HerveLe journal « Le Soir » nous rapporte ce samedi 30 mai que, dans le cadre du nouveau traité de libre-échange Europe-Canada (CETA), sur 1.278 appellations d’origine protégée (AOP) et indications géographiques protégées (IGP) européennes, seules 144 (10 %) seront désormais reconnues sur le territoire canadien. Plus choquant encore est de constater qu’aucune des 17 appellations belges proposées ne figure parmi la liste des produits protégés !  Cette décision aura entre autres pour conséquence qu’il sera désormais possible au Canada de faire passer n’importe quel produit comme étant de le kriek de Bruxelles, du  pâté gaumais ou encore du fromage de Herve « made in Canada » et ce sans pouvoir rien y faire.. 

Ceci constitue sans conteste une menace pour la réputation de nos produits ainsi qu’une perte d’opportunité sur le plan économique. Mais plus largement, cela démontre clairement la logique profonde qui se cache derrière ce genre de traités négociés dans la plus grande opacité : retirer toute protection possible d’un patrimoine, d’un savoir-faire au profit du marché et parallèlement affaiblir encore pour les consommateurs toute possibilité de s’y retrouver.

Outre la ferme opposition des écologistes au traité CETA parce qu’il entraîne aussi une série de reculs pour notre société et représente une menace majeure pour notre fonctionnement démocratique, cette information a de quoi nous inquiéter pour la protection future de nos produits, car en effet, le CETA préfigure le Traité Transatlantique Europe-Etats-Unis (TTIP ou TAFTA) qui est toujours en cours de négociation et dont les enjeux économiques sont beaucoup plus importants. Le problème est que tout ceci se négocie dans l’ombre. Qu’au niveau local, beaucoup de partis expriment leurs réticences, comme ça a été le cas au Parlement bruxellois et au Parlement wallon. Si les écologistes demandaient l’arrêt pur et simple des négociations, PS et du CDh exprimaient leurs craintes avec véhémence, promettant de tout faire pour refuser les textes s’ils allaient dans la mauvaise direction mais refusant de demander l’arrêt des discussions. Et pour cause, les partis auxquels ils appartiennent au Parlement européen soutiennent globalement avec les libéraux la conclusion de ces traités.

Tout ceci a de quoi nous encourager à être beaucoup plus ambitieux encore dans la valorisation de nos produits.

Parmi les produits reconnus dans le cadre du traité CETA, nous constatons en effet que des pays comme la France et l’Italie ont pu faire valoir la reconnaissance d’une partie de leurs produits. La raison de cette différence tient à la notoriété plus importante de ces produits sur le plan international, dont le poids économique a dès lors été davantage reconnu.  Cela a de quoi nous alerter et nous faire réagir quant à l’urgence de nous recentrer sur la manière dont nous pouvons à l’avenir mieux promouvoir nos produits et savoir-faire, qui font partie intégrante de notre patrimoine. Et ce tant sur le plan régional, national qu’international.  Et pour ce faire, une véritable volonté politique est nécessaire.

Cette insuffisance de promotion de nos artisans et de notre terroir a des conséquences négatives tant sur la viabilité des petits indépendants, l’information et la  protection des consommateurs et encourage finalement elle aussi la dérégulation totale de notre économie et des aberrations telles celle de manger des pains qui viennent d’aussi loin que la Pologne, par exemple.

A la veille de la parution de cet article, j’interrogeais d’ailleurs Monsieur Didier Gosuin, Ministre Bruxellois chargé de l’emploi, de l’économie à propos des mesures prévues par le gouvernement pour valoriser les artisans boulangers en Région de Bruxelles-Capitale. Si les autres régions se sont dotées d’outils, certes améliorables, mais qui ont le mérite d’exister, Bruxelles ne dispose d’aucun label permettant d’identifier clairement les produits et savoir-faire bruxellois (dont les artisans-boulangers bruxellois).

Et je dois avouer que les réponses du Ministre ont été décevantes. « Trop cher à notre échelle », « pas vraiment de notre compétence », « difficile de se coordonner avec les autres régions ou le fédéral » et j’en passe. La réalité est que le défi de l’alimentation n’est toujours pas pris correctement en compte sur le plan politique. Ni pour ces aspects économiques, ni pour ses liens avec notre santé et notre environnement. Et les multinationales doivent bien s’amuser de nos difficultés à légiférer pour mieux se protéger.

Je continuerai à mon niveau à travailler et à encourager les actuels décideurs à prendre les mesures nécessaires. Vous trouverez dans ce lien le texte complet de mon intervention ainsi que la réponse du Ministre. N’hésitez surtout pas à réagir.