Capture d’écran 2018-05-09 à 09.53.33Ce samedi 5 mai, le quotidien de La Libre a eu la gentillesse de me proposer d’être leur invité de la semaine pour lalibre.be. J’ai répondu à toutes leurs questions sans détour. Nous avons parlé d’Ixelles, de la région bruxelloise, d’ECOLO, de Reynders, Vervoort et Mayeur et puis aussi un peu de moi. Voici le contenu de cet entretien avec le journaliste Jonas Legge.

« L’écologiste le clame, il veut devenir bourgmestre à Ixelles. Sa stratégie de campagne passe notamment par un lien de proximité et par un moyen de locomotion tout désigné pour un écolo : le vélo. En cette matinée ensoleillée, Christos Doulkeridis arrive légèrement essoufflé au rendez-vous pour l’interview. « Comme vous le voyez, je ne suis pas sportif mais le corps s’habitue tout de même rapidement à l’effort », expose-t-il en s’hydratant.

Dans cet entretien sans langue de bois, il admet que son passage du poste de ministre à celui de « simple » député (bruxellois et de la Fédération Wallonie-Bruxelles) n’a pas été facile à vivre. « Je suis tombé en dépression pendant un moment. » Christos Doulkeridis est l’Invité du samedi de LaLibre.be. 

La commune d’Ixelles est-elle bien gérée par la majorité PS-MR ?

Je ne veux pas tomber dans une dichotomie caricaturale et affirmer que tout va mal, car ce n’est pas le cas. Mais il y a des problèmes. Des familles, des jeunes n’arrivent plus à se loger. En termes d’immobilier, la commune n’est pas proactive, elle attend les projets. Or, elle devrait mettre un cadre et dire aux promoteurs que leurs projets doivent être adaptés à certains publics et être pensés pour des formes nouvelles d’habitat. Je pointe aussi l’absence de vision à long terme concernant les crèches, les espaces verts ou la mobilité.

A en croire les rumeurs, les socialistes et libéraux souhaiteraient renouveler leur coalition. Ecolo a-t-il une chance de gouverner ?

Que les deux partis s’expriment et le disent clairement aux électeurs ! Je pense avoir entendu le MR aller dans ce sens mais je n’ai pas entendu le PS le déclarer officiellement. Ce serait dommage que PS et MR renouvellent la majorité car Ixelles a besoin de sang neuf et d’une dynamique différente.

Ecolo pourrait s’allier avec n’importe quel parti ?

Je n’ai pas d’exclusive. Il y a cependant deux ou trois personnalités politiques belges, appartenant à des partis démocratiques, qui ne sont pas conciliables avec mes valeurs et avec qui je ne pourrais donc pas créer d’alliance. Alain Destexhe, par ses propos, son attitude, est incompatible avec le projet que je défends. Ecolo ne gouvernera donc pas avec le MR si Alain Destexhe joue un rôle dans cette commune.

Quelles sont vos ambitions personnelles à Ixelles ?

Devenir bourgmestre. J’ai les compétences pour exercer ce mandat. J’ai été ministre pendant cinq ans donc j’ai appris à trouver des solutions dans des situations extrêmement difficiles. J’ai l’ambition de ne pas venir avec des projets mirobolants. Je veux plutôt que chaque quartier puisse se développer en « co-construction » avec le politique, je veux impliquer les citoyens dans les décisions. Je serai bourgmestre à vélo pour favoriser la proximité. Et je ne cumulerai pas.

Vous abandonneriez donc votre poste de député même si vous n’êtes « que » échevin, et non bourgmestre ?

Oui, si j’ai un mandat exécutif, je ne cumule pas. Mais je vise un mandat de bourgmestre ! Il est temps qu’Ecolo soit le premier parti pour diriger les choses. Je veux insuffler une dynamique d’ouverture et qu’Ixelles devienne une commune exemplaire, à l’image de Gand, pour ses modes nouveaux de participation. Impliquer les citoyens permet notamment de contrer la crise de la démocratie que nous vivons aujourd’hui dans le monde.

En 2014, vous êtes passé du poste de ministre à celui de « simple » député. N’est-ce pas un peu déprimant ? La fonction… ronronnante ?

Si… Je vais l’admettre sans langue de bois, je suis tombé en dépression pendant un moment. Ce n’est pas le poste qui déprime mais le type d’action. Je m’en fous du titre. J’ai eu l’honneur de pouvoir créer, innover dans des domaines comme le logement ou le tourisme. Ensuite, dans l’opposition, je suis passé à une fonction où je dois conseiller ou critiquer les actions des autres. J’espère être utile au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles car il a des compétences fondamentales comme l’Enseignement ou la Culture. Mais je ne tire jamais au bazooka sur la majorité car je respecte ceux qui essaient de mettre des projets en place. Or, si vous prenez la parole pour insulter un politique, vous allez avoir de la visibilité médiatique, de l’audience. Mais si vous prenez la parole pour faire des propositions de fond, personne n’en parle.

