Une certaine conception de la décence en plus de 140 caractères. Depuis plusieurs jours, j’entends des commentaires offusqués sur les attaques dont subiraient un certain nombre de personnalités telles que Fillon, Dedecker ou Moreau : « on ne tire pas sur une ambulance », « acharnement », « lynchage », « chasse à l’homme ». On parle de personnes qui, certes, vivent des moments difficiles qu’ils auraient préféré éviter. Mais on parle bien de conséquences liées à leur propre action. Ils ont des conseillers juridiques, fiscaux et même en communication. Ils ont en tout cas les moyens de s’en payer. J’ai entendu qu’il devenait indécent de les critiquer avec autant de vigueur. Je vais vous dire ce que je trouve indécent.
Hier, je participais à une visite du parlement par des jeunes enfants de 12 ans venant d’une école d’Ixelles. A première vue, toutes les filles et les garçons partageaient la même insouciance que l’on peut avoir à cet âge. Vient le moment des échanges. Parmi les questions générales auxquelles je suis habitué, vient cette interrogation plus spécifique. « Monsieur, est-ce que vous trouvez normal que tous les enfants n’aient pas les mêmes droits en Belgique ?« . Sur le coup, j’avoue que je ne vois pas à quoi elle veut en venir et je réponds que, normalement chez nous les enfants ont les mêmes droits, même s’ils sont certainement touchés par des inégalités dont sont victimes leurs parents et qu’il appartient justement aux politiques de faire incessamment des propositions pour les corriger. Le débat se termine et j’accompagne les enfants vers la sortie. La même fille s’approche de moi et devient plus précise sur sa question. « Monsieur, j’habite avec mes parents au Samu social. Mes parents n’ont pas de papier, nous ne pouvons pas rester là et je ne sais pas où nous allons aller dans deux mois« … Laisser des familles avec leurs enfants dans ce genre de situation, ça c’est de l’indécence.
Des exemples comme ça nous en avons malheureusement par milliers. Des femmes seules, des personnes plus âgées, des familles sans abri, des jeunes sans emploi et sans perspectives, toutes et tous renvoyés d’un niveau de pouvoir à l’autre, d’une lâcheté à l’autre, souvent victimes de caricatures, de mépris ou de paramètre d’ajustement dans un budget par les mêmes qui aujourd’hui se plaignent d’être maltraités par la presse et une partie de la population.
Ca c’est de l’indécence.