Ce lundi, j’interrogeais la Ministre Greoli sur la façon dont elle intègrerait le soutien à l’emploi artistique dans la rédaction des conventions liées aux décisions prises pour les contrats-programme en arts de la scène. Je l’ai aussi interrogée sur les outils de mesure de l’évolution de l’emploi artistique et sur la nécessité d’un cadastre de l’emploi artistique. En résumé, j’ai constaté avec plaisir que la pression qu’ECOLO avait mise dans le cadre des discussions budgétaires a porté ses fruits. L’enveloppe consacrée au CAPT (aide aux projets théâtraux) va augmenter dès cette année et va doubler dès l’année prochaine comme nous l’avions proposé dans un amendement. Sur le volet du cadastre de l’emploi artistique, les choses patinent par contre. Ce n’est pas une bonne nouvelle, parce que tant que nous ne serons pas à même de définir l’emploi artistique et de le qualifier, il sera très difficile de vérifier que celui-ci est concrètement mieux soutenu.
Voici l’intégralité de nos échanges avec la Ministre Greoli de ce 29 janvier 2018 :
M. Christos Doulkeridis – En décembre dernier, je vous avais interrogée au sujet de la pétition de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) et de l’Union des artistes. Ces organisations rappelaient que la coupole «Artistes au centre» avait conclu à la nécessité de «déterminer des quotas d’emploi artistique selon les subventions,la nature des relations contractuelles et des budgets, de les inscrire dans les contrats-programmes et les conventions des opérateurs et de revoir les missions et les obligations des opérateurs subventionnés». Le débat n’est donc plus de connaître le montant perçu par chaque institution,mais de vérifier l’affectation de ce montant au soutien de l’emploi artistique. Tel semble être l’objectif principal de votre réforme et la raison des choix qui ont été effectués dans le cadre de l’octroi des différentes subventions.
Le secteur des arts de la scène est toujours en colère.La Chambre des compagnies théâtrales pour adultes (CCTA) avait d’ailleurs lancé un appel à manifester mardi dernier à la suite de vos décisions quant à l’octroi de subventions aux opérateurs en arts de la scène.Selon la CCTA, «les lignes n’ont pas bougé, l’artiste n’est pas au centre,le budget de l’aide à la création n’a pas augmenté, les processus de décision et les budgets ne sont pas transparents». Vous m’aviez dit que votre réforme des arts de la scène plaçait l’emploi artistique au cœur des critères d’attribution et d’évaluation des subventions structurelles, notamment dans le cadre des contrats-programmes. C’est l’une des raisons que vous avez avancées pour vous justifier auprès de certaines institutions déçues.
Vous m’aviez garanti que les taux d’emploi artistique et les parts budgétaires réservées aux activités artistiques seraient bien repris dans le cahier des charges de chaque opérateur bénéficiant d’un contrat-programme entre 2018 et 2022. Vous aviez d’ailleurs annoncé que la rédaction du libellé des contrats-programmes débuterait début janvier et intégrerait notamment des outils de mesure de l’évolution de l’emploi artistique. Les outils de ce type sont en effet indispensables.
Madame la Ministre, où en est la rédaction de ce libellé,notamment le volet consacré au taux d’emploi artistique? Dans quel délai les institutions auxquelles vous avez promis des moyens peuvent-elles espérer y voir plus clair en termes de taux d’emploi? Avez-vous avancé sur les outils de mesure de l’évolution de l’emploi en Fédération Wallonie-Bruxelles? Dans l’affirmative, quels sont-ils? Enfin, pouvez-vous faire le point sur votre rencontre avec les manifestants de mardi dernier?
Mme Alda Greoli, Ministre de la Culture – Madame Emmery et Monsieur Doulkeridis, vous m’interrogez tous les deux sur la rédaction des contrats-programmes. Comme prévu, cette rédaction a bien débuté en janvier 2018. Comme je vous l’ai expliqué devant la commission en décembre, un taux d’emploi artistique minimum sera en effet fixé dans le cahier des charges des opérateurs.