Au Parlement bruxellois, l’opposition semble tout de même peu critique à l’égard du gouvernement Vervoort. On ne vous entend pas pousser des cris d’orfraie comme Nollet et Calvo au fédéral.

L’attention médiatique est bien plus grande pour le fédéral que pour les Régions. Il faut aussi reconnaître un problème de valorisation de Bruxelles dans le chef des ministres. C’est un gouvernement de potes qui s’entendent bien mais ils sont un peu « plan-plan ». On qualifiait François Hollande de « Flamby » mais que dire des ministres à Bruxelles ? Vervoort a évidemment une responsabilité particulière mais personne ne prend le relais non plus…

Yvan Mayeur estime avoir été victime d’un « assassinat politique » de la part de Rudi Vervoort. Il fait valoir une « guerre qui existe depuis longtemps entre la Ville et la Région ». Vous ressentez ce conflit ?

Si le PS ne parvient pas à placer, à des niveaux de pouvoir différents, des politiques capables de discuter avec des membres de leur propre famille politique, alors il y a une incompétence tragique. Et les habitants en paient le prix. On nous présente aujourd’hui comme un fait historique qu’un socialiste de la Ville de Bruxelles et un socialiste de la Région bruxelloise soient capables de se mettre ensemble autour d’une table et de partager une vision. C’est surréaliste ! On croirait vivre un rapprochement historique entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. Je signale aussi qu’il n’y a quasiment plus aucun contact entre la Région bruxelloise et la Fédération Wallonie-Bruxelles ou avec la Région wallonne. C’est totalement scandaleux et ridicule car nous sommes interdépendants.

Didier Reynders n’exclut pas de gouverner avec la N-VA à Bruxelles en 2019​. Ecolo accepterait aussi ?

Didier Reynders devrait d’abord tenter de convaincre ses propres troupes. Quand je vois les conflits internes au MR dans sa commune d’Uccle, je ne trouve pas ça rassurant pour quelqu’un qui aimerait être ministre-président. Pour moi, la N-VA est le pire des partis démocratiques néerlandophones. Son projet consiste en une instrumentalisation de Bruxelles. Regardez l’attitude scandaleusement populiste et démagogique de Theo Francken qui, au moindre incident à Bruxelles, stigmatise une partie de la population et jette de l’huile sur le feu. Mais qui a les compétences pour assurer la sécurité à Bruxelles ? La N-VA, avec le ministère de l’Intérieur ! Aujourd’hui, on reparle des problèmes à Anderlecht. Mais qui est dans la majorité communale depuis des années ? Le MR ! Il y a une arnaque extraordinaire dans le discours de la N-VA… qui est un peu avalisée par Didier Reynders. Je trouve ça dommage…

Début 2015, avec Chloé Deltour, vous aviez brigué la coprésidence d’Ecolo. Que pensez-vous du duo élu Zakia Khattabi et Patrick Dupriez ?

Je lui tire mon chapeau. Depuis cette élection, Ecolo est tourné vers l’externe pour proposer des solutions et changer la société. Ferais-je tout comme eux ? Non. Même si je partage leurs valeurs et objectifs, j’ai une approche et un style différents. Mon discours est souvent plus nuancé, voire plus ouvert. Mais je ne suis pas sûr qu’aujourd’hui ce soit ce que les gens attendent d’un président de parti. Les discours doivent être plus clivés.

Au magazine Wilfried, le député fédéral Marcel Cheron affirmait qu' »Ecolo est un parti très dur, d’une violence incroyable envers les gens ». Vous l’avez subi ?

J’ai très souvent ressenti cela mais j’ai toujours pris de la hauteur par rapport à ça. Inévitablement, dans un parti, cette violence peut exister. Mais elle n’est pas le propre d’Ecolo. Lorsque la concurrence existe parce qu’il faut convaincre, se faire élire, cela crée des tensions. Ces énergies sont les plus pénibles, les moins supportables à vivre. Cela a aussi joué dans la phase dépressive que j’ai traversée. Ce n’est pas simple de passer le relais mais Ecolo est un parti qui prône le fait de céder sa place. Et je suis convaincu qu’il faut accepter cette phase ingrate même si vous avez les compétences, même si vous vous savez utile. Laisser émerger d’autres styles dans une cohérence de valeurs, c’est essentiel. Je dois moi-même parvenir à mieux gérer cela.

Jonas Legge

 

 

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