En nous baladant dans les rues commerçantes de la Région bruxelloise, nos regards sont souvent attirés par la présence de logements vides au dessus des commerces. Il s’agit d’un phénomène préoccupant à l’heure où la crise du logement se fait sentir et que la Région met en oeuvre des outils pour relever le défi démographique qui l’attend. Suite à une interpellation de Céline Frémault (cdH) lors de la dernière réunion de la Commission du logement du Parlement régional bruxellois, j’ai dressé un diagnostic complet du problème en proposant quelques pistes.

Avant tout, il faut se rendre compte que cette problématique complexe n’appelle pas une « simple ». Il est probablement nécessaire d’apporter un ensemble de mesures coordonnées à même de lever un à un les multiples freins et obstacles à la réoccupation de ces étages laissés vides au-dessus des commerces.

Cette situation résulte essentiellement de la conjonction de trois sources :

a) La législation – fédérale – sur les baux commerciaux, qui permet d’inclure dans un bail commercial de longue durée les parties non commerciales d’un immeuble mixte de logement et de commerce.
Ce cadre légal laisse la faculté au propriétaire du bien de ne conclure qu’un seul bail, et laisse la faculté au locataire de sous-louer, ou non, les logements aux étages, ce qui n’est a priori pas le métier d’un commerçant indépendant ni d’une société commerciale, surtout s’il s’agit d’une grande chaîne commerciale.

b) La législation urbanistique, aujourd’hui régionalisée, qui a permis, pendant les décennies d’urbanisme d’après-guerre, la transformation massive d’immeubles situés dans les zones commerciales sans égard pour l’habitabilité et même l’accessibilité des logements aux étages. De nombreux logements sont ainsi inoccupés depuis des décennies, ce n’est donc nullement un phénomène récent, même s’il est davantage mis en lumière aujourd’hui par la crise du logement.

c) Une évolution socio-économique, qui a vu diminuer très fortement depuis une quarantaine d’années le nombre de petits commerces familiaux, dont les commerçants habitaient au-dessus de leur magasin, et pouvaient s’accommoder de traverser celui-ci pour accéder à leur logement.

En tant que Secrétaire d’Etat au Logement, ma « porte d’entrée » dans cette problématique ne se situe donc pas aux sources du problème, mais dans leurs effets induits : l’inoccupation des logements, qu’il soient ou non situés aux étages d’un commerce, matière qui relève juridiquement du Code du Logement.

L’ajout au Code du Logement d’un chapitre relatif aux sanctions administratives régionales en cas de logement inoccupé, entré en vigueur le 1er janvier 2010, constitue désormais le bras armé de la politique de réhabilitation des logements inoccupés. Je m’attelle actuellement avec la Direction du Logement du Ministère à la mise en place du service régional habilité à rechercher et à constater l’infraction de « maintenir inoccupé un bâtiment destiné au logement ».

Afin d’outiller ce service régional, et de manière plus large la Région, vis-à-vis de la problématique spécifique des étages vides au-dessus des commerces, j’ai chargé le ministère de lancer une étude–action pour acquérir une connaissance approfondie de la situation et des zones prioritaires d’intervention et mettre au point les outils internes et -le cas échéant- externes nécessaires pour réhabiliter les logements.

Voici les principales étapes de cette étude action :

1°) L’identification du potentiel par inventaire des étages vides situés au-dessus des commerces et réhabilitables en logements. A noter qu’il n’existe actuellement que des données très fragmentaires et incomplètes à ce sujet.

2°) Le diagnostic des problématiques d’inoccupation.
Sur base de l’expérience de terrain et de l’identification du potentiel, il s’agit de cibler les problématiques spécifiques à résoudre et les moyens à mettre en place pour y parvenir.

3°) La mise en place d’une action régionale spécifique pour la réhabilitation des étages vides en logements.
Il s’agira de proposer une amélioration des mécanismes incitatifs et répressifs existants, effectuer un travail pro-actif de sensibilisation sur le terrain et de contacts avec les acteurs locaux et partenaires potentiels. Et enfin, il devra proposer au moins deux opérations-pilote à mener en partenariat avec les acteurs locaux (commune, CPAS, AIS, etc.) et/ou régionaux (SLRB, Fonds du Logement, etc).

A côté de cette étude-action, il m’apparaît nécessaire, à un autre niveau, de renforcer le cadre urbanistique de telle sorte que l’autorité délivrant des permis puisse conditionner l’octroi d’un permis pour l’aménagement ou la rénovation d’une surface commerciale au rétablissement d’un accès séparé aux étages, et à la réhabilitation des logements inoccupés dans le même immeuble. Le Règlement Régional d’Urbanisme est actuellement trop laxiste à cet égard. L’intérêt de la règle urbanistique générale est de mettre tous les propriétaires, investisseurs, développeurs et commerçants sur pied d’égalité face à cette problématique, sans avoir à compter sur le bon vouloir des uns et des autres, qui peuvent être déforcés par des concurrents moins scrupuleux. En effet, quel commerçant renoncerait spontanément à abandonner plus d’un mètre de vitrine en façade pour recréer un accès aux logements situés aux étages… ?

Lorsque je disposerai d’un premier inventaire du potentiel de réhabilitation, je serai en mesure de faire des propositions concrètes en ce sens à mon Collègue Emir Kir, et l’inviterai, ainsi que mon Collègue Benoît Cerexhe, à en discuter ouvertement pour construire une approche commune.

Un autre levier d’action coordonné sera lié à la possibilité de participation publique à des opérations pilotes de reconversion des espaces inoccupés au-dessus des commerces, telle qu’elle est annoncée dans l’Accord de gouvernement. Cette disposition de l’Accord de gouvernement est intimement liée à la mise en place d’une Agence régionale pour le Commerce, qui soit mandatée pour acquérir une maîtrise foncière de rez-de-chaussée commerciaux, afin de contribuer plus efficacement à la revitalisation des quartiers commerçants en déclin (comme cela se fait notamment à Maastricht et dans d’autres villes).

L’acquisition d’immeubles mixtes d’habitation et de commerce par un ou plusieurs acteurs publics associés constitue à mes yeux une réponse ponctuelle pertinente à la fois pour intervenir sur certains sites commerciaux stratégiques (entrée de quartiers commerçants, immeubles d’angle à forte visibilité, etc.), et pour disséminer du logement public à finalité sociale dans le tissu urbain. C’est donc bien volontiers que je collaborerai avec mon Collègue Benoît Cerexhe pour développer ce type d’opération lorsqu’il aura jeté les bases de l’Agence Régionale du Commerce.

Je compte, au terme de l’étude-action lancée par l’Administration du Logement, principalement sur les outils dont nous pourrons doter la Cellule Logements inoccupés du Ministère pour prendre en charge structurellement cette problématique, de manière coordonnée avec un indispensable renforcement de la législation urbanistique et de la maîtrise foncière aux travers d’opérateurs régionaux.