Voici mon point de vue sur la dernière polémique qui a touché un journaliste de la RTBF à la suite de la divulgation d’un de ses emails privés, de la condamnation par le Président du MR qui a demandé et obtenu des sanctions à son égard par la RTBF. Quasi tout le monde s’est déchaîné contre le journaliste. J’estime, pour ma part, que le principal problème est l’intervention politicienne d’Olivier Chastel sur la RTBF au détriment de l’honneur d’un journaliste. Voici l’échange que j’ai développé ce mercredi 1 février à ce propos au Parlement.
Voici l’intégralité de mon échange avec le Ministre Marcourt lors de la séance plénière de cette semaine :
M. Christos Doulkeridis (Ecolo). –Monsieur le Ministre, je ne suis ni socialiste ni libéral; je fais partie du groupe Ecolo. Nous avons rarement attaqué la RTBF en l’accusant d’être partisane en défendant un parti plutôt qu’un autre. Je ne partage pas la lecture de M. Culot (MR). Il évoque une affaire «Caekelberghs». Ce qui me choque le plus est d’entendre un président de parti s’adresser à la RTBF, alors même que ce parti dénonce la politisation de l’entreprise publique, pour lui demander de réagir et de prendre des sanctions envers un journaliste. Ce président de parti intervient donc dans la gestion d’un organe censé être indépendant. Si affaire il y a, c’est donc plus une affaire «Chastel» qu’une affaire «Caekelberghs» à mes yeux.
En tant que ministre de tutelle et garant de l’indépendance de la RTBF, quelle est votre réaction? Étonnamment, après l’intervention de ce président de parti,la RTBF a pris des mesures. Pourtant, au sein de ce Parlement et des commissions, nous adressons régulièrement des critiques envers la RTBF,en vous interpellant, en tant que ministre de tutelle, pour que tel ou tel point soit corrigé. Or, ces demandes ne reçoivent pas forcé-ment de suivi et je le respecte dans la mesure où c’est l’affaire de la RTBF.
Cependant, dans ce cas-ci, un président de parti s’est exprimé, suscitant une réaction immédiate de la RTBF qui a décidé de suspendre un journaliste qui, à ma connaissance, n’a jamais été pris en défaut d’être partisan dans l’exercice de ses fonctions. Il est faux de dire que son militantisme était ignoré; celui-ci était fatalement public.
Mes questions rejoignent celles déjà posées. Ce journaliste a-t-il déjà fait l’objet de critiques, de remarques, de remises en cause de la part de sa direction? Nous sommes face à une situation qui n’est pas saine à la lumière du respect que l’on doit à ce média de service public.
M. Jean-Claude Marcourt, Ministre des Médias. –Monsieur le Président,Mesdames et Messieurs, vous comprendrez qu’en deux minutes, nous serons dans le registre de l’allusion et ne pourrons pas aborder le fond. Vous, comme moi, vous êtes pour la liberté absolue de la conscience.
Vous, comme moi, vous êtes pour l’inviolabilité du secret du courrier, quel que soit son support.
Dans l’affaire qui agite tant, – et je tiens à dire que je pense de la même manière que Mon-sieur Doulkeridis –, c’est la révélation d’un courriel privé, fût-il envoyé au départ d’une adresse professionnelle, qui génère le problème. Pour tous ceux qui ont assisté à la commission hier, nous avons entendu le professeur Jean-Jacques Jespers, plutôt que le président du Conseil de déontologie journalistique (CDJ), nous expliquer qu’en réalité il n’y avait pas eu d’expression publique de M. Caekelberghs. À la manière d’un échange tenu lors d’une conversation orale,M. Caekelberghs a échangé avec quelqu’un. On peut s’étonner d’ailleurs que la révélation d’un courriel privé, qui est couvert par la loi pénale,ait fait l’objet de publications dans la presse, mais cette question relève vraiment du CDJ.
Je voudrais dire qu’on doit être très attentif dans cette affaire. Pas tellement au dossier, mais à tout le reste: quelle est la liberté d’expression sur les réseaux sociaux, parfois même sur les antennes, pour les journalistes lorsqu’ils expriment une opinion personnelle? Où sont les limites, en appliquant cette balance absolue entre l’autonomie du journaliste, sa capacité à ne pas s’autocensurer et le respect de l’impartialité? Le cas dont nous parlons n’a rien à voir avec cela. M. Caekelberghs a envoyé un courriel à deux personnes. Une personne dont j’ignore l’identité a subtilisé ce courriel et l’a rendu public commettant ainsi une infraction pénale,et on en fait aujourd’hui une affaire.
Y a-t-il eu des précédents?C’est le cas et la RTBF les a réglés. Faut-il faire quelque chose? Oui, et je crois que la RTBF a dans sa mission de regarder comment le personnel de l’institution se conduit de manière publique, car c’est la grande différence entre un courriel que j’envoie à M. Madrane – où il s’agit d’un échange entre deux personnes – et un post sur Facebook ou Twitter qui est ouvert à l’ensemble de la population, rendant publique l’expression du contenu de ce post. La différence est bien là et il faut faire la nuance.
Il est clair qu’ici, on a utilisé de manière méchante un courriel privé pour nuire à une personne.C’est la manière dont je ressens les choses, même s’il eût été préférable que M. Caekelberghs ne le fasse pas.
Je suis toujours modéré,Madame Bertieaux. Entre une erreur et une faute, il y a une très grande nuance et invoquer l’applicabilité de l’article 11 en est une autre.
Je souhaite qu’on retrouve la sérénité, car on a assisté à une chasse à l’homme alors que parallèlement, sur Facebook et Twitter, on lit des opinions parfois insultantes à l’égard de certains de nos concitoyens et celles-là passent au bleu – Et cela ne vise pas le MR!
Je terminerai en disant que cela mériterait une analyse approfondie que nous ne ferons pas ici, car nous allons parler du contrat de gestion de la RTBF et pas de ces éléments, sur l’indépendance journalistique et sur la capacité que les journalistes doivent avoir de maîtriser l’image qu’ils donnent d’eux-mêmes. De là à sanctionner quelqu’un, j’avoue être troublé.
M. Christos Doulkeridis (Ecolo). – Vous n’avez pas répondu à ma question.Comment pouvez-vous, en tant que ministre de tutelle, garant de l’indépendance de la RTBF, contrer des manœuvres politiques qui visent à l’influencer de l’extérieur? L’enjeu est extrêmement important et d’autant plus important au regard des arguments développés par mon collègue M. Culot dans sa réplique.
Nous vivons dans un monde où les attaques envers les journalistes deviennent de plus en plus importantes et où la discrétisation des médias permet d’asseoir certaines politiques. Dire et insinuer, comme cela a été fait ici, que la RTBF subit des pressions extérieures sans en apporter la preuve est tout simplement scandaleux. S’il y a des preuves, les faits doivent être dénoncés et stigmatisés de manière argumentée. Mais l’insinuation sans preuve est inacceptable. Ainsi, accuser ce journaliste de militantisme caché est totalement faux. Son militantisme est totalement public et connu de tous. Il n’y a donc rien de caché et cet élément n’intervient en rien dans l’incident dont nous discutons ici. La situation est suffisamment grave pour que l’on puisse avoir des réponses sur la question de la garantie de l’indépendance de la RTBF par rapport à des tentatives d’influences politiques.