Pour les opérateurs identifiés sous les catégories «centres scéniques», «lieux de création», «lieux de diffusion» et «festivals», les obligations en termes d’emploi seront également exprimées en volume. Ces taux et volumes, tout comme les autres obligations chiffrées des contrats-programmes, correspondent à ceux identifiés dans les dossiers de demande de soutien des opérateurs. Ils ne feront pas l’objet d’une négociation puisqu’il s’agit des critères qui ont été analysés par les instances d’avis et qui ont servi de base à la prise de décision. Chaque dossier rentré précisait une identification du taux d’emploi. La décision s’est fondée sur ce critère que j’ai analysé et qui figurera dans le contrat-programme.
Je le répète: ces critères ne font pas l’objet d’une négociation, mais ils peuvent bien entendu être adaptés en fonction du montant de la subvention obtenue. Il est logique que, si la subvention est moins importante que celle demandée, les taux soient ajustés proportionnellement.
Vous m’interrogez également sur les dispositifs qui permettront de mesurer et d’évaluer l’emploi artistique des opérateurs soutenus. L’article 68 du décret dans sa section 5 «Évaluation» précise que «le bénéficiaire d’un contrat-programme transmet à l’administration, au terme de chaque exercice écoulé, (…) un rapport d’activité», en complétant les documents qui sont prévus à cet effet et qui permettent de mesurer le degré d’exécution de ces obligations. Cette mesure sera tant quantitative que qualitative: quantitative, à travers les comptes des opérateurs dans lesquels apparaîtront pour la première fois, de façon automatique, les chiffres d’emploi artistique tels que définis par le nouveau décret; qualitative, à travers les informations à communiquer sur les contrats proposés aux artistes et sur les barèmes appliqués, conformément à l’article 63 du décret.
Le cadastre pour l’emploi, pour ce qui con-cerne les arts de la scène et plus précisément l’emploi artistique, a été pris en main par le précédent gouvernement dès le mois d’avril 2013. Une concertation a été organisée entre les fédérations d’employeurs, les syndicats et les représentants de l’administration. Sept réunions de travail ont eu lieu en janvier 2013 et jusqu’en novembre 2016.
Certains aspects de la problématique ont également été traités. Cela a été le cas au cours des rencontres de l’opération«Bouger les lignes». Bien plus que dans des secteurs où l’emploi est encadré, l’emploi dans le secteur des arts de la scène est difficilement mesurable. En effet, le schéma relationnel classique, c’est-à-dire un employeur/un contrat/un travail, n’est pas la règle. Tout d’abord, l’employeur n’est pas toujours celui qu’on croit, notamment dans le cadre de coproductions et plus largement en raison du recours à des tiers payants intermédiaires.
Les contrats peuvent être multiples, souvent de courte durée et fondés sur des modes opératoires très variés. Le terme«cachet des artistes» dont il est souvent question, recouvre des situations très diversifiées qui conduisent souvent les intéressés à des passages parla case «chômage». Tous ces éléments font donc l’objet de discussions. Le système de récolte de données doit être adapté.
C’est à cela que s’emploie la direction du cadastre de l’emploi. L’objectif assigné, en accord avec l’administration fonctionnelle, est de tenter de produire d’abord un cadastre relatif à l’emploi des opérateurs bénéficiant d’un contrat-programme. Or, les contrats-programmes sont en cours de rédaction. La première opération test devrait être tentée en 2018 pour laisser la place à une étude plus large en 2019.
Madame Emmery, Messieurs Culot et Doulkeridis, vous m’interpellez tous les trois au sujet du mécontentement exprimé par la CCTA. Ce mardi 23 janvier, étant moi-même retenue en réunion de commission des Affaires sociales du Parlement de Wallonie pour le vote à l’unanimité du projet relatif aux allocations familiales, mon chef de cabinet et mes collaborateurs ont rencontré la délégation de la CCTA en mon nom. L’entretien a principalement porté sur le budget 2018 des arts de la scène et sur les montants qui ont été et seront attribués aux aides aux projets dans le secteur théâtral.
Dans le cadre de cette rencontre, il a tout d’abord été rappelé aux représentants de la CCTA que le nouveau calendrier harmonisé pour l’ensemble des domaines artistiques prévoit trois à quatre sessions d’examen des demandes de soutien en 2018. Par ailleurs,toutes les aides attribuées pour l’année budgétaire seront rendues publiques, comme ce fut le cas précédemment. À titre exceptionnel, les premières aides aux projets de type pluriannuel ont d’ailleurs, déjà été annoncées sur le site internet www.greoli.cfwb.be dans le cadre de la mise en œuvre de l’échéancier commun des arts de la scène.
