de Gouvernement de 2009 prévoit un objectif de 15 % de logements à gestion publique et à finalité sociale sur le territoire de chaque commune. Schaerbeek et Molenbeek participent à la mise en place d’une expérience pilote de contractualisation. L’objectif de ces expériences pilotes est d’adopter, lors de la prochaine législature, une Ordonnance qui fixe les règles de contractualisation pour toutes les communes sur base de l’évaluation des expériences pilotes.

Concernant le marché privé. Comme le dit l’étude, il est fondamental de travailler sur l’augmentation de l’offre et sur l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages locataires et propriétaires ayant des ressources limitées. Ici également notre action a donc porté sur plusieurs vecteurs :

L’augmentation de l’offre en remettant sur le marché des logements vides, en usant à la fois de la carotte et du bâton via la prise en gestion par les AIS de biens privés (3.501 logements) et la mise en place du service chargé de la lutte contre les inoccupés (3.200 dossiers d’amendes examinés);

La création d’une allocation de relogement pour les personnes qui quittent une situation de sans-abrisme : avant, seules les personnes mal logées avaient droit à une ADIL. Désormais les personnes qui étaient sans logement pourront également être aidées. Plus de 5.000 ménages par an sont ainsi soutenus financièrement (allocation de 155 € maximum par mois + 10 % par personne à charge) ;

La mise en place d’une expérience pilote en matière d’allocation-loyer : 1.000 ménages en attente d’un logement social qui ont des revenus ne dépassant pas le revenu d’intégration sociale et qui ont cumulé 14 titres de priorité recevront une aide financière (100 € maximum par mois +10 % par personne à charge) ;

L’augmentation des moyens du Fonds du Logement pour l’attribution de prêts à un tarif avantageux : 1.308 prêts ont été accordés en 2012 contre 826 en 2009.

Le développement de mécanismes innovants en matière d’acquisition (CLT) : 37 logements sont actuellement financés et 120 le seront dans le cadre de l’Alliance Habitat.

Par ailleurs, l’étude pointe qu’en matière de lutte contre les discriminations, un enjeu décisif est l’information. Afin de la rendre plus accessible, nous avons développé un site web, le «portail régional du logement » qui existe depuis 2012 et rassemble de très nombreuses données en matière de logement. Ce portail est directement géré par le CIL. Un partenariat avec le Centre pour l’égalité des chances est actuellement à l’examen au sein de mon cabinet afin de pouvoir intégrer dans le portail les outils didactiques réalisés par le Centre.

En outre, je plaide pour le développement au sein de chaque commune d’un guichet unique du logement chargé de centraliser les différentes demandes de logements à gestion publique et à finalité sociale (logement social, Fonds du Logement, AIS, logements contrats de quartier, logements communaux et de CPAS socialisés, etc.) et des les dispatcher vers les opérateurs concernés. Un conseiller logement devrait dans ce cadre être financé par la Région. Il pourrait par ailleurs être un outil efficace de la gouvernance douce dont parle le Baromètre et suivre le parcours résidentiel des ménages afin de les orienter vers l’opérateur qui leur convient le mieux à chaque étape de leur existence.

Pour ce qui est de l’opportunité d’avoir la compétence relative au bail dans le giron de la Région, elle permettra essentiellement de mettre en place un mécanisme de régulation des loyers qui sera plus efficace que le seul outil incitatif dont nous disposions jusqu’à présent. Par ailleurs, avec la matière du bail d’habitation, glisse aussi dans les attributions de la Région bruxelloise la compétence de déterminer les règles anti-discrimination afférentes à cette matière. Comme je l’ai déjà dit, le secteur privé du logement est régi (sous cet angle) par la loi du 10 mai 2007. Même si cette loi n’est pas visée nommément par la sixième réforme de l’Etat, il est implicite que, demain, la Région bruxelloise pourra arrêter ses propres prescrits, par exemple en incluant purement et simplement le secteur privé du logement dans le titre Dix du Code du logement (sur « l’égalité de traitement ») gouvernant déjà le secteur public et les AIS.

Enfin, j’ai proposé au Centre que le Baromètre soit présenté au Conseil Consultatif du Logement et de la Rénovation Urbaine afin que celui-ci s’en empare et propose des pistes de solutions sur cette base.