La délégation de la CCTA a entendu des éclaircissements quant aux exercices de répartition budgétaire à réaliser dans le cadre du budget 2018 dans le domaine des arts de la scène, notamment, à partir de la provision des 10 millions d’euros supplémentaires votés fin septembre par le gouvernement. Elle s’est, de ce fait, vu confirmer que les crédits disponibles précédemment pour les aides aux projets seront, non pas amputés, mais augmentés des montants attribués pour les premières aides aux projets de type pluriannuel. Dans les domaines du théâtre adulte et du théâtre-action, cela représente l’allocation d’un montant supplémentaire de 680.000 euros dès 2018.
Lors de la rencontre, il a également été précisé aux représentants de la CCTA que les montants d’aide exceptionnelle, ou «phasing out», attribués cette année aux opérateurs n’ayant pas obtenu de renouvellement de leurs subventions structurelles seront disponibles, dès 2019,pour les aides aux projets et donc pour le soutien à la création artistique. Au niveau du théâtre adulte, ce montant représente 831799 euros.
Déjà augmenté de 131000 euros en 2015 et en 2017, le montant géré par le Conseil de l’aide aux projets théâtraux (CAPT) passe donc de 1261000 à 1941000 euros en 2018 et s’élèvera à 2772799 euros en 2019. La demande légitime de nette augmentation de l’enveloppe consacrée à la création a donc, dans les faits, été rencontrée, en ce sens que l’enveloppe a été doublée. C’est la raison pour laquelle Mme Emmery ne m’a pas interrogée à ce propos: elle savait que nous avions doublé les budgets.
Compte tenu de ces éléments, vous constate-rez que la CCTA et moi-même partageons la même volonté de transparence. L’ensemble des montants accordés est, en effet, déjà publié sur le site; le reste le sera au fur et à mesure. Le budget est, en outre, doublé. Par ailleurs, mes choix ne visent en aucune manière à pénaliser les créateurs.J’entends plutôt soutenir l’émergence de nouveaux artistes et le dynamisme de la création artistique en Communauté française.
M. Christos Doulkeridis – Madame la Ministre, vos réponses sont en partie encourageantes. Vous prenez en considération les objectifs de soutien à l’emploi et vous prenez comme point de départ les dossiers rentrés par les institutions. Ce soutien se fait au prorata du financement reçu par rapport au budget demandé. Cette base est objective et compréhensible.
Sur la question de l’évaluation, vos propos n’apportent rien de nouveau, si ce n’est l’aspect qualitatif. Chaque année,l’institution qui reçoit un soutien doit faire un rapport sur l’utilisation des moyens accordés et l’accomplissement des objectifs qu’elle s’est fixés en termes d’emploi. La difficulté est la suivante: comment évaluer ce rapport?Vous avez vous-même rappelé que la réflexion sur le cadastre de l’emploi a débuté en 2013, soit sous la précédente législature. L’actuelle législature touche doucement à sa fin. Pourtant, vous n’êtes toujours pas en mesure de définir l’emploi dans le secteur artistique. Tant que cet emploi n’est pas défini de manière claire, ne risquons-nous pas de nous retrouver avec des critères d’évaluation qui ne permettent pas de mesurer le respect des engagements? Il y a là un enjeu important et vous devez faire en sorte d’éclaircir ce point. La SACD a fait des propositions sur lesquelles nous pourrions éventuellement nous baser.
Mon groupe avait proposé de doubler les montants qui sont consacrés à l’aide aux projets et qui étaient restés inchangés depuis 2008. Vous avez refusé la proposition de mon groupe lorsque nous avons examiné le budget. Vous semblez dire aujourd’hui que cette augmentation sera d’application dans les faits. Si j’ai bien compris,vous allez à cet effet utiliser en 2019 les montants du phasing out utilisés en 2018. Mais comment allez-vous faire pour 2018? J’avoue n’avoir pas bien compris le mécanisme utilisé, mais je relirai votre réponse dans le compte rendu intégral. Si ma compréhension de votre réponse est correcte, alors c’est une bonne nouvelle: il s’agit d’un budget qui sert à soutenir directement l’emploi artistique.